Musées, une longue série de travaux

Le Journal des Arts

Le 12 février 2014 - 1305 mots

À la programmation et aux acquisitions, la municipalité sortante a privilégié les indispensables travaux de rénovation de ses musées. Elle compte sur le nouvel établissement public pour développer leur rayonnement.

Début janvier, la Ville de Paris a largement communiqué sur la fréquentation record de ses musées en 2013 : la barre symbolique des 3 millions de visiteurs a été franchie, doublant le chiffre de fréquentation de 2001, date de l’arrivée de Bertrand Delanoë à l’Hôtel de Ville. Selon l’équipe municipale, ces chiffres sont l’expression de la réussite de la politique muséale des équipes en place.

Depuis septembre et la réouverture du Palais Galliera-Musée de la mode, les quatorze musées de la Ville fonctionnent à plein régime, une situation qui ne s’était pas produite depuis le tout début des années 2000. En 2001, le Petit Palais et le Musée Cernuschi ferment pour travaux, et ne rouvriront qu’en 2005. Ces projets de rénovation, votés sous la mandature de Jean Tiberi, sont nécessaires pour moderniser des bâtiments vieillots et endommagés par le temps et seront menés à bien par les équipes de Bertrand Delanoë. En 2003, c’est le Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMVP) qui ferme à son tour, pour ne rouvrir qu’en 2006. En 2011, les musées Zadkine et Bourdelle sont l’objet de modernisations et de réaménagements. 2013 est donc une année faste dans le nombre de musées ouverts, expliquant en partie, mais en partie seulement, ces chiffres records, et rendant peu pertinente la comparaison des chiffres de 2001 avec ceux de 2013.

L’année 2010 avait été l’annus horribilis des musées parisiens : le vol de cinq toiles de maîtres au MAMVP pour une valeur estimée à 15 millions d’euros (et à ce jour non retrouvées) pointe de manière dramatique les faiblesses sur le plan de la sécurité dans un musée rénové cinq ans auparavant, tandis que le Musée Carnavalet doit fermer quelques semaines à cause d’une alarme incendie défaillante. Rapports et audits fuitent dans la presse, mettant à jour des dysfonctionnements analogues dans d’autres musées municipaux. Ainsi, selon un audit datant de 2009 : « En matière de sécurité incendie, en dehors des musées rénovés récemment, les installations sont obsolètes et non conformes à la réglementation. En ce qui concerne la sûreté, la protection des locaux n’est que partiellement assurée et celle des œuvres reste très rudimentaire. Enfin la maintenance de tous ces équipements n’est pas organisée rationnellement. »

Accusé de laxisme, le Maire décide d’accélérer la réforme de la gouvernance des musées, restée dans les cartons jusqu’alors : « Paris Musées », une délégation de service public créée en 1985, devient le 1er janvier 2013 un véritable établissement public à caractère administratif, chargé de gérer les qutorze musées parisiens. Anne Hidalgo, aujourd’hui candidate PS à la Mairie de Paris, en est la présidente du conseil d’administration. « Il y a toujours eu une forte mutualisation des musées de la Ville de Paris, mais il y avait trop de dispersion », résume pudiquement Delphine Lévy, directrice de l’établissement. Avec un budget de 74 millions d’euros dont une subvention de la Ville à hauteur de 58 millions d’euros, Paris Musées « a les moyens de mener à bien les multiples projets en cours en termes de rénovations, de numérisation, de publications, d’expositions », assure sa directrice.

Fin de la gratuité ?
Mais un rapport de la Chambre régionale des comptes, rendu public en septembre 2013 et épinglant la gestion des musées parisiens entre 2007 et 2012, donne aujourd’hui du grain à moudre aux opposants de l’équipe en place : Nathalie Kosciusko-Morizet, se fondant sur ce rapport, a d’ores et déjà annoncé vouloir mettre fin à la gratuité des collections permanentes des musées parisiens, mesure phare de Bertrand Delanoë en 2002. « La gratuité n’a pas permis d’attirer les catégories sociales les plus défavorisées, dont la part n’a pas augmenté depuis 2001. […] Alors qu’elle coûte à la Ville de Paris, la gratuité donne l’impression que l’immatériel n’a pas de valeur », note la candidate UMP à la Mairie de Paris dans le volet culturel de son programme. La gratuité des musées a depuis des années ses partisans et ses détracteurs : « Ce serait revenir en arrière que d’élever à nouveau des barrières tarifaires pour le public », estime pour sa part Delphine Lévy.

