Musique

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Naïssam Jalal : « Quand je joue, je vois des couleurs »

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 16 mars 2020 - 609 mots

Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels. Ce mois-ci la flûtiste Naïssam Jalal.

Naïssam Jalal © Photo Emanuel Rojas
Naïssam Jalal
© Photo Emanuel Rojas, 2016

D’origine syrienne, la flûtiste Naïssam Jalal a grandi à Paris dans une famille d’artistes. Aujourd’hui, elle compose sa musique chez elle, entourée des toiles de ses parents peintres, qu’elle imagine dialoguer entre elles…

Vous avez toujours fréquenté la peinture, ne peut-on donc pas parler de « rencontre » avec l’art ?

Non, parce que c’était mon environnement naturel. J’ai toujours vu mes parents peindre en musique, je crois que cela m’a donné envie de mettre de l’espace dans mes compositions, avec ce travail de clair-obscur que j’aime faire sur ma musique. Je peux voir aussi le goût de mes parents pour la musique dans leurs toiles. Cela ne m’étonne pas qu’on utilise un vocabulaire commun pour la peinture et la musique, quand on parle de rythme, d’harmonie ou de couleur…

Pourquoi vous êtes-vous tournée vers la musique plutôt que vers la peinture ?

Je n’ai jamais été attirée par ce métier-là. Je n’ai jamais eu envie de peindre. Puis je déteste la solitude, je n’aime pas l’idée de me retrouver seule dans un atelier avec une toile. De cette enfance au contact de la peinture, j’ai gardé un rejet total des musées, que j’ai trop fréquentés. Donc je vais très peu voir les œuvres originales aujourd’hui, mais j’ai un goût prononcé pour l’art abstrait, et en particulier pour le travail des couleurs et de la lumière. Le peintre que je préfère, c’est Rothko. Je l’ai découvert lorsque j’étais au lycée, où je suivais un cursus d’histoire des arts. J’avais vu des reproductions, mais elles m’avaient laissée de marbre. Ensuite, j’ai découvert son travail au Centre Pompidou, et là, j’ai vu vibrer la toile ! Il y a une grande spiritualité dans son travail, à laquelle je suis extrêmement sensible. Rothko transcende la forme et la matière : il y a quelque chose au-delà des deux dimensions de la toile, quelque chose de physique, mais aussi de métaphysique, qui m’emmène au plus profond de mon être.

Est-ce que c’est une chose qui peut vous inspirer dans votre musique ?

Indirectement, peut-être. Quand je joue, je vois des couleurs. Tel morceau ou tel accord a une couleur définie dans mon esprit, même si le lien avec la couleur n’est pas conscient quand je compose. Parfois, quand je recherche un développement et une narration précis, je cherche des images. Mais c’est très particulier : par exemple, dans un morceau que j’ai écrit pour la révolution syrienne, je raconte vraiment une histoire, avec les années d’oppression, la douleur, la guerre, les bombardements. Alors, il y a des visions très précises qui me guident dans l’écriture.

Pour les pochettes de vos albums, vous faites appel à des calligraphes…

Je suis très sensible à la calligraphie, et notamment au travail de l’artiste syrien Mounir al-Shaarani qui a fait une calligraphie pour mon album Almot Wala Almazala en 2016. Il y a aussi l’Irakien Hassan Massoudy, à qui j’ai demandé une calligraphie originale pour mon disque Quest of the Invisible. Ils ont des styles très différents : le premier est graphique, travaillé, quand le second est dans le souffle du geste, l’élan, la spiritualité. Je les aime beaucoup tous les deux.

Avez-vous déjà pensé à une collaboration avec un artiste ?

Oui, mais je n’ai pas trouvé quelqu’un capable de créer des images ouvertes. Je fais une musique très figurative, qui permet à chacun de créer ses images. Je ne veux pas enfermer l’auditeur dans l’univers visuel d’un artiste. C’est ce qui est magique avec la musique : elle est invisible. On peut y dessiner ses propres paysages.

À écouter
Plus d’infos sur la musique de Naïssam Jalal et ses concerts : www.naissamjalal.com La mère de Naïssam Jalal, Rafif Rifaï, participe au mois de mars à la manifestation « Le printemps des poètes » à Céret. Pour découvrir le travail de son père, Ibrahim Jalal : www.ibrahim-jalal.com
À retrouver
Laure Albernhe avec Mathieu Beaudou dans les Matins Jazz, du lundi au vendredi, de 6 h à 9 h 30 sur TSF JAZZ, la radio 100 % jazz. www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Naïssam Jalal : Quand je joue, je vois des couleurs

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