PPDA

Confessions sur l’art

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 1 décembre 2005 - 1226 mots

Icône télévisuelle, personnage médiatique, écrivain renommé, Patrick Poivre d’Arvor entretient avec l’art des rapports décomplexés. De nombreux amateurs vont se retrouver dans ses propos.

Faut-il encore présenter Patrick Poivre d’Arvor après 25 ans de présentation du journal télévisé ? Après l’IEP et le Centre des langues orientales de Paris, il intègre le centre de formation des journalistes. C’est sur France Inter qu’il débute sa carrière, en charge des journaux du matin. En 1979, il entre à Antenne 2 en tant que responsable de la politique intérieure. Un an plus tard, il est rédacteur en chef adjoint du journal de 20 heures qu’il anime de 1976 à 1983. Il rejoint Canal où il anime « Tous en scène » jusqu’en 1985, fait un rapide passage sur RMC avant de devenir présentateur du 20 heures sur TF1. Si on sait le présentateur du journal télévisé le plus regardé, amoureux de littérature (il anime des émissions littéraires et est l’auteur de nombreux romans et analyses politiques), on connaît moins ses goûts en matière d’art. Pour L’œil, il a accepté de les dévoiler.

Dans votre ouvrage Confessions, vous évoquez l’initiation à la peinture moderne que vous a donnée votre logeuse lorsque vous arrivez à Paris à l’âge de 17 ans. Quel souvenir en gardez-vous ?
Cela a été très important pour moi. À Reims où je suis né et où j’ai grandi j’avais été initié à la littérature par mon grand-père, mais j’étais très novice en musique et en peinture. En musique, je me suis formé tout seul en allant à l’opéra. En peinture en revanche j’ai été beaucoup aidé par cette dame, déjà âgée, madame Salvator, qui me logeait près du pont Mirabeau. Elle perdait la vue et avait besoin d’un assistant lorsqu’elle recevait des collectionneurs. J’étais le témoin muet de ces échanges, face à tous ces tableaux originaux, surtout impressionnistes. J’ai énormément appris, comme une éponge. Elle était amie avec de grands peintres, ses parents avaient été des intimes de Camille Pissarro, et elle possédait des toiles de grande valeur.

Quels sont vos goûts en matière de peinture ?
Mes goûts sont classiques. Je suis fou de Vermeer, Turner, Sisley, Klimt, Chagall, pour n’en citer que quelques-uns.

Allez-vous souvent aux expositions ?
Oui j’essaie d’y aller beaucoup. Je suis très impressionné d’ailleurs par le monde qui s’y presse, ces queues interminables devant le Grand Palais. Si je reprends mon agenda, je suis allé la semaine dernière y découvrir justement les peintres viennois, je me suis aussi rendu au musée d’Orsay voir les peintres russes, j’ai vu l’exposition « David » au musée Jacquemart-André, ainsi que « Mélan­colie » également au Grand Palais. J’aime beaucoup Caspar David Friedrich qui y expose ; j’ai repris sa toile Le Moine au bord de la mer comme couverture de l’un de mes livres. Ce tableau me parle, je me sens ce moine au bord de la mer.

Vous intéressez-vous aussi aux autres arts visuels ? La photographie, la sculpture ?
Oui bien sûr, d’ailleurs j’ai sorti un livre avec Yann Arthus Bertrand, La France vue du ciel parce que j’adore ses photos et que je l’apprécie beaucoup. La photo de la Pietà de Michel-Ange orne la porte de mon bureau, c’est révélateur. De même derrière moi vous pouvez voir deux sculptures représentant des nus féminins, réalisées par des artistes contemporains. Je trouve leurs courbes magnifiques. Au Louvre, à l’occasion d’une visite privée, j’ai eu l’occasion de me promener seul parmi les sculptures, ça m’a rendu très heureux.

Êtes-vous collectionneur ?
Non pour des raisons de coût, juste amateur. Je possède trois œuvres chez moi : une lithographie de Victor Hugo, quand il était à Guernesey ; un Chagall qui représente un conte de Noël ; et La Petite Châtelaine, une sculpture de Camille Claudel.

