Gouvernement

Renaud Donnedieu de Vabres ministre de la Culture

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 16 avril 2004 - 944 mots

Jacques Chirac a nommé sur proposition de Jean-Pierre Raffarin un professionnel de la politique Rue de Valois. Le porte-parole de l’UMP doit régler en priorité le conflit des intermittents qui a été fatal à son prédécesseur.

PARIS - Jean-Jacques Aillagon n’aura finalement pas résisté à la déferlante des intermittents du spectacle, malgré ses ultimes tentatives, dossiers sous le bras, de retrouver grâce aux yeux du Premier ministre. Lors du remaniement du gouvernement au lendemain de la déroute de la majorité aux élections régionales, Jean-Pierre Raffarin a décidé de se séparer de son « Lang de droite » et a appelé pour lui succéder un professionnel de la politique, le porte-parole de l’UMP Renaud Donnedieu de Vabres. Ce dernier revient au gouvernement après avoir été un éphémère ministre délégué aux affaires européennes en 2002, fonction qu’il avait dû quitter à la suite de sa mise en examen dans l’affaire du financement illicite du Parti républicain. Après avoir été condamné à une peine d’amende de 15 000 euros pour blanchiment le 16 février dernier par la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le député d’Indre-et-Loire s’est installé le 1er avril Rue de Valois.

Né en 1954 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Renaud Donnedieu de Vabres est issu d’une famille de grands commis de l’État. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et ancien élève de l’ÉNA – promotion Voltaire (1980), tout comme Ségolène Royal et François Hollande… –, il débute sa carrière dans la préfectorale avant d’être affecté au Conseil d’État en 1985. Il entre en politique en 1986 en rejoignant François Léotard au Parti républicain. Il est ensuite membre du bureau politique de l’UDF de 1998 à 2002, puis de l’UMP. Depuis 2001, il est également conseiller municipal de la Ville de Tours et était, jusqu’à sa nomination, vice-président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale.
Autant Jean-Jacques Aillagon, homme du sérail, était arrivé au ministère avec un ensemble de projets, autant Renaud Donnedieu de Vabres débarque à la Culture sans programme, sinon celui imposé par le président de la République, à savoir désamorcer le plus rapidement possible le conflit avec les intermittents. Sur son site Internet (www.rddv.com) – qui révèle au demeurant un professionnel de la communication –, le mot « culture » ne fait d’ailleurs pas partie de l’abécédaire de ses « engagements pour la France », même si cet énarque a été chargé de mission au ministère de la Culture et de la Communication de 1987 à 1988 auprès de François Léotard. Renaud Donnedieu de Vabres n’arrive pas non plus avec une équipe Rue de Valois. Son cabinet a mis du temps à se constituer. Finalement, le 7 avril, Henri Paul, conseiller maître à la Cour des comptes, a pris ses fonctions de directeur de cabinet. Cet énarque était auparavant président de l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles. En décembre 2002, il avait par ailleurs été chargé d’une mission d’évaluation sur le transport postal de la presse.

Dès son arrivée, Renaud Donnedieu de Vabres s’est voulu rassurant. « C’est […] une magnifique maison, c’est le lieu de l’art, de la création, de ce qui est possible entre les hommes, ce qui réunit, ce qui est les liens de l’esprit. Donc je vais essayer tout simplement d’être à la hauteur de cette immense maison dont je veux qu’elle soit vraiment la maison de tous les artistes, de ceux qui commencent, de ceux qui sont confirmés, et puis la maison de la communication qui permet aux uns et aux autres d’échanger et de mieux se connaître », a-t-il déclaré le 1er avril sur LCI.

Outre le délicat conflit des intermittents, de nombreux dossiers l’attendent sur son bureau. Plusieurs projets de musées et d’institutions sont en chantier, comme la Cité de l’architecture et du patrimoine, la Cinémathèque française, le Grand Palais, le Musée du quai Branly, le Jeu de paume nouvellement affecté à la photographie – tous à Paris –, mais aussi le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, l’antenne du Centre Pompidou à Metz, la Cité des archives en Seine-Saint-Denis. D’autres projets sont suspendus à sa décision comme le Palais de Tokyo, sur lequel l’inspecteur général de la création artistique Bernard Blistène a déjà rendu son rapport, ou l’antenne du Musée du Louvre qui doit être construite dans le nord de la France.

La marge de manœuvre du ministre sera pourtant étroite, d’autant plus que les finances du ministère, déjà en baisse en 2004 par rapport à 2003, pourraient faire les frais d’un collectif budgétaire. Celui-ci viendrait alors encore fragiliser un budget que Jacques Chirac s’était pourtant engagé en 2002 à « sanctuariser ».

Jean-Jacques Aillagon emporté par la tourmente

La nomination de Jean-Jacques Aillagon Rue de Valois avait suscité en 2002 un certain espoir parmi les professionnels de la culture. Peu de ses prédécesseurs pouvaient se targuer, comme cet ancien président du Centre Pompidou de 1996 à 2002, d’une aussi parfaite connaissance du monde des musées et des arts plastiques. Pourtant, emporté dans une logique gouvernementale, défendant contre vents et marées l’accord signé le 26 juin entre autres par le Medef et la CFDT sur la réforme de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle, limité dans son budget, Jean-Jacques Aillagon a dû faire face à une mobilisation grandissante qui a sans doute pesé lourd dans la balance lors du remaniement ministériel. « En vingt-deux mois, on ne peut pas déployer une action totalement convaincante », a-t-il déclaré lors de sa passation de pouvoirs à Renaud Donnedieu de Vabres. Resteront néanmoins de son ministère des réformes comme la loi sur le mécénat, ou des projets comme la Galerie nationale du Jeu de paume dédiée à la photographie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : Renaud Donnedieu de Vabres ministre de la Culture

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