Sur les bancs de l’École de Delft

Vermeer et ses contemporains à Londres

Le Journal des Arts

Le 29 juin 2001 - 574 mots

Après le Metropolitan Museum of Art de New York, c’est au tour de la National Gallery de Londres d’accueillir « Vermeer et l’École de Delft ». Cette exposition se propose de placer l’œuvre de Johannes Vermeer dans son contexte historique et d’aborder, malgré des préoccupations disparates, les thèmes communs aux différents artistes, dont l’intérêt pour la perspective.

Dans les années 1640, la cité hollandaise de Delft s’affirma assez soudainement comme un centre artistique. Si le travail de Johannes Vermeer et Pieter De Hooch établit la renommée de la ville, cette dernière vit aussi émerger une large communauté de peintres, tapissiers, orfèvres et faïenciers. Cette exposition se propose de mettre en relation le travail de ces deux grands artistes et toute une production annexe rarement considérée, avec pour fil conducteur cette question : est-il possible de parler d’”école” dans tous les sens du terme ? Une cinquantaine d’artistes sont représentés et 159 œuvres issues de collections publiques et privées étayent le propos. Malgré une inévitable disparité, une cohérence s’esquisse à partir de préoccupations communes. Ainsi, un même goût de la perspective retient l’intérêt des artistes, particulièrement les peintres d’intérieurs d’églises. Parmi eux, Emanuel De Witte et son Intérieur de l’Ancienne Église de Delft de 1650, ou Hendrick Cornelisz Van Vliet qui, dans sa Vue intérieure de la Nouvelle Église de Delft de 1662, utilise la perspective classique à point de vue unique, préconisée par Van Mander. Gerard Houckgeest, quant à lui, multiplie les scènes d’intérieur de la Nouvelle Église et du tombeau de Guillaume Ier. Employant une perspective oblique construite avec deux points de fuite, il confère une impression d’élargissement et de vue panoramique de l’édifice religieux. Certains peintres comme Van Bassen plaçaient les monuments dans des intérieurs d’églises imaginaires. Ce type de recherche prend un caractère nettement expérimental chez Carel Fabritius avec son extraordinaire Vue de Delft de 1652. L’étrange format et les fortes distorsions suggèrent qu’elle était destinée à être vue à travers une lentille ou une boîte munie d’une ou plusieurs ouvertures.

Appelé couramment “boîte perspective”, l’exemple le plus connu est certainement Le Cabinet d’optique de Samuel Van Hoogstraten. Chez les peintres de “scènes de genre”, tels Pieter De Hooch et Johannes Vermeer, cet ordre mathématique de la perspective conserve une vocation structurelle. Parmi les onze œuvres de Pieter De Hooch exposées pour l’occasion, le Portrait d’une famille dans une cour à Delft (1658-1660) et La Cour d’une maison à Delft (1658) offrent une échappée sur une cour ou un jardin, créant un jeu de clair-obscur. L’exposition rend aussi compte de l’évolution de l’œuvre de Vermeer – un des seuls représentants de l’école qui passa sa vie à Delft –, du Christ chez Marthe et Marie datée de 1655 jusqu’à ses dernières œuvres comme L’Allégorie de la foi de 1670-1672. La Servante endormie de 1656-1657 semble être une œuvre de transition dans laquelle l’intérêt pour la perspective est évident, entièrement lié à une question d’échelle et de mise au point des différents plans. Cette précision a emmené nombre d’historiens à affirmer que Vermeer utilisa la “camera obscura”. En tout cas, les œuvres d’Houckgeest, De Witte et surtout Fabritius semblent l’avoir fortement influencé. Les dernières toiles telles que L’Art de peindre (1666-1668) et La Leçon de musique (1664) – non présentée pour l’occasion – marquent le point d’aboutissement de ses recherches sur la perspective.

- Vermeer et l’École de Delft, jusqu’au 16 septembre, National Gallery, Trafalgar Square, Londres, tél. 44 (0)20 7747 2865.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Sur les bancs de l’École de Delft

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