Le nec plus... ultra contemporain

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 25 septembre 2008 - 938 mots

La Cour Carrée promet cette année de belles rencontres et autant de découvertes : Tania Moureau, Jonathan Delachaux... Mais le grand Palais n’est pas en reste avec les frères Chapman, etc.

En décidant voilà deux ans de quitter la Porte de Versailles pour retrouver la vaste nef du Grand Palais et se dédoubler Cour Carrée du Louvre, la Fiac visait à redorer son image de marque aux yeux du monde de l’art international, des galeries et des collectionneurs étrangers notamment.
« La France est le pays du luxe et la Fiac se doit d’en être l’un de ses plus brillants représentants », se défendaient alors les responsables de la foire. Ce faisant, si celle-ci allait retrouver quelque peu ses couleurs, le partage entre les deux lieux devait creuser l’écart entre un art contemporain déjà repéré, au Grand Palais, et un art contemporain davantage émergent, Cour Carrée du Louvre. À quelques exceptions près, le cru 2008 en est une nouvelle démonstration.

Revue de quelques-unes des troupes présentes au Louvre
Avec son goût pour l’installation et une programmation qui interpelle par son engagement, il est difficile d’échapper au stand de la galerie La B.A.N.K. (Cour Carrée). Ainsi du solo-show de la jeune Égyptienne Amal Kenawy qu’elle propose cette année. Conçu sous la forme d’une installation performative qui débute par une performance le jour même du vernissage, le stand de La B.A.N.K. mêle vidéo, sculptures et photos, le tout organisant un espace dans lequel l’artiste questionne son identité vis-à-vis du monde autour d’elle. Une découverte.
Il en est de même d’un autre artiste, un jeune Suisse celui-là, Jonathan Delachaux, vu à Paris au printemps dernier à la New Galerie de France (Cour Carrée), représenté sur son stand à la Fiac mais encore plus avantageusement en solo-show par sa galerie de Zurich, Haas & Fischer (Cour Carrée). Peintre, Delachaux a créé trois personnages, trois pantins dont il a imaginé la biographie, dont il a sculpté les figures et qu’il ne cesse de mettre en jeu dans de troublantes saynètes dont les photos lui servent de modèles. Ce qui fait la singularité de sa démarche, c’est que Jonathan Delachaux peint sur film plastique avant transfert sur toile, c’est-à-dire « à l’envers ». Une œuvre totalement inouïe promise à un bel avenir.
Autre exposition personnelle à ne pas manquer, celle de Tania Mouraud sur le stand de la galerie Dominique Fiat (Cour Carrée). Il n’est plus temps de présenter cette artiste dont l’œuvre engagée balance entre radicalisme et poésie. Comme c’est le cas de cette installation vidéo intitulée La Fabrique qu’elle avait présentée à Lille 3000.
Si celle-ci se compose de 29 films vidéo de 6 à 12 minutes distribués sur 25 moniteurs et quatre projections murales, elle reste modulable en fonction du lieu de sa présentation. Tournée au Kerala (Inde), La Fabrique montre des ouvriers et des ouvrières du textile sur leur lieu de travail. La façon qu’a l’artiste de les filmer et de mettre en scène leurs regards et leurs gestes est proprement fascinante. Le regardeur se trouve comme happé par les rythmes sonores et visuels qui règlent son installation et, au cœur d’une foire comme la Fiac, quelque chose se passe qui fait oublier le lieu où l’on se trouve. Un moment fort.
Loin d’être privilégié, le mode monographique est encore celui choisi par la galerie londonienne White Cube (Grand Palais) qui présente un one-man show des célèbres et sulfureux frères Chapman, Jake & Dinos. L’œuvre étonnamment variée qu’ils développent s’appuie tant sur la culture, l’histoire de l’art et la philosophie que sur l’intelligence artificielle ou les théories cybernétiques. L’homme y est au cœur d’une production qui fait fi de tous les tabous et décline sans aucune retenue les images de violence, de guerre et de sexe qui sont ordinairement traitées au second degré. Détournant codes et conventions pour mieux les railler, les Chapman visent une définition choquante de l’art et cultivent à cette fin controverse et dérision. Impossible de ne pas réagir.

Le meilleur moyen d’aborder la situation ?  Déambuler…
En quête d’un art ultra-contemporain, le visiteur de la Fiac aura beaucoup à faire. Le seul mode d’emploi qui vaille alors est d’opérer de façon rationnelle en s’appliquant à suivre un parcours le plus géométrique possible. Les propositions sont si nombreuses que la meilleure façon est d’aborder la situation sur le mode de la promenade tout en se laissant aller au gré de ses humeurs.
À la Cour Carrée du Louvre, on invitera plus particulièrement le visiteur à s’arrêter chez Cortex Athletico de Bordeaux, une des rares et des plus pointues galeries en province, et à regarder plus particulièrement les photos de Nicolas Descottes. Chez Dvir Gallery de Tel-Aviv, l’unique galerie israélienne présente, il lui faudra prendre le temps de visionner les vidéos de Douglas Gordon. Chez Nosbaum & Reding de Luxembourg, il découvrira le travail de peinture abstraite de Jean-Luc Moerman qui est issu du dessin et qui fonctionne sur le mode d’un organisme vivant et envahissant. Chez Cosmic Galerie, il lui faudra ne pas manquer les œuvres de Cyprien Gaillard autour de l’architecture ; chez Frédéric Giroux, les dessins énigmatiques de Rebecca Bournigault ; chez Jocelyn Wolf, les troublantes peintures de Gregory Forstner ; chez Martine Aboucaya, les singulières vidéos de Maïder Fortuné.
Côté Grand Palais, le visiteur art contemporain trouvera notamment de quoi satisfaire sa curiosité chez GP & N Vallois en s’immergeant dans les délires graphiques de Gilles Barbier, chez art :concept en cherchant à décrypter les peintures écartelées de Philippe Perrot et, enfin, à la galerie Continua en se laissant envoûter par les Poupées Pascale, toutes de cristal et de chiffons, œuvres de l’étonnant sculpteur Pascale Marthine-Tayou.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : Le nec plus... ultra contemporain

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