Faux

Rebondissement pour le Van Gogh Yasuda

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 27 mars 1998 - 491 mots

De nouvelles recherches sur la provenance de la version suspecte des Tournesols de Van Gogh, achetée par la compagnie d’assurances japonaise Yasuda, tendraient à prouver son authenticité. Le tableau aurait appartenu à Jo Bonger, la belle-sœur de Vincent. Jusqu’à présent, la première mention de cette toile datait de 1901, lors d’une exposition à la galerie parisienne Bernheim-Jeune.

LONDRES (de notre correspondant) - Dans un article publié dans l’édition de mars du Burlington Magazine, Bogomila Welsh-Ovcharov, professeur à l’Université de Toronto, révèle que la version des Tournesols qui est maintenant au Japon a été vendue en 1894 par la veuve du Père Tanguy, marchand de couleurs de Van Gogh, pour le compte de Jo Bonger. Le tableau avait été acheté par Émile Schuf­fenecker. Plusieurs lettres conservées dans les archives du Musée Van Gogh prouvent que cette vente a bien eu lieu : la veuve Tanguy écrit au frère de Jo Bonger, Andries, en mentionnant un prix de 600 francs pour Le soleil de Van Gogh, et Schuffenecker répond, offrant “300 francs pour les fleurs”. La vente est confirmée dans une troisième lettre. Une autre écrite à Jo Bonger en 1901 montre qu’Émile Schuffenecker est l’un des trois prêteurs des différentes versions des Tournesols pour l’exposition Bernheim-Jeune. Peu de temps après, le tableau s’est détérioré, la peinture s’est écaillée, et Schuf­fe­necker le restaure lui-même. Mais, contrairement à ce que laissait entendre le film de Geraldine Norman sur les faux Van Gogh, diffusé par la télévision britannique en octo­bre, il ne l’a pas entièrement repeint. Bogomila Welsh-Ovcharov a également découvert que Gau­guin avait possédé une autre version des Tour­nesols, celle qui fait aujourd’hui partie de la collection du Phila­delphia Museum of Art. Elle a retrouvé une écriture dans le livre de comptes du marchand parisien Vollard, montrant que des Tour­nesols appartenant à Gauguin ont été vendus en 1896 au comte Antoine de La Rochefoucauld. Ce dernier en a fait une reproduction à l’aquarelle avec 12 fleurs (la version acquise par Yasuda en compte 14). C’est donc bien cette version qui est maintenant à Phi­la­delphie. Une lecture attentive des lettres de Gauguin qui nous sont parvenues suggère qu’il aurait échangé ce tableau avec Van Gogh, juste après sa réalisation en 1889. Gauguin serait ainsi l’un des premiers grands collectionneurs des œuvres de l’artiste.

Bogomila Welsh-Ovcharov souligne que les chercheurs se sont mis d’accord depuis longtemps sur la provenance de cinq des sept versions des Tournesols peints à Arles. À partir du moment où elle a identifié la version acquise par Gauguin, elle en déduit que le tableau de Yasuda doit être celui vendu par la veuve Tanguy. Il a appartenu à Jo Bonger, son authen­ticité est plausible. Mais pour les chercheurs qui travaillent sur Van Gogh, les doutes ne disparaissent pas aussi facilement et le débat n’est certainement pas clos. Un symposium Van Gogh est organisé par la National Gallery de Londres, le 15 mai, et le problème des faux sera à l’ordre du jour.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°57 du 27 mars 1998, avec le titre suivant : Rebondissement pour le Van Gogh Yasuda

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