Musée

Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM)

Odyssée architecturale

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 18 juin 2013 - 690 mots

MARSEILLE

Navire muséal reliant la mer à la cité, le MuCEM utilise un nouveau béton, le Befup, conférant à sa structure et son enveloppe finesse et élégance.

MARSEILLE - En contrebas de la célèbre butte du Pharo, en longeant les quais jusqu’à l’anse du Vieux-Port, on découvre le site d’implantation exceptionnel du MuCEM. Dans cette ville fondée dès l’antiquité grecque sur la Méditerranée, le vaste quai J4 est désormais en partie envahi par la mer. Il fait face aux paquebots amarrés à la jetée numéro 4 en provenance du Maghreb et permet au regard un recul nécessaire. On peut alors se délecter de la rencontre entre la sévère masse ocre du Fort Saint-Jean magnifiquement restauré (par François Botton et Roland Carta) et le nouveau grand voile carré en béton couleur de pierre se fondant dans la mer. Ces deux bâtiments, l’ancienne citadelle militaire et l’édifice contemporain de 15 000 m2 conçu par l’architecte Rudy Ricciotti, abritent le nouveau Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.
Les expositions se répartissent sur deux des cinq grands plateaux libres de 52 mètres de côté, le risque d’un excès de lumière étant canalisé par de grands rideaux noirs courant en périphérie des volumes. Ces voiles protègent les œuvres de la lumière tout en laissant entrevoir la structure et la coquille de béton.

Une casbah verticale
En rez-de-chaussée, la grande galerie permanente tente de retracer les progrès des grandes civilisations, tandis que les deux expositions temporaires au niveau supérieur expliquent les récents phénomènes sociaux. Au-delà de l’intérêt ou non des œuvres présentées, la réussite de ce navire muséal est d’être à la fois plongé vers la mer tout en jetant des ponts vers la cité et ses habitants. Des coursives en pente et suspendues dans le vide enserrent le musée sur ses deux flancs les plus exposés à la mer et au soleil. Protégée par une résille de béton évoquant la roche corallienne, cette rampe publique ombragée est une promenade au-dessus de douves envahies d’eau menant de la mer au ciel. Elle aboutit en toiture à une fine passerelle de béton, tendue comme un muscle, unissant le bâtiment au Fort Saint-Jean et depuis ce dernier, au quartier du Panier. Accueillant la terrasse d’un restaurant, protégée sous l’auvent que forme le retournement de la mantille, cette quatrième façade est un espace public majeur dans le bâtiment. « Le musée sera comme une casbah verticale », annonçait le texte du concours en 2002. Les images d’un volume pur aux parois évanescentes étaient chargées de promesses et ces dernières étaient grandes. Celles-ci n’ont en rien été contredites par la réification du projet entremêlant ombre, eau, lumière et mémoire du travail. Les choix formels n’étaient pas sans prise de risque pour l’architecte qui, à l’époque, menait ses toutes premières recherches sur les utilisations possibles du béton fibré ultra performant (Befup) et la matérialisation du projet naviguait encore dans l’inconnu. Particulièrement dense et résistant, ce matériau a rendu possible la finesse de l’enveloppe et de la structure faite de poutres verticales aux formes arborescentes. Pas moins de treize certifications dites Atex (Appréciation Technique d’Expérimentation) autorisant des inventions constructives ont été déposées lors de la conception du projet. Une précision qui n’est en rien anecdotique puisque pour Rudy Ricciotti, « l’intérêt de l’argent public est aussi de défendre des moments de recherche et de développements ». Nouveau port d’attache de toutes les cultures, l’enjeu d’un tel projet, à l’instar par exemple du Louvre-Lens inauguré en décembre dernier, sera sa capacité à créer un lien avec le public local et ici à préserver l’accès public de sa toiture et de ses coursives. L’institution, dont la société des amis existe déjà depuis l’automne 2011, serait alors un vrai lieu de rencontre de cette métropole aux communautés variées.

Fiche technique MuCEM

Maître d’ouvrage : ministère de la Culture et de la Communication, Direction générale des patrimoines / OPPIC
Maître d’œuvre : Rudy Ricciotti ; Chefs de projet : Frédérique Pyra Legon et Tilman Reichert
Architectes associés : C T architecture ( Roland Carta & Stephan Bernard)
Superficie : 15 000 m2
Coût : 53 000 000 HT
Concours 2002
Livraison : juin 2013

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Odyssée architecturale

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