Première étape pour le Musée des arts décoratifs

Le Journal des Arts

Le 16 janvier 1998 - 818 mots

Les travaux entrepris depuis quelques années dans l’aile de Marsan, au Louvre, ont pour but de rassembler de façon cohérente les différents musées gérés par l’Union centrale des arts décoratifs (Ucad). Après l’inauguration du Musée de la mode et du textile, la réouverture le 24 janvier des neuf salles du Musée des arts décoratifs consacrées au Moyen Âge et à la Renaissance constitue la deuxième étape de ce projet, dont l’achèvement est prévu en l’an 2000. Ce département, à la différence des autres, possède, à côté des objets mobiliers, un grand nombre de peintures et de sculptures acquises grâce à des dons ou des legs.

PARIS - Progressivement, lentement diront certains, le Musée des arts décoratifs se transforme et s’agrandit. Retrouvant les espaces occupés entre 1965 et 1980, le département Moyen Âge et Renaissance investit les salles réservées auparavant aux expositions temporaires. À l’occasion de ce redéploiement, de nombreuses œuvres ont été sorties des réserves et donnent une idée plus juste des collections en soulignant les points forts : retables et tapisseries. Les neuf salles, couvrant une période relativement vaste, du XIIIe au XVIe siècle, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas, se partagent entre beaux-arts et arts décoratifs. L’art religieux, par la grâce de dons et de legs, occupe en effet une large place dans ce département. Dans la vaste galerie évoquant la nef d’une église, ont été installés retables peints, sculptures et mobilier liturgique. Le Retable de saint Jean-Baptiste du peintre catalan Luis Borrassà, actif autour de 1400, a été mis en situation au-dessus d’un autel revêtu d’un antependium espagnol en soie brodée. Principal représentant du Gothique international en Espagne, il était à la tête d’un atelier de près de 200 personnes : peintres, menuisiers, sculpteurs. Le musée possède par ailleurs la plus ancienne peinture conservée dans les collections publiques françaises : La Vierge à l’Enfant entre saint André et saint Jacques du maître de la Madeleine, peintre florentin du troisième quart du XIIIe siècle.

L’ensemble de sculpture religieuse est constitué en grande partie de fragments de retables. Certains ornent ainsi les pilastres de la nef principale, où ils voisinent avec des stalles et des clôtures de chœur. Dans des vitrines, d’autres statues, en bois ou en pierre, offrent un regard croisé sur les différentes productions européennes et mettent en évidence un certain nombre d’influences, entre les Flandres et le Nord de la France notamment. Parmi les œuvres les plus remarquables, La Visitation en haut-relief du sculpteur franconien Paul Lautensack, actif à Bamberg entre 1501 et 1528, se distingue par la finesse de son drapé. Quant à L’éducation de la Vierge (fragmentaire) de Charles Hoyau, elle séduit par sa grâce aimable, qui prolonge, en cette première moitié de XVIIe siècle, l’art de Germain Pilon.

La chambre du seigneur
Dans le domaine des arts décoratifs, une salle haute sous plafond est exclusivement consacrée aux tapisseries, dont le musée possède quelque 300 pièces. La présentation tournante sera organisée autour de thèmes variables, ici le combat du Bien et du Mal, fréquent dans l’imagerie médiévale. Une grande pièce de tenture prestigieuse représentant des bûcherons est frappée aux armes de Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne, dont le célèbre portrait par Jan van Eyck est conservé au Louvre. De façon inattendue, ce peintre est présent sur les cimaises avec un fragment de retable provenant de la chartreuse de Champmol.

La salle Raoul Duseigneur, seul intérieur reconstitué du parcours, présente une chambre à coucher du château de Villeneuve-Lembron ayant appartenu à Rigault d’Oureille (1455-1517), maître d’hôtel des rois Louis XI, Charles VIII et François Ier. Les boiseries à motif de plis “serviette”, le lit à dais, le coffre, le cathèdre, le banc et le dressoir composent une chambre caractéristique de la fin du XVe siècle et offrent un aperçu du répertoire décoratif gothique : fenestrages... La faïence italienne – Castel Durante, Urbino – posée sur le coffre témoigne de l’arrivée de cette production en France, notamment à l’instigation d’Anne de Bretagne. Une salle regroupe par ailleurs les arts du feu : céramique, émail champlevé puis peint, de Limoges évidemmment, et bronze (Riccio, Jean de Bologne). Le goût pour les bas-reliefs florentins en terre cuite émaillée, à mi-chemin de la sculpture et des arts décoratifs, est illustré par une Déploration du Christ, issue de l’atelier des Buglioni, concurrents des Della Robbia.

L’Union centrale des arts décoratifs a été fondée au XIXe siècle pour assurer la promotion des arts appliqués à l’industrie et créer un musée qui leur serait consacré. Le Musée des arts décoratifs, créé en 1864 et installé dans l’aile de Marsan depuis 1905, n’est qu’une des institutions dont la gestion a été confiée par l’État à l’Ucad. Elle veille ainsi aux destinées du Musée de la mode et du textile, du Musée de la publicité, dont la réouverture est prévue en septembre dans le prolongement des salles Moyen-Âge et Renaissance, et du Musée Nissim de Camondo.

Le catalogue Retables, la collection du Musée des arts décoratifs, rédigé par Monique Blanc, conservateur du département, est publié par la Réunion des musées nationaux et l’Ucad (160 p., 350 F).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : Première étape pour le Musée des arts décoratifs

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