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Louis XIII, le règne de l’exubérance

L'ŒIL

Le 1 mai 2002 - 739 mots

Saluons d’emblée l’originalité, voire l’audace d’une exposition dont les maîtres d’œuvre ont recherché les moyens de réaliser une véritable évocation d’un monde et d’un temps souvent négligés. Cette période de l’art français demeure généralement méconnue au profit du Grand Siècle, et les arts décoratifs ont été trop rarement privilégiés par rapport aux beaux-arts. Malgré tout, l’univers Louis XIII a nourri notre imaginaire collectif, peut-être plus, il est vrai, par l’entremise du cinéma et de la littérature que par les arts plastiques : de La Belle et la Bête de Jean Cocteau à Peau d’Âne en passant par Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, souvent portés à l’écran, ou bien, plus récemment, Louis enfant roi de Roger Planchon, nombreux sont les films qui ont été tournés dans des décors Louis XIII ou prétendus tels. Longtemps considérée comme austère, l’époque du règne de Louis XIII et celle de la jeunesse de Louis XIV sous la régence de la reine Anne d’Autriche, marquée par les soubresauts de la Fronde, livre grâce à la présentation d’un riche éventail de la production des arts décoratifs un tout autre caractère, bien plus proche de la réalité historique. Ce demi siècle d’arts décoratifs traversé par plusieurs turbulences politiques a vu aussi la constitution de la plus grande institution artistique française, l’Académie royale de peinture et de sculpture fondée en 1648. Richelieu puis Mazarin pratiquèrent une véritable politique de commande d’Etat. De grands mécènes comme Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, ont occupé une place importante dans la production artistique. Les collections de ce dernier transmises à son neveu, le roi Louis XIV, ont constitué un maillon déterminant des collections royales puis nationales. Les liens de Paris avec d’autres foyers artistiques européens ont été très productifs. De nombreux Français ont fait le voyage d’Italie et ont séjourné à Rome. Citons Simon Vouet qui, de retour de la ville des Papes, fonda en 1627 à Paris un grand atelier où vinrent se former beaucoup de peintres de la génération suivante. Des Flamands se retrouvèrent à Paris. Ce fut le cas du sculpteur Gerard van Obstal dont l’association avec le jeune Charles Le Brun produisit quelques-uns des plus beaux décors intérieurs des années 1645 à 1650. Incontestablement, ce fut le règne du faste et de l’exubérance, du mélange et de la profusion. La visite est prévue en deux temps : pour commencer, un parcours à la fois chronologique et thématique à travers les différents modes d’expression de la décoration française qui fait la part belle aux matériaux dans lesquels cet art s’est exercé, et ensuite, la partie la plus attendue reconstitue un appartement idéal, pièce par pièce, avec les meubles et les objets choisis pour tenter d’évoquer le charme d’un intérieur qu’auraient pu connaître les jeunes amies de Madame de Sévigné. Entre la fin de la Renaissance et le début du siècle de Louis XIV, il y a des passages et des ruptures que cette exposition et son catalogue nous proposent d’explorer en nous faisant découvrir des pièces peu connues. Si la tapisserie de Moïse sauvé des eaux d’après un carton de Simon Vouet ou le coffre en feuillage d’or dit d’Anne d’Autriche conservés au Louvre sont bien connus, d’autres meubles et objets de grande qualité, témoignages de la diversité de la production des arts du feu, du bois, des métaux, des tissus sont présentés pour la première fois ou proviennent de lointains musées comme ce somptueux bassin en argent du Kremlin. Cette exposition permet aussi de poser sur ces objets d’art un autre regard plus pertinent. Le statut du décoratif ou de l’ornemental est en effet questionné à la fois par son élaboration et par le goût de ses collectionneurs, autrement dit dans sa création et dans sa fonction. Le plaisir de la rencontre avec les 350 superbes objets d’art présentés ce printemps à Paris va certainement renouveler la perception un peu floue que l’on a généralement du siècle de Louis XIII et d’Anne d’Autriche. Les amateurs de livres anciens prendront quant à eux le chemin du Musée Condé à Chantilly qui expose dans le cabinet des livres du duc d’Aumale un choix de reliures françaises inédites de cette période, notamment des reliures dites « à grand décor » exécutées pour de grands personnages de la cour de France.

- PARIS, Grand Palais, square Jean Perrin, tél. 01 44 13 17 17, 11 avril-8 juillet et CHANTILLY, Musée Condé, château, tél. 03 44 62 62 62, 24 avril-23 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°536 du 1 mai 2002, avec le titre suivant : Louis XIII, le règne de l’exubérance

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