Loris Gréaud, la part nébuleuse de l'art

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 557 mots

Loris Gréaud le promet : « Ça va être un truc mortel ».

Le truc mortel, c’est une séance en solitaire assistée par un neurologue : vingt minutes, le crâne offert aux capteurs d’un électro-encéphalogramme, durant lesquelles l’artiste/patient pense sa prochaine (grande) exposition prévue à Paris en 2007. En résulte la conversion graphique de ce crâne en ébullition, de ces idées en cours d’ajustement et de projection.

On obtient une durée, un dessin, qui est comme « la production électrique des idées ». Et du même coup, on obtient une accroche pour l’exposition en question. Autre piste énoncée dans la foulée, celle qui devrait tracer un « dessin intergalactique » dans le ciel. D’étoiles en étoiles, reliées comme on reliait point à point les dessins d’enfants.

Les projets s’enchaînent
Pour la rentrée, Loris Gréaud annonce encore, gourmand, une secrète exposition complotée sur le mode de la conspiration. Bientôt Milan, New York, Los Angeles, Vilnius. Promptement hissé sous les feux de la rampe, le jeune artiste semble à peine étourdi par l’accélération subie ces derniers mois. Impatient de faire et puisqu’est venu le succès, admet-il, désormais inquiet. Il aura suffi d’une proposition à la galerie des beaux-arts de Gennevilliers, suivie d’une exposition personnelle à Paris. Un tournant. Ou plutôt un sérieux démarrage. Conçue comme une succession de « récits nuageux », l’exposition du Plateau va intriguer. Elle aligne des objets techniques et immatériels, dispose une grammaire vibrante et nébuleuse, toute en processus et en irrésolutions.

À peine sorti du lycée, Loris Gréaud s’essaie à un atelier de cinéma expérimental « un peu barjot ». Il poursuit dans le même temps son cursus musical au conservatoire. Mais ça n’est pas assez. Suivent trois années dans une école d’art graphique. Mais ça ne suffit toujours pas.

Proche de l’art conceptuel
Dans le même temps, il fonde un fructueux label et produit de la techno hardcore, avant que de peaufiner ses outils à l’école des beaux-arts de Cergy. « J’ai eu la chance d’y entrer en ayant déjà fait des choses avant. J’avais eu le temps d’évacuer la vision romantique de l’artiste, analyse-t-il. À l’école, on ne nous apprend pas ce qu’il y a à l’extérieur ». Et à l’extérieur, il y a Philippe Parreno et Pierre Huyghe, ceux qui ont pour partie alimenté un art qui emprunte souvent ses outils et ses modes de production au cinéma.

« Je me sens bien plus proche de l’art conceptuel que du Pop Art », explique-t-il. On croit Gréaud désormais débordé, il produit en fait très peu, lentement et presque toujours nourri par une énergie collective, établissant des chaînes de compétences auprès de linguistes, scientifiques, musiciens, ingénieurs…

Le résultat génère une expérience sensible déroutante, frustrante et productrice d’imagination : architecture invisible incarnée par des souffles de vent, écran privé d’image en présence du spectateur, vibrations intempestives distillées dans une exposition collective… Tout est prétexte à esquisser récits et utopies très précisément machinés, mais au bout desquels les questions demeurent finalement en suspens. Avant d’en susciter de nouvelles.

Biographie

1979 Naissance à Eaubonne.

2000 Il poursuit une formation aux beaux-arts de Cergy.

2002 Création d’un label de musique électronique, Sibilance Production.

2005 Reçoit le prix de l’espace Paul Ricard pour son exposition personnelle « Off-shore ». Il expose également à l’atelier du Plateau, dans le XIXe à Paris.

2006 Il publie son premier catalogue personnel, Endextend.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Loris Gréaud, la part nébuleuse de l'art

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