Politique culturelle

Promouvoir la scène française

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2008 - 1219 mots

Un nouveau rapport propose des pistes de réflexion pour améliorer la présence des artistes français sur la scène internationale.

PARIS - Améliorer la participation de la France au dialogue international. Cette urgence, soulignée lors des tables rondes organisées par le Journal des Arts et le Groupe Galeries Lafayette dans le cadre de l’exposition « Antidotes » (lire le JdA n°287, 19 septembre 2008), est remise sur le tapis par les ministères de la Culture et des Affaires étrangères qui viennent de dévoiler « 33 Propositions pour améliorer la participation de la France au dialogue artistique international ». Fonctionnant habituellement à l’étuvée, les deux administrations ont ouvert la réflexion à des personnalités extérieures et internes (1), dans une série d’ateliers pilotés l’été dernier par Henri Jobbé-Duval, codirecteur de la foire Art Paris. Il résulte de ce brainstorming trente-trois propositions articulées sur trois axes : montrer, échanger et exporter. La France doit jouer sur les deux registres, centripète et centrifuge, en faisant la promotion de la scène française à l’étranger, tout en rendant l’Hexagone plus attractif pour les artistes étrangers désireux de s’y installer.

Une scène plus visible
Les participants de ces ateliers insistent sur la nécessité de créer dans les espaces en friche du Palais de Tokyo, à Paris, un lieu dédié à la création française en dialogue avec l’international. « La mise en œuvre de cette décision est prioritaire », martèle le rapport, alors même que les pouvoirs publics traînent la patte faute d’argent. Le document rappelle aussi que les cahiers des charges des institutions soutenues par l’État devraient affirmer clairement leurs responsabilités à l’égard de la scène française. Il serait ainsi souhaitable d’inscrire dans les missions des lieux bénéficiant d’une subvention ministérielle l’obligation de réaliser régulièrement des coproductions avec des structures étrangères. Néanmoins en période de disette budgétaire, le ministère de la Culture peut difficilement jouer le bras de fer ou de levier avec les établissements publics… Le rapport propose aussi d’organiser une grande exposition dédiée à l’art français d’après-guerre, en coproduction avec l’étranger. Un événement éventuellement assorti d’un ouvrage dressant cet état des lieux avec une version en anglais. Puisqu’il est question de langue, le rapport souligne la nécessité d’une expérience internationale et la maîtrise de deux langues étrangères dans le recrutement des directeurs d’institutions françaises. Qui dit maîtrise linguistique, suppose aussi amélioration de la communication internationale des structures et événements. Un tiers des budgets de communication de la « Force de l’Art » ou de la Biennale de Lyon pourrait ainsi être dévolu à la communication envers les médias étrangers. Le Centre national des arts plastiques (CNAP) pourrait aussi développer sa politique de constitution d’ensembles significatifs d’œuvres d’artistes français, en achetant au moins une dizaine d’œuvres de chaque créateur. Un mécénat-parrainage d’une entreprise pour chaque plasticien concerné pourrait être suscité. Le CNAP, qui est invité à amplifier les dépôts dans les ambassades des pays prescripteurs, pourrait aussi se voir attribuer la mission de créer une base de données nationale bilingue sur Internet.

