Mont-Saint-Michel

Un projet en eaux troubles

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 2009 - 571 mots

Vain et coûteux, le projet de désensablement du Mont-Saint-Michel progresse sans convaincre.

MONT-SAINT-MICHEL - Le voyage au Mont-Saint-Michel (Manche), organisé par l’Élysée sur le thème de la sauvegarde du patrimoine et du développement durable, aurait pu être l’occasion pour le nouveau ministre de la Culture de méditer sur le bien-fondé de l’existence de quelques prescriptions en matière architecturale et, par voie de conséquence, sur l’action des architectes des Bâtiments de France (ABF). Ces derniers viennent en effet de voir leur rôle sérieusement amoindri par la loi Grenelle 1, adoptée définitivement par le Parlement au mois de juillet sans susciter la moindre résistance Rue de Valois. Le déplacement du président de la République aura finalement été reporté pour raisons de santé. Mais l’aréopage accompagnant Nicolas Sarkozy n’aurait sûrement pas manqué de noter la médiocrité architecturale du quartier dit « de la Caserne », construit dans les années 1950 avec l’assentiment des élus de l’époque, vaste et triste zone commerciale qui constitue le point de passage obligé des quelque trois millions de touristes qui se rendent tous les ans au Mont-Saint-Michel. Sa restructuration est aujourd’hui l’un des axes du vaste chantier engagé depuis 2006 sur ce site patrimonial et économique majeur du tourisme hexagonal. Soit un projet pharaonique – et utopique –, né d’une réflexion engagée dès les années 1980, et dont l’ambition est de restaurer le caractère maritime et insulaire du mont en luttant contre son ensablement. « Nous souhaitons défaire ce que la main de l’homme a accéléré, explique François-Xavier de Beaulaincourt, directeur du Syndicat mixte pour le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel. C’est-à-dire apporter une réponse technique à un problème environnemental. » Historiquement, le rocher se trouvait en effet situé à 4,5 km de la côte. Il n’en est plus distant aujourd’hui que de quelques dizaines de mètres, l’ensablement naturel de la baie ayant été accentué par plusieurs phénomènes, dont la construction, en 1879, d’une digue-route insubmersible bloquant le courant des marées. Déjà critiquée par Victor Hugo, elle sera symboliquement détruite en 2015, à la fin des travaux, pour faire place à un pont-passerelle en circulation limitée prolongé à 120 mètres des remparts par un simple gué. Les travaux consistent ainsi à intervenir à plusieurs niveaux : construction d’un nouveau barrage sur le Couesnon destiné à remettre à flot les sédiments ; travaux hydrauliques en amont de la rivière, mais aussi réfection du parc de stationnement et aménagement du nouvel ouvrage d’accès. Au total, 15 hectares devraient ainsi être rendus à la nature. Conçu par l’architecte Luc Weizmann, le barrage, inauguré en septembre, en constitue le premier élément achevé. Pourtant, les prosélytes du projet peinent aujourd’hui à convaincre de l’efficacité de cette tentative, qui entend lutter contre un ensablement inéluctable à l’échelle de la baie. « Nous sommes sûrs de nous en termes d’efficacité, plaide François-Xavier de Beaulaincourt, mais nous avons plus de doute sur le temps que cela prendra. » Les sommes investies ne sont pourtant pas négligeables : 200 millions d’euros au total, dont 75 millions versés par l’État et 21 millions par l’Europe, le reste étant à la charge des collectivités. À titre de comparaison, le budget alloué par le ministère de la Culture au patrimoine monumental s’élevait en 2009 à 282 millions d’euros… Les travaux auront également des conséquences financières pour les visiteurs, qui seront priés de s’offrir une place de stationnement à 2,5 km du mont puis de marcher ou d’emprunter des navettes… payantes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Un projet en eaux troubles

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque