Entretien

Muriel Marland-Militello

La député met les arts plastiques au centre de l’Hémicycle

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 7 novembre 2003 - 948 mots

Rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur la loi de finances 2004, Muriel Marland-Militello, députée UMP des Alpes-Maritimes, a choisi le 24 octobre de consacrer la deuxième partie de sa présentation devant l’Assemblée nationale à l’art contemporain. « Éternel parent pauvre du budget », selon ses propres mots, le sujet est rarement abordé dans l’Hémicycle. Muriel Marland-
Militello revient sur ce choix.

Pourquoi avoir choisi d’orienter votre avis (1) sur la création contemporaine en arts plastiques ?
Le rapporteur pour avis doit formuler une appréciation générale du budget et aborder ensuite un aspect plus particulier. J’ai choisi l’art contemporain d’abord par passion, ensuite parce que ses acteurs disposent de peu de groupes de pression pour se faire entendre. Il était donc intéressant qu’un membre de la représentation nationale parle en leur nom, d’autant que les arts plastiques représentent moins de 4 % du budget de la Culture. Pour la citoyenne et l’élue que je suis, l’art contemporain donne à voir le monde autrement. C’est un langage universel pour exprimer une contestation ou plus simplement un autre regard. Une connaissance plus large de l’art contemporain amènerait une meilleure perception de la société.

Vous parlez de contestation. Sans généraliser, quand un politique prend la parole sur l’art contemporain, c’est souvent pour le remettre en cause…
La contestation doit être une source d’enrichissement, de réflexion. Je suis une femme de droite, gaulliste depuis la nuit des temps ; je ne partage pas les orientations politiques de certains artistes, mais ils m’ont pour autant ouvert des horizons. Toute création doit être critiquée, mais sur le fond. Sans connaissance, cela est impossible. Les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas et, pour les élus, la peur est mauvaise conseillère. La création contemporaine est un moment de l’histoire de l’art qui implique la connaissance de ce domaine. Aucun artiste ne fait n’importe quoi, la vie de créateur est bien trop dure pour cela. « L’art, c’est comme le chinois, cela s’apprend », disait Picasso. On apprend à lire à l’école, pourquoi n’apprendrait-on pas à voir ? Il n’y a rien de plus démocratique que l’école et rien de plus élitiste que la culture, il y a là un écart.

Mais le plan des arts à l’école ne devait-il pas remédier à cela ?
Il s’agit encore d’une option, d’un luxe, d’une spécialité. Je suis pour un enseignement obligatoire, comme pour les lettres, quelque chose de quotidien au même titre que les petites phrases d’un conte de Perrault. Il faut créer une agrégation en histoire de l’art. L’éducation de Jules Ferry était fondée sur la langue, mais l’image est un langage. Elle est même un ferment de lien social.

Dans votre avis à l’Assemblée nationale, la seule critique que vous portez au budget du ministère de la Culture est la faible part qu’il réserve aux arts plastiques.
Oui, et c’est d’abord le produit d’une histoire politique. Les gouvernements précédents ont favorisé le théâtre et le spectacle vivant. Le problème, c’est que les subventions ne sont jamais remises en cause. Je note toutefois que Jean-Jacques Aillagon a imposé un redéploiement de 10 % des crédits. Il faut des contrats d’objectifs. Après la crise de cet été, le choix a été de soutenir les festivals de théâtre. Reste qu’une hausse de 8 % sur deux ans, pour un secteur qui représente presque la moitié du budget, est pour moi trop importante.

Vous notez que « le problème n’est plus un problème d’offre culturelle mais d’élargissement et de motivation du public ».
À quoi sert l’argent public pour la culture et à quoi doit-il servir ? L’État a été et reste le garant de la diversité culturelle et de sa décentralisation. Cela a commencé avec Malraux, cela s’est poursuivi avec Lang. Mais créer de l’offre ne suffit plus, il faut créer du désir. Nous n’avons pas réussi à donner envie au plus grand nombre et nous avons vite versé dans le divertissement. Je crois à l’éducation du regard, d’autant que l’art n’est plus tant dans le monde de la représentation que dans celui du sens. Pour ce faire, les deux vecteurs de démocratisation les plus populaires sont l’éducation nationale et la télévision publique.

Vous parliez de décentralisation. Le gouvernement souhaite accentuer celle-ci alors que les structures dédiées à la création contemporaine souffrent parfois de résistances locales.
Oui, les collectivités territoriales favorisent souvent le patrimoine ou même le spectacle vivant, qui peut revêtir un aspect plus ludique. Reste que le dirigisme des collectivités territoriales en matière culturelle est beaucoup moins fort que le dirigisme national. La diversité culturelle dépend de la diversité des prescripteurs. Mais, pour parler d’un cas précis, il ne faut pas que les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) soient entièrement laissés aux Régions. L’État doit garder sa participation. La synergie des deux acteurs évite les abus.

Pour revenir aux FRAC, vous louez leur statut associatif.
L’idée est aujourd’hui d’en faire des établissements publics de coopération culturelle (ÉPCC), mais le risque est de « fonctionnariser » ces structures. Il faut conserver la souplesse des FRAC et la grande liberté d’initiative de leurs directeurs. En revanche, je suis pour la mobilité des prescripteurs culturels.

La loi sur le mécénat vient d’être adoptée, mais vous notez que, là aussi, l’art contemporain reste le parent pauvre.
Oui, la fiscalité comme les procédures administratives étaient beaucoup trop lourdes, mais le ministère de la Culture a aujourd’hui conscience de l’intérêt du mécénat privé. Dans le cadre des discussions sur la loi, j’avais déposé un amendement demandant une défiscalisation plus forte pour les aides aux artistes vivants. Il n’a pas été retenu, mais je compte faire une proposition de loi en ce sens.

(1) Avis n° 1111-VI déposé le 9 octobre 2003

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°180 du 7 novembre 2003, avec le titre suivant : Muriel Marland-Militello

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