Ventes aux enchères

Se mettre à l’heure

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 2 septembre 2009 - 960 mots

Les montres-bracelets représentent un domaine de collection en pleine progression. Dans ce secteur, la marque est un must.

La haute horlogerie fait cette année une entrée très remarquée au Salon du collectionneur, à Paris. Dix marques horlogères de prestige du groupe Richemont y présenteront aussi bien leurs dernières créations haut de gamme que des pièces anciennes. D’après Hervé Aaron, président du Syndicat national des antiquaires, « la haute horlogerie, qui déchaîne les passions des collectionneurs et s’intègre parfaitement dans la modernité, est une évidence au sein du salon structuré par spécialités ». Parmi ces nouveaux invités, citons Vacheron Constantin, qui présentera notamment une montre-bracelet Buse à épaulette de la collection « John James Audubon », série limitée de 12 cadrans émaillés décorés d’un oiseau différent et produite au tout début des années 1990. La marque avait été portée au pinacle à Genève chez Antiquorum le 3 avril 2005, lors d’une vente anniversaire célébrant les 250 ans de Vacheron Constantin. Éditée pour l’occasion à sept exemplaires (tous uniques par leur décor individuel), une large montre-bracelet Tour de l’Île double face, ne comprenant pas moins de 16 complications (dispositif « tourbillon », quantième perpétuel, phases et âge de la Lune, indication jour/nuit, plusieurs indications astronomiques telles que le lever et le coucher du soleil, la carte céleste…), a été adjugée 1,8 million de francs suisses (1,2 million d’euros), un record pour une montre-bracelet de cette marque.

Le Salon du collectionneur accueillera également la marque horlogère A. Lange & Söhne, venue avec deux montres-bracelets à tourbillon Pour le Mérite de 1994, en or jaune (produite à 150 exemplaires) et en platine (50 pièces). « C’est la seule marque d’excellence qui soit fabriquée hors de Suisse, à Glashütte, près de Dresde en Allemagne. Les collectionneurs apprécient beaucoup les montres A. Lange & Söhne, qui sont exclusives car produites en peu d’exemplaires, inventives avec beaucoup de complications et toujours d’une grande qualité de conception », souligne Geoffroy Ader, directeur du département de haute horlogerie chez Sotheby’s à Genève. Une montre-bracelet A. Lange & Söhne en platine Tourbograph Pour le Mérite, éditée en 2006 à 51 exemplaires, à tourbillon avec dispositif de transmission fusée-chaîne, chronographe à rattrapante et indicateur de réserve de marche, s’est vendue 5,9 millions de dollars hongkongais (483 000 euros), le 10 avril 2008 chez Sotheby’s à Hongkong, soit un record mondial pour une montre-bracelet A. Lange & Söhne aux enchères.

Le leadership Patek Philippe
Les montres-bracelets les plus prisées possèdent plusieurs complications, c’est-à-dire des fonctions, dont les plus recherchées sont le chronographe, le tourbillon qui compense les effets gravitationnels, les sonneries à répétition et le quantième perpétuel indiquant le jour de la semaine, le mois, la date et les années bissextiles. Autres critères déterminants : la rareté et l’état d’origine d’un modèle. Une montre endommagée voit vite sa cote dégringoler, de 30 % pour un cadran refait par exemple. Si le design est un plus, la marque est un must, à commencer par Patek Philippe, leader incontesté. Ses plus rares modèles vintage (fabriqués avant 1990) dépassent le million de dollars en ventes publiques. Pour les montres modernes (après 1990), les prix records atteignent parfois plusieurs centaines de milliers de dollars. Derrière Patek Philippe, Breguet, Omega, Rolex ou encore Audemars Piguet comptent parmi les signatures horlogères les plus cotées aux enchères. Leur ingéniosité à créer sans cesse de nouveaux modèles de montres rares entretient la passion des amateurs toujours plus nombreux.
Les premières ventes de montres-bracelets organisées par Antiquorum à Genève au début des années 1980 ont largement contribué à éveiller et maintenir l’intérêt des collectionneurs au plus haut niveau. Depuis, l’offre s’est diversifiée avec les ventes spécialisées des maisons Christie’s et Sotheby’s, ainsi que Patrizzi & Co Auctioneers. Cette nouvelle maison de ventes, spécialisée dans l’horlogerie et basée à Genève, a été créée à l’automne 2008 par l’ancien fondateur et dirigeant d’Antiquorum, Osvaldo Patrizzi.
Si Genève reste La Mecque des ventes d’horlogerie de prestige, l’essor de la demande internationale a boosté les vacations de Hongkong – passée deuxième place en valeur devant New York depuis 2004 –, ou encore, a lancé les premières ventes de montres à Dubaï (Émirats arabes unis). Les nouveaux acheteurs asiatiques participent au dynamisme de ce secteur qui ne connaît pas la crise pour les modèles d’exception.

