États-Unis - Prix

Les nouveaux habits du Musée Guggenheim

Matthew Barney, lauréat du Hugo Boss Prize

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1997 - 742 mots

Le directeur du Guggenheim, Tom Krens, mène une politique très ambitieuse de recherche de fonds pour financer ses musées. Il a conclu un partenariat sur cinq ans avec le fabricant de prêt-à-porter masculin Hugo Boss. Matthew Barney est le lauréat du premier Hugo Boss Prize, doté de 50 000 dollars (265 000 francs).

NEW YORK - Le dynamisme et la politique expansionniste de Tom Krens, le directeur du Musée Guggenheim, embarrassent les musées américains, jaloux de ses succès ou critiques à l’égard d’un comportement jugé trop "businessman". Pour gérer le célèbre bâtiment uptown construit par Frank Lloyd Wright, pour financer l’extension du musée à SoHo, l’ouverture prochaine d’un nouveau Guggenheim à Bilbao, voire le rachat du bâtiment de l’American Center à Paris, Krens multiplie les rencontres et les accords financiers. Ainsi, au Guggenheim de SoHo, après avoir baptisé une aile Deutsche Telekom, il vient d’ouvrir une "Hugo Boss Gallery" et de décerner un premier prix d’art contemporain, organisé conjointement avec le fabricant allemand de prêt-à-porter masculin.
Hugo Boss et le Guggenheim ont conclu un accord original sur cinq ans, mais Peter Littmann, président et administrateur général d’Hugo Boss AG, refuse de révéler la somme versée chaque année. Ce montant est affecté au prix, au soutien d’expositions (Ross Bleckner, Georg Baselitz, Ellsworth Kelly, "Afrique, l’art d’un continent"…), à celui du programme éducatif, à des conférences pour les clients et le personnel de la firme. "Nous étudions actuellement la possibilité d’apporter un financement à L’art en France du début du siècle à nos jours, que le Centre Pompidou et le Guggenheim organiseront en septembre 1998 à New York", confie-t-il (lire page 19).
"Par son ampleur autant que par l’engagement réciproque des deux partenaires, cette collaboration va bien au-delà de toutes les formes de partenariat qu’a pu déjà connaître le musée", se félicite Tom Krens.

"Le Guggenheim, en étant le premier musée vraiment international, avec ses extensions en Italie, en Espagne, est pour nous le partenaire idéal", reconnaît Peter Littmann, qui attend des retombées en terme d’image pour son entreprise. "En outre, pour nous, le mécénat implique un partenariat étroit, de qualité, à long terme, où les deux partenaires s’engagent à se satisfaire mutuellement. Je crois que les directeurs de musées européens – j’avoue que je connais surtout les Allemands – ont une attitude différente des Américains. Ils sont plus préoccupés d’art et d’histoire de l’art que de gestion et ne ressentent pas ce besoin de partenariat. Thomas Krens est spécialiste de l’art du XXe siècle, mais il sait gérer un musée, se sent responsable pour attirer des fonds additionnels et comprend qu’il faut motiver son partenaire. Il est vrai que la situation américaine est différente de l’européenne, où les musées sont largement financés par des fonds publics. Mais nous évoluons vers une situation américaine puisque, partout, la dépense publique a tendance à se réduire. Le monde des affaires pourrait pallier ce désengagement mais il faut le motiver ; si un directeur de musée pense que c’est, en quelque sorte, de l’argent sale, il ne réussira jamais. En Allemagne, les musées se plaignent d’un manque de ressources mais ils ne font rien. Si on leur propose un partenariat, ils le refusent".

Compétition internationale
Calqué sur le Turner Prize, mais ouvert à des artistes du monde entier, le Hugo Boss Prize a été décerné par un jury comprenant notamment Marie-Claude Beaud, ancien directeur de la Fondation Cartier et de l’éphémère American Center à Paris, le collectionneur Dakis Joannou… Le jury avait retenu une "short list" où, outre le lauréat Matthew Barney, figuraient Laurie Anderson, Janine Antoni, Cai Guo Qiang, Stan Douglas et Yasumasa Morimura. Leurs œuvres sont exposées jusqu’au 19 janvier au Guggenheim de SoHo.

Né à San Francisco en 1967, Matthew Barney a déjà bénéficié d’une rétrospective qui a été présentée en mars au Capc de Bordeaux (lire le JdA n° 23, mars 1996), signe de sa rapide reconnaissance par le monde artistique international. Son travail mêle performance, photographie, sculpture, dessin, film et vidéo. Après avoir eu comme référence omniprésente l’exploit athlétique, en particulier pour sa capacité à hypertrophier les corps et à dégager une énergie, Barney s’est inscrit dans les préoccupations de nombre de ses contemporains, comme l’indifférenciation sexuelle. Deux vidéos, Cremaster 4 (1994-95) et Cremaster 1 (1995), livrent son univers énigmatique, peuplé de créatures mythologiques, d’architecture fantastique, de héros de football, de pilotes de motos, de transsexuels ou de satyres.

Le prochain Hugo Boss Prize sera décerné en 1998 par un autre jury.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Les nouveaux habits du Musée Guggenheim

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