Foire & Salon

Renouvelée et élargie, la Fiac à l’heure internationale

Pour sa 29e édition, la foire d’art moderne et contemporain attire davantage l’étranger

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2002 - 1286 mots

Avec un taux de renouvellement record et un grand nombre de galeries étrangères, la Fiac annonce pour son 29e anniversaire une édition « internationale ». Réformé, le secteur « Perspectives » accueille désormais des galeries à la réputation assise tandis que Paris entend toujours reprendre la place qui lui est due.

2002 - année internationale ? Tel semble être l’accent de cette 29e Fiac. Affichant clairement ses ambitions, la foire se plaît à se résumer en quelques chiffres et statistiques : 165 galeries dont 55 % d’étrangères, 19 nationalités représentées et une participation exceptionnelle des américaines, 13 au total, dont Andrew Kreps, Anton Kern, Tanya Bonadkar, Nicole Klagsbrun, Michael Kohn, CRG, Gavin Brown ou encore Leo Kœnig. Les nouveaux venus n’arrivent pas seulement d’outre-Atlantique. Côté allemand, on note la première participation des galeries Carlier Gebauer – qui présentera les travaux photographiques du jeune Mexicain Jonathan Hernandez et une intervention in situ de Bojan Sarcevic – et Contemporary Fine Arts, toutes deux à Berlin, comme de Michael Janssen (Cologne). La présence des galeries allemandes n’est pourtant pas si évidente, tant le calendrier est serré : Art Forum Berlin vient juste de fermer ses portes et Art Cologne débute le 29 octobre. De l’avis général, la santé fragile des institutions allemandes, en mal de budget d’acquisition, n’est pas étrangère à cet intérêt. Mathias Arndt (Arndt & Partners, Berlin) fait, lui, désormais figure d’habitué, et malgré une mise entre parenthèses en 1998 et 1999, ne cesse de regarder Paris avec intérêt. “Pendant une certaine période, nos artistes étaient représentés par des galeries parisiennes, et ce sont elles que les institutions françaises favorisent, parfois un peu vite d’ailleurs. Mais, désormais, le marché privé français est beaucoup plus fort. L’année passée, nous avons eu un très bon accueil avec les œuvres d’Hiroshi Sugito. La Fiac est un rendez-vous majeur qui justifie que nous gardions pour elle des pièces importantes. Ces dernières années, Paris est arrivé sur la scène internationale de façon très vive.”

Parti pris assumé
À nombre constant et avec un taux de renouvellement avoisinant les 30 %, le jeu des chaises tournantes n’a pas été sans perdants. Jouer aux hôtes attentionnés a obligé à fermer la porte à des habitués de longue date. “La décision de réduire le nombre de participants a été prise l’an passé, explique Emmanuel Perrotin, entré cette année dans le Cofiac, le comité en charge de la sélection présidé par Yvon Lambert. Cela génère bien sûr des frustrations, mais la Fiac n’est pas seulement un événement national, elle nécessite un minimum de parti pris. Il existe d’ailleurs d’autres foires, nous ne sommes pas seuls.”

La ligne est claire !
“Nous avons refusé de jouer l’agrandissement au bénéfice du qualitatif”, explique Anne de Villepoix, autre membre du Cofiac. Les nouvelles orientations de la foire s’attachent à un objectif aussi simple qu’ambitieux : donner à la Fiac une audience internationale et créer une alternative crédible à la Foire de Bâle.

Dans cette quête de visibilité, l’accélération promise des travaux du Grand Palais ne laisse personne indifférent. Pour l’heure, le secteur “Perspectives”, auparavant réservé aux seules jeunes galeries, apparaît comme une des marques de cette volonté. L’allée, qui sera située au fond de la foire, accueille désormais des “enseignes” reconnues, attirées par des conditions plus favorables et des coûts moindres. “Nous avons fait sauter l’obligation pour les galeries d’avoir moins de trois ans d’existence et l’impératif qui leur était fait de présenter une exposition personnelle, poursuit Emmanuel Perrotin. Nous ne pouvons avoir les mêmes exigences que Bâle. Dans ‘Perspectives’, nous avons désormais des galeries internationalement reconnues qui, sans cela, viendraient autrement.
Je me réjouis que Tanya Bonakdar propose une exposition ‘Olafur Eliasson’ à la Fiac.”

