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LIEUX DE VIE (ET DE CULTURE)

Les gares, des lieux d’exposition de plus en plus courus

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2019 - 993 mots

Qui l’eût cru ! Les gares SNCF sont aujourd’hui les premiers organisateurs d’expositions par le nombre de manifestations (près d’une centaine) et par leur « fréquentation », 1 million de « visiteurs » par jour, soit autant que le Louvre en un an. Les œuvres prennent généralement la forme de photographies grand format.

Gare Grenoble exposition Rembrandt © Photo David Paquin
Exposition « Rembrandt » d’après le fond Glénat à la gare de Grenoble.
© Photo David Paquin, 2019.

France. À la gare du Nord, Toutânkhamon fait son effet. Les trésors du pharaon actuellement à l’affiche de la Grande Halle de la Villette s’y exposent en photographies grand format. Des images tirées de la programmation des Rencontres de la photographie d’Arles proposée en gare de Paris, Lyon, Marseille, Arles, Avignon TGV, Montpellier et Nîmes ne passent pas non plus inaperçues. Gares & Connexions, organisateur de ces accrochages, est devenu aujourd’hui un interlocuteur très recherché par les festivals, musées et autres institutions culturelles et artistiques. Depuis le début de l’année, ce sont environ 80 expositions qui ont été organisées dans les gares à Paris et en régions. Fin 2019, leur nombre devrait atteindre la centaine.

Un intérêt croissant

Ces expositions se présentent toujours sous une forme photographique ; des images, non originales, qui trouvent leur place sur les façades tant intérieures qu’extérieures des gares, ou sur les bâches avant travaux.

La durée de ces expositions n’excède désormais plus soixante jours. « La demande est telle que nous ne pouvons les laisser plus longtemps », explique Sylvain Bailly, directeur des affaires culturelles de Gares & Connexions. Il y a dix ans, la question ne se posait pas. En 2009, année de la création de cette branche de la SNCF chargée des gares voyageurs, on ne comptait que deux annonceurs : les Rencontres d’Arles et le festival de musique Fiesta des Suds. Les festivals, en particulier photographiques, ont été les premiers, avec le MuCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) puis « Marseille-Provence 2013 » et les Frac (Fonds régionaux d’art contemporain) pour leurs 30 ans, à marquer de l’intérêt pour ces opérations.

Au départ indifférentes voire réservées vis-à-vis de ces opérations, les institutions culturelles et artistiques ont progressivement changé d’attitude. Depuis, le tempo s’accélère. Ce n’est plus Sylvain Bailly qui sollicite, on l’appelle. Les gares, lieu populaire par essence, apparaissent désormais comme un formidable moyen d’aller à la rencontre des publics. Plus de 10 millions de voyageurs y circulent chaque jour. Autrement dit, autant en un jour qu’en un an au Louvre. La gare du Nord, première gare d’Europe, enregistre à elle seule 750 000 voyageurs par jour, la gare Saint-Lazare, 550 000. Des chiffres qui atteignent à l’année en régions plus de 19 millions à Strasbourg et 16 millions à Marseille. Une audience à faire rêver plus d’un musée…

Les institutions partenaires, depuis trois ou quatre ans, concernent tous les arts ; parmi celles-ci, le Centre Pompidou, la Fiac (Foire internationale d’art contemporain), le Théâtre du Rond-Point à Paris, le Centre national de la danse à Pantin, le Festival de la BD d’Angoulême, les musées de beaux-arts de Lille et Bordeaux ou le Musée de l’ancien évêché et la Fondation Glénat à Grenoble. Gallimard a fêté la parution du dernier livre d’Harry Potter avec Gares & Connexions, de même que Casterman, les 50 ans de Corto Maltese. Des partenariats viennent d’être signés avec le Quai Branly, le MoCo à Montpellier, le Club de la Presse, le théâtre du Centaure à Marseille et l’Institut national de recherches archéologiques préventives.

Gare Avignon exposition collection Lambert © Photo David Paquin
Exposition de la Collection Lambert à la gare TGV d’Avignon.
© Photo David Paquin, 2019.


Les projets peuvent être ponctuels ou réguliers comme pour le Salon Paris Photo ou le Jeu de paume ; ils peuvent annoncer l’ouverture d’un lieu (la Fondation Carmignac à Porquerolles), évoquer une collection (Paris Musées). Ils peuvent être présentés dans une ou plusieurs gares : « Il y a des expositions parisiennes que l’on présente parfois dans des gares de province, et inversement, des propositions culturelles de province qui sont exposées dans une des grandes gares parisiennes, souligne Sylvain Baily. Mais ce qui m’importe, c’est que l’on soit présent sur l’ensemble du territoire national pour porter les institutions qui font vivre les régions ».

Le nombre de gares pouvant accueillir de tels accrochages s’élève aujourd’hui à 100, avec une couverture régionale qui s’est améliorée. Il ne devrait pas excéder 200 sur les 3 000 que compte le réseau.

Une « prise de parole culturelle »

Le ministère de la Culture a pris contact en juin avec Sylvain Bailly pour l’organisation d’une série d’expositions sur les 60 ans du ministère que la Rue de Valois aurait bien aimé faire coïncider avec la période estivale. « Notre but, ce n’est pas de mettre notre logo ni de monter une exposition en trois jours, mais de faire vivre aux gens une émotion. À aucun moment il ne s’agit d’un achat publicitaire ou d’une campagne de communication. Nous nous positionnons comme un opérateur culturel. On ne fait pas davantage de mécénat ou de sponsoring. Quand on met 1 euro, les partenaires en mettent 2 à 3. » Les institutions viennent souvent avec des idées et repartent avec d’autres. « On ne met pas à leur disposition un espace pour en faire ce qu’elles veulent. Nous gérons toutes les prises de parole culturelle en gare, par cohérence et parce que nous avons une expérience des contraintes liées à cet espace public si particulier. »

Coût d’une exposition conçue par les services de Gares & Connexions : 10 000 euros en moyenne. Pour certains festivals ou institutions au petit budget, le tarif est moindre, que ce soit à Paris ou ailleurs. « Nous sommes là aussi pour défendre des projets qui ont besoin d’entreprises comme la nôtre pour les soutenir », revendique Sylvain Bailly.

Les commandes spécifiques de Gares & Connexions tendent aussi à s’étoffer. Ainsi, sont présentées jusqu’au 15 septembre en gare de Strasbourg, les sérigraphies et collages de douze femmes syriennes sur leur quotidien de réfugiées en Turquie, une exposition coproduite avec le Programme alimentaire mondial de l’ONU et l’Union européenne. La liste des expositions monographiques d’artistes ne cesse quant à elle de s’allonger, d’Enki Bilal dans le cadre du Printemps des poètes au photographe Marc Lathuillière ou au plasticien Richard Texier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°527 du 5 juillet 2019, avec le titre suivant : Les gares, des lieux d’exposition de plus en plus courus

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