Les amis de mes amis

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2008 - 1018 mots

Banques et compagnies d’assurance associent leur image aux salons
- Analyse d’une stratégie marketing.

Il est des stands sur les foires qui apparaissent comme décalés à côté des expositions de meubles, de tableaux ou d’objets d’art : ceux des partenaires financiers. Difficile pourtant de les éviter tant le sponsoring des foires s’impose en outil marketing pour les banques ou les compagnies d’assurance.
Les entreprises soutiennent généralement une foire pour se créer ou conforter une image. « Nous avons comme base de clientèle des entrepreneurs, et nous cherchions quelque chose de dynamique, différent de ce que faisaient nos concurrents dans l’art contemporain et la musique. Nous avons constaté que beaucoup de nos clients s’orientaient vers le design », précise Tony Joyce, responsable de la communication et du marketing de HSBC Private Bank Monde. Du coup, outre Design Miami à Bâle et en Floride, cette banque parraine aussi le Pavillon des arts et du design, à Paris, (à hauteur de 15 % du budget du salon), autant d’événements qui représentent entre 10 et 20 % de son budget marketing mondial. De son côté, la Deutsche Bank, réputée pour sa collection, s’est fixée depuis quatre ans sur Frieze Art Fair, à Londres, pour rester en adéquation avec son image « art contemporain ». Refusant toute publicité traditionnelle, la compagnie d’assurance Axa Art a choisi les salons comme seuls supports de communication. De fait, le sponsoring de la Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC), additionné à la quote-part aux foires internationales, représente 40 % du budget en communication de sa branche française. « Il est important pour nous de communiquer de manière ciblée, car nous sommes sur une niche et non sur l’assurance de masse, explique Amélie Conté, chargée de communication d’Axa Art en France. Sur un salon, en cinq jours, on touche nos trois cibles : les musées, les marchands et les collectionneurs. On fait le point sur le besoin des courtiers et des amateurs. »

Retombées incalculables
Outre une valorisation de leur image, les foires servent généralement de plate-forme aux sponsors pour soigner et fidéliser leur audience. Environ 2 000 invités se rendent au preview aménagé pour les clients d’HSBC au Pavillon des arts et du design. Habituellement, les marchands savourent peu les nocturnes interminables liées à la privatisation du salon. « Voilà deux ans, on a eu seulement 300 personnes en milieu de semaine. Ça n’avait aucun intérêt, indique Patrick Perrin, organisateur du Pavillon des arts et du design. L’an dernier en revanche, il y a eu un vrai preview. Entre 20 et 25 % des exposants ont travaillé ce soir-là. Surtout, ils ont noué des contacts avec un réseau qu’ils ne connaissaient pas, des patrons de PME ou du CAC 40 qui travaillent beaucoup et ne sont pas mondains. »
Même si ces plateformes servent aussi à ferrer les prospects, objectif avoué de la Deutsche Bank, les retombées réelles sont difficilement mesurables. « Quand un client s’inscrit chez nous, il ne dit pas, « j’ai vu votre engagement sur Art Basel » », convient Rudolf Bürgin, porte-parole d’UBS. Suite au sponsoring de la FIAC en 2007, Axa Art a certes concrétisé une dizaine de contrats d’assurance. « Mais dans l’assurance, c’est long, il faut au moins six mois entre le premier contact et la signature », affirme Amélie Conté. Ce manque d’effets quantifiables freine la compagnie d’assurance Hiscox. Celle-ci refuse d’épauler les salons, préférant, en revanche, financer des expositions particulières au sein de ces manifestations. « Un sponsoring coûte très cher, jusqu’à quelques centaines de milliers d’euros, pour une visibilité finalement pas si grande, souligne Charles Dupplin, patron du département Fine Art et clients privés de Hiscox. Les gens se rappellent de quelques sponsors, comme UBS à Bâle, mais rarement des autres. Chubb, qui a longtemps été le sponsor principal de Maastricht, n’en a rien retiré. »

Vers les marchés émergents
Il est probable que les sponsors changent peu à peu leurs fusils d’épaule avec l’avènement de salons sur les marchés émergents. « C’est une suite inévitable car d’ici trois à cinq ans, on verra à Dubaï ou en Chine des foires comparables à celles qui existent à Miami ou Bâle, indique Tony Joyce. Mais si nous décidons de les sponsoriser, ce sera en plus et non au lieu de celles que nous soutenons actuellement. » Pour Amélie Conté, « il faut être présent dans les pays émergents, mais c’est un travail à mener avec les courtiers. Cela n’a pas d’intérêt d’être sur une foire, mais de ne pas être capable de rassurer les collectionneurs sur place. » Les fusions d’entreprise peuvent aussi changer la donne. L’achat d’ABN AMRO, par Fortis, sponsor du Salon du dessin et de Tefaf à Maastricht, conduira peut-être à remettre à plat sa politique de parrainage pour l’orienter davantage vers la photo, marque de fabrique d’ABN AMRO. Cette promiscuité avec le commerce de l’art conduit parfois à une diversification des services proposés par les banques. Depuis six mois, HSBC s’est associée en Angleterre et aux États-Unis à la société 1858 pour proposer un service de conseil en achat d’œuvres d’art ou de design. La création d’un tel département au sein de Fortis Private Banking est aussi à l’étude. Le sponsoring peut enfin influer sur les collections d’entreprises. Ainsi, Deutsche Bank organise-t-elle une de ses commissions d’achat sur Frieze, où elle a acquis depuis quatre ans une cinquantaine d’œuvres.
Reste une dernière inconnue : l’impact des secousses boursières sur le soutien des foires. Si HSBC et la Deutsche Bank semblent épargnées par le séisme, tel n’est pas le cas d’UBS, laquelle a accusé en 2007 une perte sèche de 4,4 milliards de francs suisses (2,78 milliards d’euros) dans la soufflante des subprimes. La question se pose d’autant plus que la banque suisse a récemment stoppé son soutien à l’orchestre de l’UBS Verbier Festival. « C’est très différent, nous avons arrêté, car nous avons d’autres projets. Pour ce qui de notre contrat avec Art Basel, il court jusqu’en 2010, indique Rudolf Bürgin. On ne compte pas baisser la subvention. Elle sera peut-être stable, peut-être augmentée. » Au pays du chocolat et de l’horlogerie, la prudence est de rigueur…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°278 du 28 mars 2008, avec le titre suivant : Les amis de mes amis

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