Une Rolex parfaite

Avec la référence 6062, Rolex crée au début des années 1950 une montre-bracelet haut de gamme pour les collections les plus importantes. Il s’agit de la seule Rolex (avec la référence 8171) dotée d’un calendrier précisant la date, le jour de la semaine et mois de l’année et, le nec plus ultra, les phases lunaires. Le modèle, le premier du genre à couronne Super Oyster, fut produit entre 1950 et 1953 à quelques centaines d’exemplaires en or jaune, à moins de 100 exemplaires en or rose et en un nombre encore plus limité en acier. La maison Christie’s a-t-elle pris un risque en présentant dans sa vente du 11 mai 2009 une Rolex Oyster Perpetual (réf. 6062) en acier, sur une estimation de 200 000 à 300 000 francs suisses, soit l’estimation la plus élevée aux enchères donnée pour cette montre dans sa version acier ? « C’était une pièce exceptionnelle et rare, dans un état de conservation parfait. Ce dernier point constitue une autre rareté », justifie l’expert Aurel Bacs. Résultat : nombre d’acheteurs privés se sont battus pour s’emparer de cette montre, finalement partie à 447 000 francs suisses (300 000 euros), soit un record mondial pour ce modèle. Un mois plus tard à New York, toujours chez Christie’s, le même modèle de montre a été adjugé 60 000 dollars (43 000 euros), dans son estimation. Son état de conservation médiocre explique l’important écart de prix : boîtier repoli, cadran refait et mouvement en partie restauré.

« Les collectionneurs poussent les prix à des niveaux jamais atteints »


Aurel Bacs, codirecteur international du département montres et horlogerie chez Christie’s, Genève

Quels ont été les résultats de la vente de montres du 11 mai 2009 à Genève ?
La vente de printemps à Genève a obtenu de très bons résultats avec 93 % de lots vendus sur un total de 336. Nous avons réalisé ce jour-là 15,1 millions de francs suisses (10,1 millions d’euros) de produit de vente, contre 17,9 millions de francs suisses (12 millions d’euros) le 17 novembre 2008. Dans la conjoncture économique, les collectionneurs deviennent de plus en plus sélectifs et exigeants, mais quand ils trouvent la perle rare, ils sont capables de pousser les prix à des niveaux encore jamais atteints. Aussi avions-nous adapté l’offre à la demande, en étant plus sélectifs, en diversifiant les goûts et en adaptant nos estimations aux prix du marché. Nous avons consécutivement enregistré plus de 750 enchérisseurs internationaux pour notre vente de mai, soit environ 300 de plus que pour notre vacation d’automne, six mois plus tôt. Si le niveau des prix des montres de collection a globalement baissé de 15 %, nous avons eu de très bonnes surprises. Estimée 1 à 1,5 million de francs suisses, une montre-bracelet Patek Philippe référence 2499, avec chronographe à calendrier perpétuel, en or rose, un modèle rare fabriqué en 1960 et connu à quelques exemplaires, a été achetée par un amateur américain pour 1,93 million de francs suisses (1,3 million d’euros). Une autre Patek Philippe, un modèle d’aviateur de 1936 probablement unique, à large cadran noir laqué (55 mm) et en parfait état, que nous avions estimée 300 000 à 500 000 francs suisses, s’est envolée à 1,89 million de francs suisses au profit d’un musée privé suisse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Se mettre à l’heure

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