Les plus belles enchères 2010

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2011 - 1215 mots

Signe d’une reprise globale, le marché mondial de l’art a été auréolé de prix records et d’enchères historiques dans de nombreuses spécialités l’année dernière.

Antiquités
Estimé 2 à 3 millions de dollars, un buste romain représentant Antinoüs, favori de l’empereur Hadrien, s’est envolé à 23,8 millions de dollars (17,9 millions d’euros). Malgré quelques lacunes (cassure au niveau du nez et une épaule fragmentée), l’œuvre sculptée dans un marbre de haute qualité est d’une grande beauté. Et d’une rareté insigne : excepté des portraits sur des pièces de monnaie, il s’agit de la seule représentation classique connue du jeune homme déifié qui soit identifiée par une inscription. Elle provenait de la prestigieuse collection Clarence Day, grand collectionneur d’antiquités récemment décédé. C’est le troisième plus haut prix pour un objet d’antiquité aux enchères, derrière un groupe gréco-romain en bronze représentant la déesse Artémis et le Cerf, adjugé 28,6 millions de dollars, le 7 juin 2007 chez Sotheby’s, à New York. Sur la plus haute marche du podium trône la Lionne de Guennol, chef-d’œuvre mésopotamien vendu 57,1 millions de dollars, le 5 décembre 2007 toujours chez Sotheby’s, à New York.

Art moderne
Au sommet du palmarès 2010, un tableau de Pablo Picasso, emporté pour 106,5 millions de dollars (80,5 millions d’euros) par un acquéreur anonyme, a établi un record pour une œuvre d’art en vente publique. L’huile sur toile Nu au plateau de sculpteur, exécutée en 1932, représente la muse et maîtresse de l’artiste, Marie-Thérèse Walter. Le collectionneur américain Sidney Brody l’avait achetée en 1950 au marchand Paul Rosenberg pour 17 000 dollars. L’œuvre était d’une grande fraîcheur sur le marché : en soixante ans, elle n’avait été exposée qu’une seule fois en public, en 1961. Elle a détrôné le précédent record enregistré trois mois plus tôt pour L’Homme qui marche I (1961), sculpture de 183 cm fondue à 10 exemplaires par Alberto Giacometti et vendue 65 millions de livres sterling (74,2 millions d’euros) le 3 février chez Sotheby’s, à Londres.

Arts d’Asie
C’est hors du circuit des grandes maisons de ventes traditionnelles que s’est vendu l’objet d’art asiatique le plus cher en 2010. Les particuliers, qui détiennent de la vaisselle chinoise par héritage, n’ont pas idée de la valeur de leurs biens qu’ils considèrent souvent comme de la jolie brocante. C’est ainsi qu’un vase impérial chinois de 40,5 cm, de marque Qianlong, datant du XVIIIe siècle (vers 1740), s’est retrouvé vedette d’une vacation dirigée par la petite maison de ventes anglaise Bainbridges. En moins de trois minutes, la porcelaine a été emportée par un des Chinois présents dans la salle aux allures de hangar pour 51,6 millions de livres sterling (60,1 millions d’euros), soit cinquante fois son estimation. Ce prix est également un record pour une céramique en vente publique et le 9e prix pour une œuvre d’art aux enchères.

Meuble français XVIIIe
Le record pour un meuble français XVIIIe a été réalisé par Europ Auction, maison de ventes française qui n’a que deux ans d’existence. Pour cela, il a fallu que celle-ci déniche les œuvres au sein même des collections européennes les plus prestigieuses, soit à Genève. Et qu’elle organise la vente sur place. Une paire de cabinets en marqueterie Boulle par Levasseur a été adjugée 1,9 million de francs suisses (1,4 million d’euros). Cette paire provenait probablement d’une série de quatre meubles, commandée par le marquis de Laborde, banquier de Louis XVI, pour le château de Méréville (Essonne), et inventoriée en 1796 dans le « Petit salon d’hiver ». En mobilier ancien européen, Sotheby’s a vendu une paire de commodes napolitaines du XVIIIe siècle 1,6 million de livres sterling (1,9 million d’euros), le 6 juillet 2010 à Londres.