Par ailleurs, certaines errances ont laissé des traces : la condamnation des expositions servant un sponsor, telle l’exposition « Révélations, une odyssée numérique dans la peinture », commanditée et entièrement financée par Samsung au Petit Palais en 2010, réunit paradoxalement la candidate UMP et Danielle Simonnet, candidate du Front de gauche.

À lire les programmes des différents candidats, hormis la question de la gratuité qui oppose deux sensibilités différentes, les propositions apparaissent difficiles à appréhender. Pourtant, certaines questions restent en suspens : la gestion des ressources humaines au sein de Paris Musées exacerbe les rancœurs des syndicats, à tel point que les personnels d’accueil et de sécurité du Musée Carnavalet ont fait grève en novembre dernier, dénonçant un sous-effectif criant. Le taux d’absentéisme déjà pointé dans un rapport de l’Inspection générale daté de 2009 demeure élevé sur les postes de surveillance, en raison, selon les syndicats, d’une « maltraitance institutionnelle ». Lors de ces élections, il ne sera pas non plus question, rigueur oblige, du budget d’acquisition des musées parisiens, en chute libre ces dernières années : à peine 780 000 euros pour les quatorze institutions, un montant totalement inadapté à leurs ambitions.

Tous les candidats sont étrangement muets sur un autre dossier : le devenir du Musée du Montparnasse. La Mairie de Paris a mis fin en septembre 2013 à la convention d’occupation la liant à l’association gérant le lieu, et signé un partenariat temporaire avec le Musée de La Poste, le temps de lancer un appel à projet d’ici à 2015. La présence de Jean Digne, directeur démissionnaire du musée, auprès de Nathalie Kosciusko-Morizet lors de sa grande soirée culturelle pousserait à croire la candidate encline à redonner à l’association la gérance des lieux.

À Paris Musées, on se veut serein face aux élections à venir : « Jusqu’en 2015, nous avons passé un contrat de performance très ambitieux. Plus les musées formalisent leurs projets scientifiques et leurs contrats de performance, plus ils gagnent en indépendance », explique Delphine Lévy. Le renouvellement des directeurs de musée au cours des deux dernières années, au Petit Palais, à Carnavalet, à Cognacq-Jay et au Musée de la Vie romantique, devrait apporter un nouveau souffle à la programmation.

Le Musée Carnavalet, grand projet d’Anne Hidalgo

Le Musée Carnavalet, historiquement le premier musée de la Ville de Paris, inauguré en 1880, n’a pas encore bénéficié d’un projet de rénovation digne de ce nom. Les travaux, longtemps repoussés, devraient commencer en 2014 : il était temps, le bâtiment, objet de quelques mesures d’urgence ces dernières années, requiert une restauration profonde. Une première phase vient d’être actée. Grâce à une convention de mécénat signée le 11 décembre 2013, la Fondation du patrimoine apporte un soutien de 300 000 euros financé par la Fondation Total pour la restauration de la cour d’honneur Louis XIV : travaux de maçonnerie, de pierre de taille, de couverture, de menuiserie et de réfection des peintures, ainsi que restauration des bas-reliefs de Jean Goujon. Le chantier débutera en mars et durera jusqu’au début de l’année 2015. La candidate Anne Hidalgo a annoncé qu’elle souhaitait débloquer une enveloppe de 40 millions d’euros pour la rénovation du musée au sein des 8,5 milliards d’euros d’investissement prévus en tout pour la capitale, faisant du musée l’un des grands chantiers de son programme. Valérie Guillaume, la directrice nouvellement nommée de Carnavalet, engage déjà la réflexion avec un programmiste pour réaménager le musée. De son côté, Nathalie Kosciusko-Morizet propose une application « Hyper Paris », qui « constituera un véritable Musée Carnavalet virtuel » selon la candidate UMP.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°407 du 14 février 2014, avec le titre suivant : Musées, une longue série de travaux

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