Outre la New-Yorkaise, on croisera donc cette année Anton Kern (New York), Dvir Gallery (Tel Aviv), f a projects (Londres), Klaus Engelhorn (Vienne), Gavin Brown (New York), Andrew Kreps (New York), Müllerdechiara (Berlin-New York), Unlimited Contemporary Arts (Athènes). Côté français, la Galerie Franck, Gb Agency, Chez Valentin et Loevenbruck profiteront sans doute de leur environnement. “La sélection est bonne, plus pointue, juge Hervé Loevenbruck qui, pour sa première participation à la Fiac, consacre son stand à Bruno Peinado. Nous sommes face à des galeries dont les collectionneurs bougent.” La concurrence ne doit donc pas faire peur, bien au contraire. “Paris doit être reconnue comme une place forte internationale. La foire de New York n’a jamais empêché les galeries new-yorkaises de fonctionner, c’est même le contraire”, soutient Emmanuel Perrotin.  Anne de Villepoix abonde dans le même sens : “Paris a toutes les chances de reprendre une place. [La capitale] a une véritable actualité artistique qui n’a rien à envier à New York. Nous brassons les tendances et les pays là où l’Amérique reste très spécialisée.”

Dans son rôle de vitrine, la Fiac réussit à faire passer le message. Ainsi, bien moins nombreux que l’an passé, les “One man shows” permettront quelques coups de projecteurs, par exemple sur le jeune marseillais Olivier Millagou et ses Drawing Pins chez Roger Pailhas (Marseille) ou sur Marcel Dinahet à la galerie Le Sous-sol. Côté valeurs sûres, on se réjouit d’avance d’un ensemble de Franz West réuni par E&K Thoman (Innsbruck, Autriche), des toiles de Geneviève Asse promises par Marwan Hoss (Paris), des inédits du toujours rigoureux et sémillant Julije Knifer chez Oniris (Rennes), ou de la présence de Mario Merz chez son galeriste historique Giorgio Persano (Turin). En résonance avec l’actualité parisienne, la galerie Tendances (Paris) devrait, elle, attirer nombre de connaisseurs avec des dessins et gravures de Max Beckmann. Quant à la galerie Beaubourg (Vence), souvent tournée vers des ensembles “classiques”, elle crée la surprise en faisant à côté d’une présentation des derniers travaux d’Arman et d’un ensemble de toiles de Picabia une large place aux démonstrations picturales du jeune Stéphane Pencreac’h. “Peut-être que la Fiac n’est pas le meilleur endroit pour vendre des œuvres historiques, estime Pierre Nahon. Une galerie traditionnelle se doit de montrer les artistes qu’elle défend. Pour les jeunes, il y a toujours des amateurs, et sans cesse de nouveaux collectionneurs.”

À l’image du triple accrochage de la galerie Beaubourg, la Fiac tient d’ailleurs à conserver sa vocation généraliste. Si la tension entre tenants du moderne et défenseurs du contemporain semble enterrée, pour l’intérêt de tous, le recul des galeries “modernes”, au nombre de quarante cette année, n’en est pourtant pas moins évident. “Nous sommes conscients de la baisse du nombre de galeries modernes, admet Emmanuel Perrotin, mais nous notons aussi un manque de propositions.” L’histoire fait son travail, et il faut également admettre que le marché s’est déplacé. Lorsqu’elle n’est pas négociée en salle des ventes, la peinture moderne occupe désormais une large place sur les stands d’un salon comme la Biennale des antiquaires.

“ La qualité d’un salon tient en trois points : la qualité des exposants, l’affluence, et les chiffres qui y sont réalisés, juge Bernard Prazan (galerie Applicat-Prazan). La question d’un équilibre entre modernes et contemporains se pose en chacun de ces points, le public a besoin de repères. L’exemple de Bâle est flagrant, le contemporain se nourrit du moderne et l’avant-garde du contemporain.” Fidèle à sa politique, il offre un stand aux ténors de l’école de Paris, Estève, Poliakoff, ou encore Fautrier. Dans le même carré, Denise René présentera un large éventail abstrait, de Robert Delaunay à François Morellet. À son habitude, la galerie 1900/2000 disposera de nombreux trésors surréalistes.

Et pour le reste ? “Confiant”, tel est l’état d’esprit des exposants qui attendent de cette Fiac un prélude heureux au 30e anniversaire qui se profile déjà pour 2003.

- Fiac 2002, du jeudi 24 au lundi 28 octobre 2002, Hall 4, Paris Expo, porte de Versailles, 12h-20h jeudi et vendredi, 11h-20h samedi et dimanche, 12h-18h lundi, www.fiac-online.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°156 du 11 octobre 2002, avec le titre suivant : Renouvelée et élargie, la Fiac à l’heure internationale

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