Que préconisez-vous pour initier à la peinture le plus grand nombre, notamment les enfants ?
Je recommande d’aller sur le terrain, d’emmener les enfants dans les ateliers des peintres ou sur les lieux de leurs créations. Lorsque je logeais chez madame Salvator, je suis allé à Giverny à la rencontre de Monet, sur les traces de Van Gogh autour de Paris. C’est une excellente formation. Cela permet d’élargir ses goûts, que la culture rencontre les gens, qu’elle ne reste pas l’apanage d’un cercle d’initiés. C’est ce que je m’attache à faire dans le domaine de la littérature avec mon émission Vol de nuit sur TF1.

Avez-vous envisagé d’animer un jour un magazine télé de vulgarisation des arts visuels ? Vous qui êtes si apprécié du grand public, vous pourriez être un bon médiateur...
Je suis assez curieux de nature et j’aime faire partager mes passions. Mais je suis modeste. En littérature j’ai une légitimité, je connais bien, je lis énormément et ce depuis toujours, j’écris… Je ne possède pas la même expertise sur l’art en général, et la peinture en particulier.
Chacun à sa place. Mais pourquoi pas une émission culturelle...

Votre frère Olivier Poivre d’Arvor, à la tête de l’Agence française d’action artistique, organise les années culturelles, comme l’Année de la Chine, l’Année du Brésil. Y participez-vous et qu’en pensez-vous ?
J’y participe rarement car Olivier et moi avons chacun nos activités, mais j’apprécie ces opérations, elles m’enrichissent et j’imagine qu’elles doivent enrichir les autres. Je me suis impliqué dans l’Année de la Chine différemment, en effectuant un reportage clandestin sur des journalistes emprisonnés, avec Reporters sans frontières.

Vous avez coécrit de nombreux livres avec Olivier Poivre d’Arvor. À quand un livre à quatre mains sur l’art ?
Olivier et moi venons de sortir Chasseurs de trésors et autres flibustiers. Mon frère ne m’a pas encore entraîné sur le terrain de l’art, mais peut-être dans l’avenir. Nous aimons vagabonder et nous nous inspirons de tout.

Justement lors de vos nombreux voyages, visitez-vous souvent les musées ?
Je connais les musées du monde entier et cela m’emplit de joie, surtout lorsque j’ai l’occasion de les parcourir avec les conservateurs. C’est toujours plus passionnant quand on est guidé. Je me réjouis d’aller découvrir le musée du Quai Branly consacré aux arts premiers, j’ai eu une rencontre très intéressante avec son conservateur.

Que pensez-vous du divorce actuel entre le grand public et l’art contemporain, et que faire pour l’en rapprocher ?
Il ne faut aucun diktat en la matière. Je n’ai pas honte de dire que je préfère largement Mozart à la musique dodécaphonique qui ne me parle pas. C’est la même chose pour l’art. J’aime beaucoup Yves Klein, qui est très accessible. Pour aller souvent à la Fiac, je vois beaucoup d’artistes dont les travaux ne me rendent pas heureux. Je me fiche d’être choqué ou pas. Il faut que quelque chose en moi soit atteint, le cerveau, tel ou tel sens. Certaines œuvres ne sont pas dénuées d’humour. Mais même si cela me fait hurler de rire, ce n’est pas Monet.
Je crois que pour séduire le grand public, il faut multiplier les thématiques, les angles d’approche, et mélanger les genres, les époques. Ouvrir les monuments historiques à la création contemporaine me paraît une très bonne idée par exemple.

Biographie

1947 Naissance le 20 septembre à Reims. 1962. À 15 ans, il est à la fois bachelier et jeune papa. 1969. Après des études à Sciences-Po Bordeaux et aux Langues’ O, il intègre le CFJ, centre de formation des journalistes. 1971. À la suite d'un concours il entre à France Inter. 1976. PPDA anime son premier 20 h chez Antenne 2. 1988. Création de l'émission littéraire Ex-Libris qui est devenue aujourd'hui Vol de nuit. 2001. Prix Interallié pour son roman L’Irrésolu.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°575 du 1 décembre 2005, avec le titre suivant : PPDA

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