Ports francs

Suisse

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2006 - 1491 mots

Loin d’être un paradis fiscal, la Suisse tire surtout avantage de ses nombreux ports francs.

Avec ses nombreux impôts et sa TVA à 7,6 % sur les transactions commerciales et sur l’importation d’œuvres d’art, la Suisse est loin d’être un paradis fiscal. Cependant, ses multiples ports francs (lire plus bas) représentent un véritable atout.
En Suisse, les impôts sont prélevés au niveau fédéral, cantonal et communal. À de rares exceptions près, il n’y a pas de règles spécifiques concernant les biens culturels. Les transactions commerciales de biens culturels sont traitées comme les autres biens.
Le revenu généré par la vente de biens culturels en tant qu’actifs commerciaux ou considérés comme tels est soumis à l’impôt sur le revenu pour les particuliers, et à l’impôt sur les bénéfices pour les sociétés. En revanche, les plus-values réalisées par des particuliers sur des ventes non professionnelles sont généralement exonérées d’impôt.
De la même façon que les œuvres d’art sont prises en compte pour le calcul du patrimoine des particuliers assujettis à l’impôt sur la fortune, les œuvres d’art sont prises en compte pour l’estimation du capital des entreprises – pour celles assujetties à l’impôt sur le capital. Il existe cependant quelques exceptions pour les particuliers et les institutions exonérées d’impôt.
Pour l’impôt sur la fortune et les droits de succession et de donation, la valeur des biens culturels est estimée en fonction du marché.
Il existe quelques exonérations de TVA sur la vente et l’importation d’œuvres d’art. Alors que les ventes d’œuvres d’art effectuées directement par les artistes sont exonérées de TVA et de taxes sur les importations, celles réalisées par les galeries, les marchands d’art et les maisons de ventes sont soumises à la TVA. En règle générale, cette TVA s’applique seulement à la commission ou à la marge.
Les transactions de biens culturels sont soumises à la TVA et à une taxe sur les importations au taux de 7,6 %.
Le gouvernement suisse cherche à simplifier la législation concernant la TVA et à supprimer de nombreuses niches fiscales. En contrepartie, le taux global de TVA de 7,6 % serait, dans certains cas, abaissé à 6,2 %.

Impôt sur la fortune
En principe, les biens culturels appartenant à des particuliers sont des actifs imposables soumis à l’impôt sur la fortune au niveau cantonal. Les taux d’impôt varient entre 0,1 % et 1 %. Les biens culturels appartenant à des personnes morales sont soumis à un impôt sur le capital allant de 0,05 % à 0,1 %.
La valeur sur le marché des biens culturels concernés sert de base pour calculer l’impôt sur la fortune. Pour définir cette valeur, les autorités fiscales se fient généralement aux déclarations faites par les contribuables ou utilisent comme référence la valeur déclarée à l’assurance.

Impôt sur le revenu
Une distinction doit être faite entre, d’une part, le revenu des ventes et du négoce professionnel de biens culturels, d’autre part les plus-values résultant de ventes privées par les particuliers. Ces dernières sont généralement exonérées d’impôt à condition que le bien culturel vendu ne soit pas un actif commercial. En revanche, le revenu résultant du commerce professionnel de biens culturels est soumis à l’impôt sur le revenu au niveau fédéral et cantonal.
Le taux de l’impôt sur le revenu dépend du revenu global du contribuable. Les taux de l’impôt fédéral et de l’impôt cantonal varient de 20 % à 40 % en fonction du domicile fiscal du contribuable.
Les ventes réalisées par des personnes morales (autres que les personnes qui bénéficient du statut d’exonéré fiscal à vocation caritative) sont soumises à l’impôt sur le bénéfice au taux variant de 15 % à 30 % en fonction de leur domicile fiscal.

Impôt sur le chiffre d’affaires
Il n’y a pas d’impôt sur le chiffre d’affaires autre que la TVA.

Impôt sur les plus-values
Il n’existe pas, pour les particuliers, d’impôt sur les plus-values pour la vente d’objets de valeur, notamment pour la vente de biens culturels. Les profits réalisés à la suite d’une vente (non professionnelle) de biens culturels ne rentrent pas non plus dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. En revanche, les profits réalisés à la suite d’une vente de biens culturels par des sociétés ou des professionnels sont soumis à l’impôt. Cependant, la distinction entre vente privée exonérée d’impôt et activité professionnelle n’est pas encore bien établie.

