Le Paris Shanghai de Jean-Luc Monterosso

L'ŒIL

Le 1 avril 2005 - 748 mots

Dans le cadre de l’Année de la France en Chine, Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison européenne de la photographie et Sophie Schmit, critique d’art, ont été choisis par Alcatel comme commissaires d’une vaste exposition qui retrace les cinquante dernières années de la photographie française au musée des Beaux-Arts de Shanghai. Rencontre avec Jean-Luc Monterosso avant son départ pour la ville du « Lotus bleu ».

 Comment avez-vous organisé le choix des artistes pour l’exposition « Paris à Shanghai » ?
Avec Sophie Schmit nous avons découpé la période des cinquante dernières années en trois générations. Cette coupure n’a pas été faite pour des raisons pédagogiques, mais parce qu’il nous semble que cela correspond à la réalité. Les photographes français des années 1950-1960 sont issus du photojournalisme et sont souvent des photographes humanistes avec la rupture que représentent en France William Klein et aux États-Unis Robert Frank qui annoncent la photographie contemporaine. Dans les années 1980, on assiste à l’émergence d’une deuxième génération de photographes qui rompent assez radicalement avec leurs prédécesseurs grâce aux nouvelles techniques : le grand format, les progrès de la couleur. Certains vont travailler pour les musées. Ils ne s’intéressent plus simplement à l’enregistrement du réel, mais ils le mettent en scène, ils le théâtralisent. On peut citer ici Georges Rousse, Patrick Tosani, Pierre et Gilles, Bernard Faucon.

Et la dernière génération ?
Dans les années 2000, les photographes plasticiens cèdent la place à des artistes qui utilisent toutes les technologies y compris l’ordinateur et le numérique. On pourrait peut-être les regrouper autour du thème de l’intime. Avec la mondialisation, la sphère personnelle se rétrécit et ces photographes ont tendance à travailler essentiellement sur le problème de l’identité. Je pense aux interrogations de Valérie Belin sur les sosies de Michael Jackson ; au vidéaste Martial Cherrier, champion de body-building qui travaille son corps comme une sculpture ; aux performances de Philippe Ramette ; au travail des vidéastes Franck Scurti, Bertrand Gadenne, Franck David… Voilà rapidement résumée cette présentation de la photographie en trois générations, trois étapes, trois tendances. Il est certain que ces courants se croisent, se mêlent, divergent parfois.

Vous faites à Shanghai une grande place aux « classiques ».
Quand vous dites « classiques », vous ne parlez que de la première et de la deuxième génération de photographes exposés. Les directeurs du musée des Beaux-Arts de Shanghai nous ont demandé des œuvres originales, des vintages de Cartier-Bresson, de Doisneau, de William Klein parce qu’ils n’en ont jamais vus. Il ne s’agit pas pour nous de montrer les avant-gardes. Le musée, c’est fait pour suivre un artiste. Son rôle n’est pas de révéler mais d’élever. Nous avons un rôle de pédiatre, pas d’accoucheur ! Mais pour le public chinois, l’exposition sera vraisemblablement une découverte. Nous sommes dans la continuité des rencontres photographiques de Pingyao et de Canton car je pense que la Chine s’éveille aussi à la photographie. La première et la deuxième génération restent encore marquées par un profond enracinement dans la culture française (je pense aux œuvres d’Alain Fleischer ou de Bettina Rheims), mais la dernière génération, à cause de la mondialisation, d’internet, laisse apparaître peu de différences entre un artiste chinois et un artiste français. Au fond, tous ces photographes se posent les mêmes questions face au clonage généralisé et à l’apparition de cet univers virtuel qui nous menace. C’est un double de notre monde qui est en train de se créer et les artistes essaient de trouver des réponses ou des parades avec parfois beaucoup d’humour, de fantaisie.

Si, pour vous, la Chine devait se résumer à une photo ou à l’œuvre d’un photographe, à qui penseriez-vous ?
Je vais peut-être vous surprendre. Celui qui, à mon avis, a le mieux compris la Chine traditionnelle et celle qui est en train de bouger c’est Marc Riboud.

Comment Alcatel vous a aidés ?
Alcatel nous a laissé la plus grande liberté dans le choix, dans l’organisation de l’exposition, ce qui est assez rare pour être souligné. Leur notoriété et leur présence à Shanghai ont beaucoup facilité la mise en place de l’exposition et le contact avec le musée des Beaux-Arts.

Pensez-vous que les Chinois peuvent tous voler comme dans Tigre et Dragon ?
Je ne connais pas assez bien la Chine pour vous répondre ! Je suis impressionné par Shanghai parce qu’on y sent une grande créativité. C’est le New York de demain ! On y trouve une espèce de frénésie et de vie qui vous galvanise. C’est peut-être aussi l’effet de l’exotisme.

« Paris à Shanghai, trois générations de photographes français », SHANGHAI, musée des Beaux-Arts, avec le parrainage d’Alcatel, 17 mars-17 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°568 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Le Paris Shanghai de Jean-Luc Monterosso

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