Place au grand format

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 5 juin 2013 - 989 mots

La nouvelle édition d’Art Basel est marquée par un renforcement des sections dévolues aux projets à grande échelle, avec en particulier un « Parcours » déployé dans un quartier animé à proximité de la foire.

C’est souvent la grande absente des visites, la section de la foire manquée faute de temps, ou tout simplement oubliée car dispersée en ville. Pourtant « Parcours », introduite en 2010 et qui voit depuis se déployer des œuvres de grand format dans le milieu urbain, mérite attention. Les pièces qui y sont égrenées sont généralement de qualité et provoquent parfois la surprise, comme en 2011 pour l’immense sculpture organique faite de galets agrégés par Ugo Rondinone près d’une église perdue dans la verdure, ou l’an dernier la caravane incrustée sur un plot en béton que Claude Lévêque avait posée au milieu d’un carrefour.
C’est cette année Florence Derieux, directrice du Frac [Fonds régional d’art contemporain] Champagne-Ardenne, qui est à la manœuvre de la quatrième édition organisée dans le quartier de Klingental, près du Rhin, à proximité de la place de la foire ; un quartier cosmopolite et animé dans lequel une ancienne caserne militaire a été transformée en centre d’art urbain et lieu de concert ou de représentations de danse et de théâtre, et qui pendant longtemps a accueilli des ateliers d’artistes. Autour de ce noyau, la commissaire, pour qui l’idée de « Parcours » est de « développer des liens forts avec la ville et ses habitants, mais aussi avec les lieux et institutions partenaires et pas seulement de venir y planter des projets artistiques », a conçu une circulation en dix-sept temps.

Une « Parcours Night »
La performance y aura son mot à dire dès la soirée d’inauguration. Une « Parcours Night » se tiendra ainsi le mercredi 12 juin et verra notamment la compagnie L.A. Dance Project du danseur et chorégraphe Benjamin Millepied interpréter à deux reprises la pièce Winterbranch créée en 1964 par Merce Cunningham. Robert Rauschenberg en avait assuré la confection des décors, costumes, éclairages et autres accessoires tandis que la musique était composée par La Monte Young. Les mêmes joueront également Moving Parts (2012), création issue d’une collaboration entre Millepied et l’artiste Christopher Wool. Toujours lors de la cette soirée, Michael Smith (Greene Naftali, New York) donnera dans un registre plus décalé ; au cours d’une performance, ses personnages Mike et Baby Ikki se déplaceront sur les sites de « Parcours ». Marc Bauer (Freymond-Guth, Zurich) verra son film d’animation The Architect (2013) – produit par le Frac Auvergne – projeté en toile d’un fond d’un concert du groupe de rock Kafka.
Certains artistes revisiteront des pièces anciennes, à l’instar de Marina Abramovic (Lisson, Londres) donnant à nouveau à entendre The Airport, un environnement sonore de 1972. L’Autrichien Martin Walde (Krinzinger, Vienne), quant à lui, remettra la main à Choice (1993-2013), étrange installation où, dans un environnement blanc, un personnage en cire est soumis au violent éclairage d’une lampe à infrarouge et s’en protège de la main, tandis que la luminosité se modifie au gré des mouvements des spectateurs.
On pourra également porter attention à Evariste Richer (Meessen De Clerq, Bruxelles) et son Avalanche #2 (2012), immense image ambiguë figurant une avalanche et constituée de 60 000 dés. Pendant que Tom Burr (Bortolami, New York) proposera avec Dressage (2013) une vaste installation in situ répondant à la nature militaire du site et faisant référence, à travers des pièces de bois et de métal, aux enclos et obstacles équestres.
Tout à cette volonté de s’inscrire dans le contexte local, Olaf Breuning a animé des workshops avec des étudiants de l’Institute for Fashion Design Basel. Installés dans une aile de la caserne, ils y ont développé ensemble un projet visible au moment de la foire (Just a Misfit ?, 2013, Metro Pictures).

22 mètres de long
Regroupant cette année 79 propositions, un nombre en hausse de près de 30 %, « Unlimited » se montre plus ambitieuse que jamais et aura probablement de quoi donner le tournis, en espérant que l’ensemble reste digeste.
La sélection de pièces effectuée pour la deuxième fois par Gianni Jetzer, le directeur du Swiss Institute de New York, voit donc très grand, à commencer par Two into One Becomes Three (2011), monumentale peinture de Matt Mullican (Klosterfelde, Berlin ; Mai 36, Zurich) de 22 mètres de long et composée de pas moins de 70 grands panneaux, qui avait été conçue pour l’exposition « Erre » au Centre Pompidou-Metz ; son imagerie, issue des planches de l’Encyclopédie et de L’Art d’écrire de Diderot ainsi que d’images trouvées et de pictogrammes élaborés par l’artiste, joue avec la perception de la réalité et les appels au subconscient.

Les amateurs de sculpture seront sans doute à la fête, entre classiques et contemporains. Pour les premiers, rendez-vous est pris avec Lygia Clark (Alison Jacques, Londres) ou Carl Andre (Konrad Fischer, Berlin), pendant qu’Aurel Scheibler (Berlin) permettra de redécouvrir une sculpture en métal de Norbert Kricke où la monumentalité se conjugue à la finesse (Raumplastik Große, 1980). Les seconds pourront s’arrêter sur une grande construction métallique d’Oscar Tuazon (Eva Presenhuber, Zurich ; Maccarone, New York) qui semble se dédoubler (A Free Country, 2013), tandis que François Curlet (Air de Paris, Paris ; Micheline Szwajcer, Anvers) présentera son délicieux – si l’on ose dire – corbillard confectionné en allongeant une voiture de sport (Speed Limit, 2013). Aaron Curry (Almine Rech, Paris, Bruxelles) a, lui, conçu une installation immersive dans un espace aux dimensions de son garage, recouvert d’un papier peint multicolore dans lequel se fond une série de sculptures.
Le film n’est pas en reste avec notamment la dernière production de Dara Friedman (Gavin Brown’s Enterprise, New York) qui lui a été inspirée lors d’une résidence au Hammer Museum, à Los Angeles. Dix-neuf couples, véritables ou arrangés, y sont mis en scène dans des actions virant au jeu théâtral.
Les amoureux de l’art vont eux aussi avoir besoin d’endurance… et de courage.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°393 du 7 juin 2013, avec le titre suivant : Place au grand format

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