Musée - Palmarès

Les villes moyennes et « leurs » musées

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2013 - 1356 mots

Si La Piscine de Roubaix survole le classement dans les villes moyennes, Angers, Villeneuve-d’Ascq, Grenoble savent aussi tirer leur épingle du jeu, grâce aux investissements de leur tutelle.

Point de salut hors de Paris ? Le classement proposé cette année met en lumière les grands musées des villes de province, dont les résultats talonnent les institutions parisiennes. En établissant un classement des villes de 20 000 à 200 000 habitants, Lille, Lyon, Toulouse, Nantes et Montpellier changent de catégorie, permettant aux institutions moins connues d’entrer sous les feux de la rampe. Avec près de 20 points d’avance, c’est le Musée d’art et d’industrie André Diligent-La Piscine à Roubaix (lire encadré) qui prend la tête de ce palmarès avec un résultat remarquable pour une ville de moins de 100 000 habitants, mais qui bénéficie du dynamisme de la métropole lilloise.

Des musées mobilisés et exigeants
Sur le podium, le Musée des beaux-arts d’Angers fait la différence et arrive bon second. Grâce à des expositions exigeantes et réussies (7 expositions temporaires), une politique des publics dynamique, mais surtout une mutualisation des moyens avec les autres institutions culturelles de la cité angevine (le Musée Jean Lurçat, le Musée de la tapisserie contemporaine et la Galerie David d’Angers), la fréquentation du musée a bondi cette année, en hausse de 83 % (soit près de 160 000 visiteurs). Toujours dans le trio de tête, le LaM (Lille Métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut), avec un budget d’expositions temporaires confortable (1,5 million d’euros) poursuit une programmation culturelle variée et intelligente. Mais il a vu cette année une diminution de sa fréquentation de 17,9 %, après les années fastes suivant sa réouverture en 2010, qui se répercute dans une baisse de 15 % de ses recettes commerciales. La transformation de l’institution en Établissement public de coopération culturelle devrait lui permettre une meilleure gestion globale. Seul autre musée d’art contemporain dans les 20 premiers, le MAC/VAL (Musée d’art contemporain du Val de Marne), s’il bénéficie toujours d’un succès d’estime, peine à trouver ses marques auprès du plus grand nombre. À la fois trop proche et trop loin de Paris, le musée semble « cannibalisé » par la programmation des institutions de la capitale et plafonne à 70 000 visiteurs, malgré une structure solide et une politique culturelle très ambitieuse lui faisant gagner huit places.

Les beaux-arts brillent en région
Ce palmarès 2013 souligne la très bonne vitalité des musées de beaux-arts des capitales régionales : Grenoble, Blois, Orléans, Dijon font partie des dix premiers du classement et sont au coude à coude. Si Blois (6e au classement) se singularise par une large proportion de touristes (38 %) attirés par l’architecture de son château, le musée se classe parmi les plus rentables, avec des recettes commerciales culminant à 2,3 millions d’euros. Le Musée de Grenoble se classe 4e, une bonne position due en partie grâce à la qualité de ses collections, de son personnel et de ses infrastructures, mais aussi à des expositions temporaires choisies (« seulement » trois en 2012), coproduites avec des institutions nationales et internationales. À Rouen, le Musée des beaux-arts (9e au classement) a vu sa fréquentation se stabiliser autour de 100 000 visiteurs. L’édition 2013 du Festival Normandie Impressionniste devrait doper l’institution dans le prochain palmarès. Le Musée Toulouse-Lautrec d’Albi grimpe dans le classement : à la faveur de sa réouverture en juillet dernier, l’institution se place 11e et gagne 30 places au classement général. En revanche, le Musée Granet à Aix-en-Provence descend dans le classement : si l’année 2011 avait été marquée par le succès de l’exposition de la Collection Planque, la fréquentation et les recettes commerciales adossées se sont stabilisées. Le musée reste cependant très actif sur le plan de l’enrichissement de ses collections : la valeur totale de ses acquisitions est estimée à près de 800 000 euros ; dont 300 000 euros pour un ensemble de gravures et de peintures de Cézanne. Parmi les vingt premiers de ce classement, seul figure un musée de société : Le Compa, Conservatoire de l’agriculture à Chartres qui retrace l’histoire de l’agriculture et de sa mécanisation, de 1820 à 1970. En 2012, le musée a bénéficié du transfert des collections de deux autres institutions de l’histoire agricole, les Ruralies près de Niort et Agropolis-Museum à Montpellier, fermées respectivement depuis 2008 et 2010. Preuve que ce type de musée suscite encore l’intérêt, Le Compa attire 50 000 visiteurs pour une ville de 40 000 habitants.

