Qui choisir ? quelles sont les garanties ?

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 10 avril 1998 - 675 mots

Il n’est pas toujours aisé de choisir un expert. Par ailleurs, les garanties qu’il apporte doivent être appréciées en fonction d’un cadre juridique flou : l’obligation de moyens.

Le choix de l’expert n’est pas toujours facile. Une première source d’information est fournie par les listes d’experts établies par les cours d’appel, que l’on peut se procurer dans les tribunaux ou dans les divers guides qui les recensent (Le Guide du marché de l’art du JdA, le Guide Emer… par exemple). Les syndicats professionnels de négociants (Syndicat national des antiquaires, Comité des galeries d’art…) peuvent également être une aide ; les organisations d’experts publient des listes de leurs membres avec mention de leurs spécialités, souvent accompagnées d’informations sur les coûts, droits et devoirs de l’expert, voire d’un code de déontologie.

On peut aussi interroger les conservateurs de musée. Si leur statut leur interdit de se livrer à l’expertise et de délivrer des certificats, certains acceptent de donner un premier avis et connaissent souvent de réputation les experts. Une dernière source peut être bibliographique. Dans les disciplines les plus pointues, certains experts publient des études monographiques ou des catalogues raisonnés. Connaître les experts nécessite donc un effort minimum des amateurs car, in fine, c’est la prudence qui permet d’avoir l’expert que l’on mérite.

Obligation de moyens et non de résultat
L’activité de l’expert s’inscrit le plus souvent dans le cadre d’une obligation de moyens et non de résultat. Le client est intéressé par les garanties qu’il espère obtenir par l’entremise de l’expert : certitude d’authenticité, précision des estimations, etc. Ce sont elles qui sont jugées en fonction de l’obligation de moyens. On comprend que l’expert ne puisse s’engager par avance à garantir que le tableau ou le meuble que l’on espère d’un peintre ou d’un ébéniste célèbre réponde à cette attente. Quant aux estimations, l’aléa propre aux œuvres d’art et aux techniques de vente, en particulier les enchères, oblige à en relativiser la portée. L’étendue des garanties se mesure donc à celle des moyens, elle-même difficile à cerner. La mission doit s’exercer “dans les règles de l’art”, mais quelles règles, quel art ? En cas de litige, on se référera aux us et coutumes de la profession, usages le plus souvent non écrits, ou décrits dans des termes d’interprétation difficile.

Si l’affaire, faute d’accord amiable, doit être portée devant les tribunaux, ceux-ci devront se prononcer malgré les difficultés. Sans s’attarder sur les multiples affaires qui en donnent la mesure, il importe de retenir que l’erreur d’authentification ou d’estimation n’engage pas directement la responsabilité de l’expert. Il faut en outre que celui-ci ait commis une faute professionnelle. Pour les juges, cette faute résulte le plus souvent d’une négligence ou d’une imprudence de l’expert, qui aura omis de consulter l’ouvrage ou le spécialiste de référence, de prescrire un examen scientifique accessible et d’un coût en relation avec l’importance de l’objet, ou d’exercer une diligence évidente. Par exemple : ne pas décadrer un dessin ou un pastel sous verre ; avoir donné pour certaine une signature alors même qu’il était aisément possible de constater qu’elle était apocryphe ; reprendre sans contrôle une expertise antérieure, ou, cas limite, avoir décrit une pièce non examinée...

Si cette responsabilité est retenue, il faut encore démontrer qu’elle a occasionné un préjudice à la victime – vendeur ou, plus souvent, acheteur – et en établir le quantum. En matière d’authenticité, si l’erreur est établie, les juges prononcent généralement la nullité de la vente, et le vendeur en supporte les conséquences. Mais, depuis quelques années, des décisions condamnent les experts à des dommages-intérêts sur des préjudices indirects (perte de chance de gains, frais de procédure...) ou, quoique exceptionnellement, si le vendeur ne peut être mis en cause, prononcent la responsabilité solidaire de l’expert et du commissaire-priseur.

Pour les estimations, la responsabilité civile des experts n’est pratiquement jamais retenue du fait des aléas du marché, sauf si elle est la conséquence directe et évidente d’une négligence ou d’une imprudence graves.

Il ne faut donc pas considérer l’expert comme “une assurance tous risques” dans un domaine par nature aléatoire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Qui choisir ? quelles sont les garanties ?

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