École d'art

COURRIER

Nicolas Bourriaud, directeur de l’Ensba

(École nationale supérieure des beaux-arts de Paris)

Par Nicolas Bourriaud · Le Journal des Arts

Le 11 mars 2014 - 735 mots

Votre article « Quel avenir pour les collections de l’Ensba » [publié dans le JdA no 407, 14 février 2014] présente un grand nombre d’informations non vérifiées et d’amalgames.

Tout d’abord, le rapport de la Cour des comptes sur l’École nationale des beaux-arts de Paris porte sur la période 2001-2011, antérieure donc à mon arrivée à sa tête. Il serait donc particulièrement absurde qu’elle me « vise », ni que je doive « revoir mes priorités » ; bien au contraire, on me demande de les mettre en œuvre plus intensément : la réponse des deux ministres de tutelle signale d’ailleurs que depuis deux ans, les préconisations de la Cour ont été largement engagées. Bref, votre article entretient une regrettable confusion entre le passé et le présent. Plus grave, vous propagez l’idée fausse que les collections de l’Ensba seraient conservées à l’école dans des conditions indignes : sachez que c’est totalement fantaisiste. Elles sont désormais conservées à La Plaine-Saint-Denis dans un espace de 1 000 m2, inventoriées, climatisées et recollées. Ne subsistent sur le site pour l’essentiel, que les copies et les photographies.

Dans le même registre anachronique, la politique d’expositions commentée par la Cour des comptes précède la reconfiguration du Palais des Beaux-Arts. Et le « rayonnement international » défaillant de l’école ? Il se porte bien, merci. Les deux chefs d’atelier engagés depuis lors s’appellent Ann Veronica Janssens et Pascale Marthine Tayou, ce qui dément la prétendue « difficulté à attirer de grands professeurs étrangers ». (Sans parler des workshops assurés par Thomas Hirschhorn ou Urs Fischer). Vous citez le rapport du cabinet Roland Berger, qui place l’Ensba « à la quinzième place mondiale des écoles d’art », comme si cela était particulièrement médiocre. Vous rendez-vous compte que la première université française se situe à une bien plus mauvaise place dans le classement de Shanghaï ? S’il s’agissait de l’Europe, cela pourrait effectivement nous préoccuper…

Quant au « rapprochement entre les écoles du Grand Paris », vous omettez d’écrire qu’il concerne les fonctions support de ces établissements, ainsi que la communication et l’édition… Pour finir, vous semblez entériner comme un défaut la « spécialisation » de l’établissement, partagé avec le réseau français des écoles d’art : or cet enseignement pointu est l’un des facteurs permettant à nos diplômés une présence exceptionnelle sur la scène artistique, comme en témoignent leur présence massive au Salon de Montrouge, dans les galeries parisiennes ou les programmations du Palais de Tokyo ou des autres centres d’art français.

Notre réponse

Cet article s’appuie sur un rapport adressé par Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, à Aurélie Filippetti et Geneviève Fioraso le 15 novembre 2013, et sur la réponse des deux ministres datée du 3 février 2014. Il existe dans la presse des informations moins « vérifiées » que ces deux documents officiels.

Si effectivement, le référé porte sur la gestion budgétaire des exercices 2001 à 2011, « il décrit sur certains sujets, comme l’état de conservation des collections, une situation qui perdure… » ainsi que nous l’a confirmé la Cour des comptes. D’ailleurs, le référé pointe à plusieurs reprises des actes administratifs postérieurs à 2011, comme la convention de dépôt d’une partie du fonds imprimé établie avec l’Inha (2012). C’est bien la Cour des comptes qui écrit en novembre 2013 : « Les conditions de stockage et de récolement des œuvres, en dépit d’une relocalisation de certains fonds, ne sont toujours pas satisfaisantes. »

Ce sont bien les deux ministres qui écrivent qu’en raison d’une baisse importante du budget expositions en 2014 « des projets menés en partenariat avec d’autres établissements scientifiques et culturels du ministère vont être proposés par la tutelle à la direction de [l’Ensba] ». La 37e place (sur 500) de l’université Pierre-et-Marie-Curie dans le classement de Shanghaï, n’excuse pas la 15e place de l’Ensba « héritière des Académies royales de peinture instituées par Louis XIV », dans le classement des écoles d’art (bien moins nombreuses) du cabinet Roland Berger. Ce sont bien les deux ministres encore qui disent « étudier le rapprochement des grandes écoles d’art et de design du Grand Paris dépendant de l’État, pour constituer un ensemble qui mutualiserait les coûts de gestion et d’administration […] ».

En somme, si on comprend bien les deux ministres, une administration unique (sous l’autorité de qui ?) et des filières pédagogiques autonomes qui conserveraient leurs « enseignes » (Ensba, Ensad..).

Jean-Christophe Castelain

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°409 du 14 mars 2014, avec le titre suivant : Nicolas Bourriaud, directeur de l’Ensba

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