Pèlerinage à Breda

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2010 - 771 mots

Le premier établissement muséal dans le monde consacré au design graphique a ouvert en 2008 aux Pays-Bas. Cette institution met en exergue le retard de notre pays dans le domaine.

Logiquement, le propos est centré sur le graphisme national, mais le nouveau Musée du design graphique de Breda, situé au sud des Pays-Bas, est bel et bien la première institution muséale au monde à être exclusivement dédiée à ce domaine. Cela n’étonne guère de la part des Néerlandais, très à la pointe sur le sujet.

Comme le soulignait Étienne Hervy (lire p. 16) dans un éditorial de la revue spécialisée Étapes : design et culture visuelle (no 158, juillet 2008), le gouvernement néerlandais n’a pas hésité à solliciter cinq studios de graphisme pour réfléchir à sa propre identité visuelle. « C’est donc loin d’être un hasard si […] la nation qui s’honore d’inclure les designs dans son génome et son patrimoine culturel a inauguré le premier musée du graphisme dans le monde », note l’éditorialiste.

Mur de posters
Logé dans une honorable bâtisse du XVIIe siècle du centre histo-rique de Breda, en lieu et place d’un ancien hospice transformé dès les années 1950 en centre culturel puis en centre d’arts visuels – le centre De Beyerd (1981-2005) –, le musée est né de la volonté conjointe de la municipalité et de l’État de mettre en valeur le patrimoine graphique national dormant dans plusieurs institutions.

Pourvu d’élégantes ailes vitrées par l’architecte Hans van Heeswijk, le musée est distribué en six salles accueillant un parcours semi-permanent mais aussi des galeries dévolues aux expositions temporaires. Les concepteurs du musée ont su allier le fond à la forme, faisant ainsi du Musée du design graphique un lieu à la fois confortable et susceptible d’accueillir tous les publics.

Y compris les plus jeunes, auxquels sont dédiées des expositions temporaires spécifiques, comme celle qui se tient jusqu’au mois d’août, « Letterlab », un laboratoire consacré à l’histoire et au sens des lettres. Renouvelée partiellement tous les trois mois, l’exposition permanente raconte « 100 ans de graphisme néerlandais », en puisant dans les collections d’institutions partenaires : le ReclameArsenaal – une fondation qui collecte les archives publicitaires ; les archives néerlandaises des designers graphiques (NAGO) ; le Museum Meermanno (Musée du livre) de La Haye ou encore le Musée de l’argent à Utrecht.

Cette initiative autour d’une mise en réseau permet de présenter des fonds souvent inédits mais aussi de renouveler régulièrement l’accrochage. Affiches, livres, objets et autres documents interactifs viennent ainsi illustrer l’histoire et l’émergence de cette discipline au début du XXe siècle, alors que les technologies de la communication allaient connaître un essor sans précédent.

D’abord influencé par les courants picturaux d’avant-garde, Jugendstil, cubisme ou constructivisme, le graphisme s’émancipe en inventant un nouveau langage visuel, associant texte et image, et dont les usages seront multiples : signalétique dans l’espace public, communication politique ou commerciale, identité visuelle de marques…

La dernière section explore l’évolution du graphisme avec l’apparition des nouveaux médias et le divorce d’avec les produits imprimés. Elle s’achève par un « mur de posters pour le XXIe siècle », conçu par le studio LUST. Renouvelé tous les jours, celui-ci est engendré automatiquement
à partir de paramètres d’images et de typographie qui permettent la conception de 500 à 600 posters par jour. Suscitant ainsi une interrogation volontairement provocatrice : « A-t-on encore besoin de designers graphiques » ?

Les Français à la traîne

En matière de graphisme comme de design, il n’est rien de dire que la discipline demeure encore très mal représentée dans les institutions muséales françaises. Si des événements se tiennent régulièrement à Chaumont dans la Marne (le Festival international de l’affiche et du graphisme, lire p. 16) et à Échirolles en Isère (le Mois du graphisme, biennal) – où un centre permanent de graphisme et de communication visuelle devrait ouvrir en 2012 –, le seul lieu d’exposition pérenne à ce jour est privé.

Créée en 1999, la Galerie Anatome (lire aussi p. 20), à Paris, est une structure associative dédiée à la promotion du design graphique contemporain, notamment par le biais d’expositions temporaires consacrées à la scène graphique internationale. Un sujet encore rarement abordé dans le cadre d’expositions temporaires, au Musée national d’art moderne, au Musée des arts décoratifs, à la Bibliothèque Forney, institutions parisiennes qui conservent pourtant des fonds sur le sujet, ou encore au Cneai à Chatou (Yvelines), un centre consacré aux publications d’artistes.

Galerie Anatome, 38, rue Sedaine, 75011 Paris, tél. 01 48 06 98 81, tlj sauf lundi et dimanche 14h-19h. Exposition « Les plus beaux livres français 2009 » (ouvrages primés toutes catégories confondues), du 2 au 17 avril.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°322 du 2 avril 2010, avec le titre suivant : Pèlerinage à Breda

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