TVA
Les biens culturels n’ont pas de statut spécifique. Les particuliers ou les entreprises qui vendent, achètent ou prêtent des biens culturels en prenant au passage une commission (comme c’est le cas pour les galeries d’art, les marchands d’art et d’antiquités, et les maisons de ventes) sont assujettis à la TVA dès que leur chiffre d’affaires est supérieur à 75 000 francs suisses (47 500 euros).
Le taux de TVA est actuellement de 7,6 %. La vente et la distribution de livres sont soumises à un taux de TVA réduit de 2,4 %.
Les créateurs (peintres, sculpteurs, écrivains, compositeurs, réalisateurs…) sont exonérés de TVA sur la vente et la distribution de leurs œuvres.
Pour les galeries d’art, la TVA sera prélevée seulement sur la commission, non sur le prix total de la vente. De la même façon, pour les maisons de ventes, la TVA est en général prélevée uniquement sur les frais de l’acheteur et du vendeur.

Impôt sur les donations
Dans la plupart des cantons, les règles et les taux d’imposition qui s’appliquent aux donations sont identiques aux règles et aux taux des droits de succession.
Les donations inférieures à environ 10 000 francs suisses (6 330 euros) sont exonérées d’impôt.
En principe, l’impôt est payé par le bénéficiaire de la donation. L’estimation de la valeur de la donation suit les mêmes règles que celles de l’impôt sur la fortune.

Droits de succession
Les droits de succession sont prélevés par les cantons. L’impôt peut varier considérablement en fonction de la dernière résidence du défunt. Quelques cantons ne prélèvent aucun droit de succession (Schwyz) tandis que d’autres (sauf Bâle-Ville, Neuchâtel, Soleure, Saint-Gall, Thurgovie) ne prélèvent pas de droits de succession sur les descendants directs. Généralement, le taux d’imposition dépend du lien de parenté entre le défunt et ses héritiers. Ces taux varient de 0 % à 53 %.
L’estimation des biens culturels est soumise aux mêmes règles que pour l’impôt sur la fortune.
Il arrive souvent que, dans le cas de grandes collections d’art, les héritiers doivent vendre une partie de la collection pour payer les droits de succession.
Certains cantons (Genève et Jura) permettent le paiement des droits de succession par des dations d’œuvres d’art si celles-ci présentent un intérêt artistique ou scientifique particulier.

Transferts aux institutions culturelles
La Suisse a modifié le 1er janvier 2006 sa législation en matière de donations aux institutions exonérées d’impôt. La valeur des donations peut être déduite du montant du revenu déclaré au niveau fédéral. La déduction est cependant limitée à 20 % du revenu net imposable pour les particuliers. Les donations peuvent être déductibles lorsqu’elles sont payées en numéraire ou lorsqu’elles sont effectuées en nature.
Les mêmes règles s’appliquent au niveau cantonal avec parfois des abattements supplémentaires.

Taxe sur les importations et exportations
La Suisse ne prélève pas de droits de douane sur les peintures, les dessins et les sculptures. Les gravures et les lithographies sont exonérées si elles sont numérotées. Les vidéos, les photographies et les œuvres numériques ne sont pas exonérées. Pour les œuvres d’art non exonérées, les droits de douane sont en général modestes puisqu’ils sont calculés en fonction du poids de l’objet.
Les importations de biens culturels ne sont généralement pas soumises aux droits de douane, mais à une taxe sur les importations/TVA au taux de 7,6 %. Si l’objet importé est destiné à être vendu, l’impôt sera calculé sur la base du prix de vente ou de la commission réalisée par l’intermédiaire. Dans tous les autres cas, la taxe est calculée en fonction de la valeur de l’objet sur le marché.
Il n’y a pas de taxe à l’exportation sur les biens culturels.

Droit de suite
Jusqu’à présent, il n’y a pas de droit de suite en Suisse.

Paolo Bernasconi (Bernasconi Peter Gaggini, Lugano) et Alexander Jolles (Schellenberg Wittmer, Zurich)

Les ports francs

- Le port franc de Genève est l’un des plus connus. Les marchands d’art, experts et collectionneurs le considèrent comme le plus grand musée du monde. Il existe pourtant en Suisse plus d’une quinzaine de ports francs, plus discrets, comme ceux de Zurich, Bâle ou Chiasso. - Le port franc de Genève a été créé en 1850, à une époque où les barrières douanières étaient nombreuses et les droits de douane extrêmement élevés. Le Conseil fédéral – l’autorité tutélaire de Suisse – a alors permis au canton de Genève d’avoir son propre port franc. - Le principe est simple : les biens économiques sont placés dans une « zone de transit », entre deux douanes, pour une durée indéfinie et ne peuvent être taxés. - La zone franche permet notamment au vendeur de stocker l’œuvre temporairement, dans l’attente de sa vente.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Suisse

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