art public

Miriam Bäckström, appartements en ville

L'ŒIL

Le 1 février 2002 - 538 mots

Depuis quelques semaines déjà, les habitants de Dunkerque comme les personnes de passage dans l’agglomération ont certainement pu s’étonner de voir, sur certains panneaux d’affichage, des images dénuées de slogans publicitaires. Ces affiches sans titres, ni accroches particulières, sont un projet réalisé pour l’espace de la ville par l’artiste suédoise Miriam Bäckström, en collaboration avec le Fonds régional d’Art contemporain de la région Nord-Pas-de-Calais. Active depuis une demi-douzaine d’années sur la scène internationale, Miriam Bäckström porte depuis toujours un intérêt particulier aux espaces intérieurs, à leur apparence. Certains se souviennent peut-être de cette série photographique réalisée sur le site d’un plateau de tournage, judicieuse mise en perspective de ce que l’on pouvait voir au premier abord comme un intérieur de maison et qui n’était en définitive qu’un décor installé au milieu d’un entrepôt. Aujourd’hui, c’est dans l’espace public que l’artiste a choisi de montrer les images de la série Appartements. Tous réalisés chez des personnes de sa génération, amies ou non, les clichés donnent pourtant à voir des appartements dénués de présence humaine. Seul un halo lumineux semble irrémédiablement envahir la pièce, comme dans certaines œuvres issues du romantisme allemand et scandinave. Au-delà de ce traitement spécifique, ce sont également les composantes de chacune de ces habitations qui ont déterminé le choix de l’artiste. Ainsi, on distingue souvent, ça et là, des œuvres d’art ou des pièces de design devenues célèbres par les phénomènes de mode. La photo devient alors un témoignage sociologique mais aussi le véhicule d’images et d’objets liés à l’histoire de l’art. En somme, l’œuvre se retrouve elle-même construite à partir d’autres œuvres. En replaçant ces clichés dans le territoire de la ville, l’artiste accentue non seulement l’effet voyeuriste de ces images, puisqu’elle les présente aux yeux du plus grand nombre, mais elle questionne la notion même de privé et public en en déplaçant les limites. Ainsi, ne pourrait-il pas simplement s’agir d’images vantant les qualités et le confort du mobilier international de type Habitat ou Ikea imaginées par quelques créatifs audacieux ? Déjà, en 1999, l’artiste s’était rendu au musée conçu par le géant suédois de l’ameublement pour effectuer une série de prises de vue des différentes reconstitutions d’époques réalisées à partir du mobilier de la marque. Jouant de cette tromperie taillée sur mesure pour et par Ikea, la plasticienne présentait ensuite ses photos en laissant planer le doute sur la nature et la provenance de ces images, mais aussi sur leur signification. Toutefois, il n’est plus ici question de simulations ou de reconstitution d’une réalité mais de la réalité elle-même. Saisissantes et énigmatiques, car nécessitant une lecture répétée, ces affiches ouvrent de toute évidence une fenêtre vers l’autre. Mais comme ce fut souvent le cas dans l’histoire de la peinture, cette fenêtre vers l’extérieur peut aussi devenir un miroir de sa propre vie et de ses propres pratiques. Ainsi, l’initiative prise d’amener des images d’art hors du contexte muséal ne peut que tendre vers une meilleure sensibilisation d’un large public aux pratiques artistiques mais aussi peut-être à une confrontation plus objective de l’art, face à un public parfois marqué d’à priori non fondés.

- DUNKERQUE, divers lieux et Frac Nord-Pas-de-Calais, 930, av. de Rosendaël, tél. 03 28 65 84 20, 24 novembre-23 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°533 du 1 février 2002, avec le titre suivant : Miriam Bäckström, appartements en ville

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