Résidences d’artistes
Second chapitre, le rapport prescrit le développement des échanges internationaux au niveau des écoles d’art. Plus de la moitié des effectifs étrangers dans les écoles en région, et plus du quart à l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) ne viennent que de deux pays, la Corée et la Chine. Le nouvel opérateur de mobilité internationale en cours de constitution pourrait améliorer le recrutement des étudiants notamment en provenance des pays de l’Est ou émergents. Pour appâter les élèves étrangers, encore faut-il qu’au moins 20 % des cours soient dispensés en anglais. Le flux des élèves et enseignants étrangers ne pourrait s’intensifier qu’avec la création de bourses plus incitatives d’une durée maximale de trois ans, financées pour certaines par des entreprises mécènes.
Autre priorité, la mise en place d’un système de résidences destinées à des artistes étrangers réputés, sélectionnés par un jury international sur le modèle du Deutscher Akademischer Austauch Dienst (DAAD) à Berlin. Une telle opération implique l’instauration d’une structure globale d’accompagnement des résidents. Cette initiative nécessite aussi une grande souplesse dans l’octroi des visas de séjours pour les artistes, étudiants et professionnels étrangers. Il est simultanément souhaitable de repenser les programmes de résidence des artistes français à l’étranger (nous y reviendrons dans une prochaine édition). L’idée d’échange pourrait enfin passer par un plus grand accueil des personnalités étrangères dans les équipes des musées et centres d’art, vœu qui se heurte souvent au corporatisme aigu des conservateurs.
De l’échange à l’exportation, il n’est qu’un pas que le rapport franchit en recommandant de multiplier les opérations conjointes entre opérateurs français et étrangers. Pour éviter de donner un ton cocardier à ces événements, il est utile de laisser à l’initiative des partenaires étrangers le choix des artistes français. Il serait aussi bon de développer les fonds bilatéraux sur le modèle du Fonds « Étant donnés » lancé avec les États-Unis. Reste que les partenariats financiers étrangers sont difficiles à trouver sans une contrepartie forte en France… Par ailleurs, même si la Délégation aux arts plastiques (DAP) et CulturesFrance conditionnent leur soutien à la présence d’un minimum de 60 % d’artistes français au sein des expositions des collections publiques à l’étranger, la modestie financière de cet accompagnement leur permettra difficilement de jouer les pères fouettards ! Plutôt qu’une exportation en ordre dispersé, le rapport prône des mises en réseau sur le modèle des Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) du Grand Est, lesquels mènent depuis cinq ans des actions communes pour diffuser leurs collections. Il préconise enfin d’étendre l’aide à la première exposition en France à celle de la première exposition à l’étranger à condition que celle-ci soit présentée et soutenue par une galerie française. À moins de considérer comme exposition un one-man-show sur une foire, cette mesure est difficilement applicable, car seule une poignée de poids lourds français disposent d’antennes à l’étranger. Les rapporteurs conseillent enfin de fêter les dix ans du Prix Marcel-Duchamp en 2010 par une exposition itinérante à Paris et à l’étranger, de créer un poste de chargé de mission dans le domaine de l’art contemporain en Grande-Bretagne et au Japon et de concentrer les aides à la diffusion des artistes sur un nombre plus ciblé et réduit de pays. Dernière recommandation, la création d’un équivalent français du Kunst Kompass pour mesurer le véritable poids de nos artistes sur la scène internationale. Il y a du pain sur la planche

(1) Luc Arasse (artiste), Martin Bethenod (commissaire général de la FIAC), Victoire Bidegain Di Rosa (conseiller au cabinet du ministre des Affaires étrangères), Patrick Bongers (Président du Comité professionnel des galeries d’art), Constance de Corbières (directrice des relations internatinales du Centquatre), Evrard Didier (Président de l’Ensba), Gilles Fuchs (Président de l’Adiaf), Pierre-Jean Galdin (Directeur de l’École régionale des beaux-arts de Nantes), Martin Guesnet (directeur associé d’Artcurial), Philippe Hardy (inspecteur général à la création), Lorand Hegyi (directeur du Musée d’art moderne de Saint-Étienne), Olivier Kaeppelin (délégué aux arts plastiques), André Ladousse (inspecteur général honoraire de l’administration des affaires culturelles), Marianne Lanavère (directrice du centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec), Alain Lombard (sous-directeur de la DGCID), Jean Mairet (collectionneur), Sydney Peyrolles (directeur de la Cité internationale des Arts), Pierre Poujade Fayet (chef du bureau de l’action internationale au ministère de la Culture), Philippe Régnier (directeur de la rédaction du Journal des Arts), Alain Reinaudo (conseiller pour les arts visuels et l’architecture, CulturesFrance), Agnès Thurnauer (artiste).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : Promouvoir la scène française

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