Le top du Pop passé en revue

À Beaubourg, une exposition sans surprise

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2001 - 1070 mots

Situant les « années pop » dans une décennie à cheval entre 1950 et 1960, l’exposition du Centre Georges-Pompidou tente à travers plus de 400 pièces de cerner une esthétique qui touche aussi bien les arts plastiques, l’architecture, le design que le cinéma. Desservi par quelques regroupements hasardeux, l’inventaire reste sans surprise mais donne matière à se ravir d’une époque indéniablement très à la mode.

“Le Pop Art est  : populaire, provisoire, remplaçable, à prix modique, produit en série, jeune (ciblé pour les jeunes), drôle, sexy, astucieux, spectaculaire et très rentable. Ce n’est qu’un début.” Vieille de près d’un demi-siècle, cette définition du Pop Art donnée en 1957 par Richard Hamilton constitue encore un redoutable plan marketing, une stratégie imparable pour envahir la planète d’une esthétique aussi cheap que chic. Ce caractère programmatique n’a pas échappé aux commissaires des “années pop” qui, en plaçant la citation à l’entrée de l’exposition, signalent l’aspect irréfutable de la chose : le “Pop” est partout ! Mais d’où est-il parti, de l’art ou de la rue ? Focalisées sur la période 1956-1968, une décennie élargie qui sépare grossièrement la sortie de la DS des barricades parisiennes, “Les années pop” ne fournissent pas de réponse précise, et en restent au stade de l’”esprit d’une époque”. Concrètement, c’est perdus dans une scénographie aussi courbe et touffue que la chevelure de Bob Dylan, qu’arts plastiques, cinéma, design, et architecture – mais aussi musique diffusée en continu –, sont juxtaposés de façon cloisonnée et chronologique.

La division concerne en premier lieu les arts plastiques, sagement introduits par des prémices internationaux où se côtoient Ach Alma Manetro (1949), composition d’affiches lacérées de Raymond Hains et Jacques Villeglé, ou Baby (1957), un collage d’Allan Kaprow. Suit la naissance “officielle” du Pop en Angleterre avec l’œuvre fondatrice d’Hamilton, Just what is it that makes our today’s homes so different, so appealing (1956), accompagné de celles de ses compatriotes : Paolozzi, Hockney ou Kitaj. Le prélude est conforme aux livres d’histoire, mais l’exposition se poursuit dans une volonté évidente de mettre sur un pied d’égalité les deux côtés de l’Atlantique. Si le Musée national d’art moderne ne le fait pas, qui le fera (lire notre encadré) ? Le découpage choisi entre les “nouveaux réalismes” pour les années 1950, et les “Pop’Arts” pour les années 1960 ne sert guère ce discours, tout juste brouille-t-il un peu plus les pistes. Il dissocie en fait une pratique qui “place au cœur de l’art l’objet réel, emprunté, et l’univers quotidien” à une deuxième phase signifiée par “son appartenance à la lame de fond pop qui bouleverse la culture, et au premier chef la culture populaire elle-même”, pour reprendre les termes employés dans le catalogue par Catherine Grenier, commissaire générale de l’exposition. La première partie appartient ainsi à Arman, César, Rauschenberg, avec son Odalisk, “Combine Painting” de 1955, ou encore à Larry Rivers et Jean Tinguely représentés par une œuvre à quatre mains : Turning friendships of America and France. Quant à la deuxième vague, elle porte aussi bien Warhol et Lichtenstein qu’Erró ou Hains. Tous ces travaux se retrouvent unis de façon plus que ténue par le recours à une iconographie mêlant publicité et bande dessinée. La toute-puissance des marques et héros américains y est criante, à l’exception de la “Vache qui rit”, recyclée par Bernard Rancillac dans son tiers-mondiste Sainte Mère la Vache (1996). La toile est d’ailleurs exposée dans la partie “rêve et contestation” amèrement reléguée à la fin de l’exposition.

Ces cimaises, parfois abusivement partagées par les quelque deux cents œuvres présentes, accueillent toutefois quelques très beaux ensembles, comme la reconstitution du Store d’Oldenburg, Party (1962), peinture sanglante et couturée de Gerhard Richter représentant le réalisme capitaliste allemand,  ou la série de Swingeing London 67 (1968-1969) de Richard Hamilton. Enfin, si l’évocation “toc” de la Factory d’Andy Warhol avec ses murs en aluminium ne convainc guère, elle ravit par la projection des films de ce dernier et par la présence des photographies diaphanes de Jack Smith (Tableaux vivants, 1960). Les films projetés dans des espaces séparés, comme A Movie (1958) de Bruce Conner ou sur des écrans, constituent d’ailleurs une invitation remarquée au cycle organisé parallèlement par le cinéma du Centre Georges-Pompidou.

Montrés à part en quelque deux cents documents, objets ou maquettes, ce sont indéniablement l’architecture et le design qui fournissent la partie la plus réussie de l’exposition. Ce succès est sûrement porté par l’effet de mode dont bénéficient les créations et projets de cette époque : d’”Architecture radicale”, présentée à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne (lire le JdA n° 119, 19 janvier 2001), à l’exposition actuelle des projets de Cedric Price au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’architecture utopiste d’Archigram ou de Superstudio retrouvent incontestablement une actualité. Cet engouement est logique pour une époque qui – à l’image de Stanley Kubrick dans 2001 : l’Odyssée de l’espace – avait tenté d’inventer notre troisième millénaire en le rêvant. “La science-fiction aide à anticiper les faits techniques les plus importants de ce siècle”, proclamait Andrea Branzi de l’agence Archizoom.

Connexions anglo-saxonnes

Beaucoup plus modeste que le Musée national d’art moderne, la Menil Foundation réunit à l’occasion de "Pop'Art U.S/U.K" une cinquantaine d’œuvres pour étudier plus avant le passage de témoin entre Pop anglais et Pop américain. Une histoire qui, pour David Brauer, le commissaire de la partie britannique, commence réellement en 1947 avec I Was a Rich Man’s Plaything d’Eduardo Paolozzi. Cette naissance prématurée s’expliquerait par l’exportation des modèles américains pendant la Seconde Guerre mondiale. "Tout comme les artistes britanniques, chaque artiste américain a délimité la zone qu’il souhaitait explorer dans le territoire de la culture populaire. C’est comme la Ruée vers l’or en Californie : chacun choisit une petite parcelle de culture populaire qu’il veut étudier. La différence d’approche vient du fait que les Américains étaient dans le magasin de jouets tandis que les non-Américains étaient dans la rue et pressaient leur nez contre la vitrine. Du vécu d’un côté, du conceptuel de l’autre, juge David Brauer.

Pop art U.S./U.K. Connections, 1956-1966, jusqu’au 13 mai, Menil Collection, Houston, tél. 1 713 525 9400, du mercredi au dimanche 11h-19h, www.menil.org

LES ANNÉES POP

jusqu’au 18 juin, Centre Georges-Pompidou, Galerie 1 – niveau 6, Paris, tlj sauf mardi, 11h-21h, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, cat., 360 F, ISBN 2-84426-081-0, cd audio d’une sélection de titres musicaux (éd. Cornflakes Zoo, 130 F), et également Les Années pop, un hors série de L’Œil, 35 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Le top du Pop passé en revue

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