La Piscine sur la première marche du podium

Le Musée d’art et d’industrie André Diligent-La Piscine arrive en tête de ce palmarès, un résultat mérité au regard du dynamisme et du professionnalisme d’une institution exigeante qui a fêté ses dix ans en 2011. Il est vrai que le musée affiche des résultats exemplaires et homogènes dans tous les domaines. Sur le plan de la fréquentation, avec près de 250 000 visiteurs en 2012 ( 20 % par rapport à 2011), le musée a fait le plein cette année, récompensant douze expositions temporaires dont les très remarquées « Picasso à l’œuvre. Dans l’objectif de Douglas David Duncan » (75 000 visiteurs) et « Marc Chagall. L’épaisseur des rêves » (un record pour le musée, avec 103 000 visiteurs). À la tête d’une équipe scientifique non négligeable (9 conservateurs tout de même), le directeur Bruno Gaudichon mène une programmation culturelle variée pour tous les publics et une politique de mécénat volontariste. Avec une grille tarifaire équilibrée et un ancrage fort sur le territoire de la métropole lilloise, c’est un pari gagnant sur le plan financier, puisque La Piscine affiche une progression presque insolente de ses recettes commerciales de plus de 30 % par rapport à l’année précédente (950 000 euros) : une bonne nouvelle pour la municipalité, qui engage une subvention annuelle d’environ 3,5 millions d’euros dans l’établissement. La Piscine placerait Roubaix en 7e position d’un classement général virtuel, derrière les grands musées parisiens : de quoi redorer l’image de la ville dans le domaine culturel. F.G.

Récolement : échéance 2014

Le premier récolement décennal des collections publiques doit être achevé le 12 juin 2014. Si certaines institutions font figures de bons élèves, à l’image de La Piscine de Roubaix (90 %) ou du Musée Picasso d’Antibes (80 %), d’autres sont encore loin du compte, comme le LaM (environ 10 %) ou le Musée de Grenoble (20 %). Le récolement obligatoire passe bien souvent derrière des missions jugées plus urgentes, comme l’organisation d’expositions ou la politique des publics. Le récolement nécessite personnels, outils informatiques et matériels adéquats : un investissement humain et financier que ne facilitent pas des budgets serrés. La fermeture pour travaux de certains musées a été l’occasion d’accélérer l’inventaire des collections, comme au Musée Toulouse-Lautrec à Albi (80 %). Pour les musées retardataires, aucune sanction n’est prévue à ce jour. Mais l’attribution de subventions futures pourrait être liée à l’état d’avancement du récolement d’une institution : une manière de récompenser les musées qui auront su bien gérer et documenter leurs collections. F.G.

La fidélisation des jeunes en ligne de mire

Sur les 120 musées du classement des villes moyennes, seulement 27 ne possèdent pas de salle dédiée au jeune public dotée d’une animation spécifique : cette donnée à elle seule illustre l’importance accordée par les institutions à cette frange de visiteurs, de la petite enfance à l’adolescence. Dans le cadre familial ou scolaire, l’offre est pléthorique pour ce public en herbe. Ateliers, visites, parcours dédiés sont maintenant obligatoires. D’autant plus que l’histoire des arts fait dorénavant partie du cursus scolaire général. L’un des principaux enjeux des musées est devenu la fidélisation du public adolescent et « adulescent ». Certains font ainsi le choix de la gratuité des expositions (y compris temporaires) aux moins de 26 ans, comme le Musée des beaux-arts de Rouen, mais plus nombreux sont ceux qui limitent cette gratuité aux collections permanentes. La multiplication des écrans interactifs, des applications sur Smartphone (rares dans ce classement, car en concurrence avec les audioguides plus rentables) et la présence croissante des musées sur les réseaux sociaux sont symptomatiques des efforts fournis par les musées pour susciter l’intérêt de cette tranche d’âge. F.G.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Les villes moyennes et « leurs » musées

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