Belgique - Justice

Procès #MeToo : l'artiste belge Jan Fabre condamné à 18 mois de prison avec sursis

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 29 avril 2022 - 666 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

L'artiste et chorégraphe belge Jan Fabre, accusé de « harcèlement sexuel » au sein de sa compagnie de danse, a été condamné le 29 avril 2022 à 18 mois avec sursis par le tribunal correctionnel d'Anvers.

Une peine de trois ans de prison ferme avait été requise contre le plasticien, figure de l'art contemporain, mis en cause par douze ex-danseuses de sa compagnie Troubleyn. Le tribunal a cependant considéré que cinq des accusations remontant entre 2002 et 2005 étaient prescrites et l'a acquitté pour une sixième. Il a en revanche retenu l'« attentat à la pudeur » pour un baiser avec la langue non consenti à une plaignante et les violences ou humiliations subies par cinq autres danseuses.

L'artiste flamand, qui récuse toutes les accusations portées contre lui, était absent à son procès comme au prononcé de la condamnation.

« Reconnaissance »

Ce jugement est « une étape importante » et  « une reconnaissance » pour les victimes, a réagi An-Sofie Raes, l'une des avocates des parties civiles, citée par l'agence de presse Belga. « Les victimes de ces comportements savent désormais que de tels actes sont punissables », a-t-elle ajouté.

Rattrapé par la vague #MeToo en 2018 et jugé pour « violence, harcèlement ou harcèlement sexuel au travail », le Flamand de 63 ans encourait jusqu'à cinq ans de prison. La condamnation à 18 mois est assortie d'un sursis à exécution pour une durée de cinq ans, période pendant laquelle Jan Fabre est privé de ses droits civiques, précise la copie du jugement transmise à la presse.

Le tribunal estime que cette peine doit « faire prendre conscience » à Jan Fabre « de la gravité de ses actes » et indique que sa décision tient compte de « leur caractère répétitif » et « de l'impact » qu'ils ont eu sur les victimes.

Le 25 mars, au premier jour du procès, il a été dépeint par les parties civiles comme un homme tyrannique, humiliant régulièrement les danseuses et ayant même pratiqué sur certaines un chantage à caractère sexuel. L'une des jeunes femmes avait décrit « un univers de travail toxique » lors de l'enquête. Plusieurs victimes présumées ont raconté des séances photo à caractère érotique dirigées par le chorégraphe, sous le « faux prétexte » d'une publication dans une revue artistique. Certaines séances se terminaient par des rapports sexuels. Ignorer ses avances pouvait valoir des brimades et des brutalités, a témoigné l'une d'elle.

« Culture de la peur »

Après ce portrait accablant, trois ans de prison ferme avaient été requis par la procureure. Celle-ci avait jugé les témoignages des victimes « très crédibles » et reproché au chorégraphe d'avoir instauré « une culture de la peur » dans la compagnie.

Sa défense a livré lors du procès une toute autre image de Jan Fabre, dépeint en « anar romantique », mais certainement « pas un criminel ». Son avocate Eline Tritsmans a admis le « fort caractère » de l'artiste, connu pour ses provocations, et le fait que travailler avec lui « c'est se donner à 100% » dans des performances éreintantes où l'on vise « le vrai épuisement, les vraies émotions ». « Il ne s'agit pas ici de mineurs sans défense qui sont abusés, mais de femmes fortes, éduquées, qui choisissent d'aller faire de la danse radicale avec Jan Fabre », avait plaidé Me Tritsmans. Accusation phare du dossier, résumant aux yeux des plaignantes sa tendance au harcèlement, la formule « Pas de sexe, pas de solo » avait été dénoncée par l'avocate comme « une rumeur, un cancan ».

Les faits reprochés portent sur la période 2002-2018. En juin 2021, après trois ans d'enquête, l'Auditorat du travail d'Anvers, section spécialisée du parquet, avait décidé de renvoyer Jan Fabre devant la justice pénale.

Les œuvres (dessins, sculptures) de cet artiste protéiforme qui explorent les thèmes de la mort, de la métamorphose ou de la religion ont été régulièrement exposées en Europe, de Venise à Paris en passant par Saint-Pétersbourg. En 2002, il avait revêtu le plafond de la salle des glaces du palais royal de Bruxelles d'1,4 million d'élytres de scarabées aux reflets bleu et vert, l'une de ses réalisations les plus connues.

Par Matthieu Demeestere et Françoise Michel

Cet article a été publié par l'AFP le 29 avril 2022.

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