Musée

Le temps dans les musées

L’horlogerie, de la mécanique à l’objet d’art

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 16 avril 1999 - 956 mots

TOULOUSE

Entre orfèvrerie et mécanique, l’horlogerie est largement présente dans les collections des grands musées français, mais son approche s’écarte rarement du domaine des objets d’art. Quelques musées, en Suisse et dans l’arc jurassien français, offrent un regard différent sur ces pièces.

La plupart des grands musées français exposent des pièces d’horlogerie. Au Louvre, une sélection d’horlogerie portative des XVIe et XVIIe siècles, provenant en partie du legs de l’horloger Paul Garnier, est présentée dans la salle nommée en son honneur. Pendules et cartels attribués à des noms prestigieux du XVIIe au XIXe siècle  – Cressent, Boulle... – se succèdent dans les différentes salles de l’aile Richelieu, le parcours s’achevant par une salle consacrée aux montres françaises et étrangères de la même période. Comme au Musée du Petit Palais, où la soixantaine de pièces finement orfèvrées ou émaillées témoignent de l’intérêt des grands collectionneurs pour ce type d’objets – Duthuit, par exemple –, l’horlogerie est avant tout considérée comme appartenant aux objets d’art. Ce qui explique sa présence dans les musées d’arts décoratifs. Celui de Lyon possède un bel ensemble de pendules du XVIIIe siècle, œuvres des plus grands ébénistes (Nicolas Petit), bronziers (Saint-Germain) et horlogers (Lepaute). Bordeaux met à l’honneur de très belles pièces d’horlogerie orfèvrées et émaillées du XVIIIe siècle.

Grâce à des legs, certains musées de province peuvent faire valoir des ensembles significatifs : à Toulouse, celui de Paul Dupuy en 1944, permet au musée éponyme de s’enorgueillir d’une très importante collection qui se déploie dans trois salles et comprend des montres Louis XV aux émaux peints d’après Greuze, Van Loo ou Boucher. À Évreux, le don de M. Lamy a fait entrer dans les collections du musée municipal une vingtaine d’horloge et une soixantaine de montres du XVIIe au XIXe siècle. Ici, les pièces d’horlogerie sont considérées comme des objets d’art au même titre que des pièces de joaillerie. Le Musée national de la Renaissance, à Écouen, semble faire exception à la règle en prenant le parti d’isoler les mécanismes horlogers pour les associer avec des objets technologiques dans sa salle de la Mesure de l’espace du temps, aménagée dans l’esprit d’un cabinet d’amateur du XVIe siècle.

Le cas des musées spécialisés dans l’horlogerie offre un regard différent sur cette discipline au croisement de l’orfèvrerie, de la mécanique et de l’histoire. Peu nombreux en France, les établissements de ce type semblent être une spécialité franc-comtoise et suisse, explicable par l’essor de l’horlogerie dans l’arc jurassien. Le savoir-faire des horlogers locaux est exploré et conservé au Musée de l’Horlogerie du Haut-Doubs à Morteau, qui prend place dans un château Renaissance. L’accent est mis sur le métier avec, entre autres, un ensemble de machines à graver des montres, une presse à découper du début du siècle et un atelier d’artisan horloger. Si une importante collection est rassemblée, la production locale ancienne et contemporaine est privilégiée. Plus généraliste, le Musée de la montre, à Villers-le-Lac, profite d’une ancienne manufacture de montres pour évoquer, à l’aide d’une collection fournie et d’une muséographie didactique, l’histoire de cet objet. La salle des Époques propose un panorama qui débute à la Renaissance pour s’achever au style Art Déco. D’autres salles abordent l’histoire de la montre-bracelet, la technique, les mécaniques de prestige et les montres électroniques.

Mais le pôle historique de l’horlogerie dans la région reste Besançon, dont l’histoire est liée à la Suisse depuis l’arrivée des premiers émigrants neuchâtelois, en 1793, et la création de la manufacture. C’est dans cette ville que doit rouvrir, au second trimestre 2000, le Musée du Temps, où se trouve “la montre la plus compliquée du monde” – réalisée par la firme Leroy en 1897, elle possède une trentaine de fonctions, comme l’indication de la position des étoiles dans les hémisphères nord et sud ! À cheval entre racines locales et propos universel, celui-ci se définirait selon sa conservatrice, Joëlle Mauerhau, comme un “musée d’histoire”, embrassant histoire technique, scientifique mais aussi sociale autour du temps, dans une muséographie qui reste encore à découvrir.

De l’autre côté de la frontière, en Suisse, les musées d’horlogerie sont très nombreux. Le château des Monts, par exemple, met en avant l’horlogerie neuchâteloise et possède un ensemble de pendules marquetées par Boulle, ainsi que des pendules suisses et françaises du XVIIe au XIXe siècle. Genève, capitale mondiale de la montre, n’est bien sûr pas en reste. Depuis son ouverture, en 1972, le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie a recueilli et enrichi les collections de la bibliothèque de l’Académie genevoise et de l’École d’horlogerie. Une vitrine du musée montre l’évolution de la montre de 1550 à nos jours, et illustre la richesse du musée. Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds possède lui aussi une collection imposante, constituée depuis la première moitié du XIXe siècle, qu’il complète, comme son homologue genevois, par des expositions d’envergure internationale.

A voir

- TEMPO REAL, 16 avril-15 novembre, Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, 15 route de Malagnou, Genève, tlj sauf mardi 10h-17h. Catalogue. Une évocation de la vie quotidienne du dernier couple royal portugais, Luis Ier (1838-1889) et Maria Pia de Savoie (1847-1911), à travers quatre-vingts objets d’horlogerie précieuse : horloges et pendules, montres de poche, montres de deuil, bijoux des XVIIIe et XIXe siècles. L’accent est également mis sur la personnalité des souverains. - SPLENDEURS DE L’ÉMAIL, MONTRES ET HORLOGES DU XVIe AU XXe SIÈCLE, 28 avril-26 septembre, Musée international d’horlogerie, 29 rue des Musées, La Chaux-de-Fonds, tlj sauf lundi 10h-12h et 14h-17h (avril-mai) ; 10-17h (juin-septembre). Démonstrations les 1er et 3e mercredis du mois, 14h-17h. Une sélection de pièces issues de collections suisses et françaises offre un aperçu historique de l’art de l’émail. Le parcours de l’exposition met en lumière l’aspect technique, et des démonstrations conduites par des émailleurs sont organisées.

Des musées à découvrir

À Bordeaux : Musée des arts décoratifs, 39 rue Bouffard, 33000 Bordeaux, tlj sauf mardi et jf 14h-18h. À Évreux : Musée municipal, rue Charles-Corbeau, 27000 Évreux, tlj sauf lundi 10h-18h. À Toulouse : Musée Paul Dupuy, 13 rue de la Pleau, 31000 Toulouse, tlj sauf mardi et jf 10h-17h. À Morteau : Musée d’horlogerie du Haut-Doubs, château Pertusier, 1 rue de la Glappiney, 25500 Morteau, du lundi au vendredi 14h-18h. À Villers-le-Lac : Musée de la montre, 5 rue Pierre Bergot, 25130 Villers-le-Lac, tlj sauf mardi 14h-18h ; 10h-12h et 14h-18h (juin-septembre). Un aperçu du musée est visible sur Internet : montres.fc-net.fr En Suisse : Musée d’horlogerie, château des Monts, Le Locle, tlj sauf lundi 14h-17h (novembre-avril) ; 10h-17h (mai-octobre).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : Le temps dans les musées

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