Art d’après-guerre et contemporain 
Il faut aller chercher du côté de Phillips de Pury & Company pour découvrir la meilleure enchère 2010 en art d’après-guerre et contemporain. Offert dans la vente new-yorkaise « Carte blanche » orchestrée par le courtier Philippe Ségalot à l’invitation de l’auctioneer, le tableau Men in Her Life (1962) d’Andy Warhol, portrait de l’actrice Elizabeth Taylor entourée de ses maris, est parti à 63,4 millions de dollars (45,1 millions d’euros). Estimé 40 à 50 millions de dollars, il provenait de la famille Mugrabi. Il a atteint le deuxième meilleur prix pour le maître du pop art, derrière Green Car Crash (Green Burning Car I) (1963) adjugé 71,7 millions de dollars, le 16 mai 2007 chez Christie’s, à New York. D’aucuns pensent que le Warhol de la vente Phillips de Pury & Company, certes inédit sur le marché mais pas vraiment qualifié de chef-d’œuvre par les spécialistes, a été surpayé. En conseillant à la fois les enchérisseurs tout en défendant ses vendeurs, Ségalot aurait donné ouvertement dans le conflit d’intérêt.

Et aussi… 
Notons un siège à cariatide Luba du Congo, réalisé par le « maître de Buli », collecté par Harry Bombeeck en 1896 et vendu 5,4 millions d’euros, le 30 novembre chez Sotheby’s, à Paris. Ce chef-d’œuvre africain constitue la deuxième plus haute enchère mondiale pour les arts premiers, après le record du masque Fang de la collection Vérité, adjugé 5,9 millions d’euros le 17 juin 2006, à Drouot (SVV Enchères Rive Gauche). La place parisienne a aussi brillé chez Christie’s où un prix record pour une photographie de Richard Avedon a été enregistré : Dovima avec les éléphants, robe du soir Dior, Cirque d’hiver, Paris, août 1955, monumental (216 x 166 cm) et unique tirage réalisé en 1978 pour l’exposition rétrospective du photographe américain sur la mode au Metropolitan Museum of Art de New York, a été emporté par la maison de couture Christian Dior pour 841 000 euros. C’est la plus haute enchère de l’année pour la photographie et aussi un record pour une photo vendue aux enchères en France (lire p. 22).
William Turner a dominé l’actualité de la peinture ancienne en 2010. Le 7 juillet à Londres, chez Sotheby’s, le tableau Modern Rome – Campo Vaccino (1839) s’est envolé à 29,7 millions de livres sterling (35,8 millions d’euros), un record pour le peintre anglais. La toile a été acquise par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles. Le 7 décembre à Londres, un exemplaire de la première édition en quatre volumes des Oiseaux d’Amérique (1827-1838), œuvre majeure de Jean-Jacques Audubon enrichie de 435 gravures en couleurs, a culminé à 7,3 millions de livres sterling (8,6 millions d’euros), établissant un record pour un livre imprimé en vente publique. Le précieux ouvrage a été acheté par le marchand londonien Michael Tollemache. La place de Genève a été remarquée, l’an passé, pour la joaillerie, avec une bague ornée d’un exceptionnel diamant rose « Fancy Intense Pink » de 24,78 carats, de taille « émeraude » et d’une très grande pureté, présentée le 16 novembre chez Sotheby’s. La pièce a été adjugée au joaillier anglais Laurence Graff pour 45,4 millions de francs suisses (33,9 millions d’euros), soit un double record pour un diamant et pour un bijou aux enchères. Enfin, pour l’Art déco et le design, signalons les 2 millions de dollars (1,5 million d’euros) d’enchère (la plus haute de l’année dans cette spécialité) pour un fauteuil aux poissons en bronze patiné d’Armand Albert Rateau, provenant de la collection DeLorenzo dispersée le 14 décembre à New York, chez Christie’s. C’est loin d’être un record. Mais apparemment, ce n’était pas l’année des records pour l’Art déco.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : Les plus belles enchères 2010

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