Musée

Pompidou-Metz… Ils ont cloné Beaubourg !

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 17 mai 2010 - 1045 mots

METZ

Conçu à une époque où les musées parisiens rêvaient leur avenir par l’expansion géographique, le Centre Pompidou-Metz est annoncé comme un outil de décentralisation exemplaire.

Surtout ne pas dire à Laurent Le Bon, le directeur du nouveau Centre Pompidou-Metz (CPM), que son établissement est destiné à délester les réserves du Musée national d’art moderne (Mnam), littéralement saturées à Paris, au risque de contrarier l’habile chef d’orchestre des lieux… Après plusieurs années de flou, l’identité de ce nouveau satellite de la galaxie des musées européens est désormais clairement affichée alors que l’établissement célèbre son ouverture par plusieurs jours de festivités.

Metz est donc une institution « sœur », c’est-à-dire qu’elle bénéficiera de prêts, souvent conséquents, du Centre Pompidou mais aussi d’autres musées, le label Pompidou ayant vocation à faciliter ces échanges. Mais l’idée d’une rotation des collections, ponctuée d’expositions thématiques, n’est plus évoquée aujourd’hui qu’avec beaucoup de prudence. Il est désormais avant tout question de « valeurs communes ».

Faire du CPM un second manifeste architectural et culturel
Les temps ont changé. Depuis 2003, date du lancement officiel du projet – lequel devait initialement aboutir en 2007 –, de nombreux acteurs ont passé la main, à commencer par les présidents du Centre. Et Metz est bel et bien devenu le dernier vestige, le plus solide également, de la politique d’expansion du musée lancée par Jean-Jacques Aillagon, en un temps où le président – avant qu’il ne devienne ministre de la Culture – caressait de grands projets pour le Centre parisien longtemps fermé pour travaux de rénovation.

À l’époque, une implantation sur un autre site parisien avait également été envisagée. Elle a finalement échoué avec la tentative avortée de colonisation du Palais de Tokyo. Berlin et Shanghai ont même été pressentis pour une antenne à l’étranger. Las ! La crise est passée par là et les ambitions des présidents successifs de l’établissement, sommés de se recentrer sur Paris, ont été rattrapées par la réalité. Le vocable a donc été affiné : Metz n’est pas une antenne, mais une sœur, une sorte de duplication du prototype d’établissement pluridisciplinaire qui avait fait le succès de Beaubourg. « Nous ne sommes pas dans la logique d’avoir un deuxième site parce que le Centre Pompidou est à l’étroit à Paris et que de nombreuses œuvres sont en réserve, rectifie Alain Seban, son président actuel [lire interview p. 28]. C’est plutôt en s’appuyant sur nos atouts, mais aussi sur notre savoir-faire, notre marque, que nous voulons créer du dynamisme. »

Lors de la signature du protocole d’accord avec les collectivités, en novembre dernier à Metz, le président du Centre était encore plus explicite : « Nous ne sommes pas ici pour exposer ce qui dort dans nos réserves, mais pour envoyer des œuvres majeures que tout le monde veut. Le meilleur du Centre viendra à Metz, ce qui nous obligera à repenser l’accrochage historique de Paris. » Preuve en est avec la première exposition temporaire à Metz, intitulée « Chefs-d’œuvre ? », réunissant pas moins de 780 œuvres, dont 700 du Centre – qui en compte au total 65 000 – parmi lesquelles L’Aubade de Picasso et La Tristesse du roi de Matisse.

L’objectif est donc de frapper fort en installant d’emblée le CPM dans le paysage muséal français, mais aussi européen, avec cette très grande exposition – ses superficies d’exposition temporaire sont les plus vastes de France – d’une durée de six mois. Le CPM n’a toutefois pas vocation à n’être qu’une halle d’exposition. En bon clone de Paris, il sera un lieu pluridisciplinaire regroupant espaces d’exposition, salle de spectacle polyvalente, librairie-boutique, et même un restaurant panoramique. Seule la bibliothèque – qui constitue pourtant la grande réussite de Beaubourg – a été zappée pour des questions de coût. Plusieurs ministres de la Culture se sont engagés à compenser ce déficit par la construction d’une médiathèque à proximité, si les finances de chacun le permettent…

Mais pour que la relation à Beaubourg soit totale, il fallait aussi concevoir une architecture aussi innovante que l’a été celle du Centre parisien il y a maintenant plus de trente ans. Ou plutôt, dans la référence des édiles locaux de l’époque, celle du Guggenheim de Bilbao… Étonnamment, le concours a désigné pour cela un Japonais peu habitué aux effets de manches, Shigeru Ban, qui s’est associé pour la conception d’un hommage à la légèreté du chapeau chinois au Français Jean de Gastines.
Le résultat est d’abord à saluer pour ses qualités spatiales et sa grande modularité, plus que pour sa grande toiture, qui s’est avérée être un casse-tête technique bien inutile. Reste également à savoir dans quel environnement sera inséré le bâtiment dans son futur quartier, qui s’apparente encore aujourd’hui à une vaste friche coincée entre deux voies ferrées, faiblement égayée par les plantations du paysagiste Pascal Cribier.

Un équilibre à trouver avec les collectivités locales
L’avenir du musée, né immédiatement à l’âge de la maturité puisque doté d’une parfaite autonomie, est donc à écrire. Érigé en établissement public de coopération culturelle (EPCC), le CPM est intégralement financé par les collectivités locales. Outre les 72 millions d’euros de travaux nécessaires à la construction de plus de 10 000 m2 de superficie, dont la moitié est dévolue aux expositions, les collectivités devront en effet débourser quelque 10 millions d’euros par an pour en assurer le fonctionnement.

Est-ce à dire que, conformément à la règle du « qui paie décide », les collectivités auront la haute main sur l’avenir du musée ? Prudents, les responsables du Centre Pompidou ont prévu une minorité de blocage, permettant notamment de conserver un pouvoir d’agrément sur la nomination du prochain directeur. « Les collectivités financent, elles ont donc la possibilité de contrôler la gestion, confirme Alain Seban. En revanche, c’est le directeur qui est responsable en matière scientifique et culturelle avec évidemment l’appui et la vigilance des représentants du Centre Pompidou. » Contrairement au Louvre-Abu Dhabi, le Centre Pompidou n’a donc pas cédé une marque à un établissement ayant, au final, vocation à s’émanciper. Et selon son président, si les financements venaient à manquer, le Centre Pompidou pourrait être amené à se retirer du dispositif. Espérons toutefois que cette expérience décentralisatrice trouvera sa place dans le paysage muséal. Le risque étant, sinon, de laisser une coquille vide à la charge des collectivités.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : Pompidou-Metz… Ils ont cloné Beaubourg !

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