Le Musée du Judaïsme

Le Journal des Arts

Le 4 décembre 1998 - 480 mots

Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme ouvre ses portes le 6 décembre dans l’hôtel Saint-Aignan, entièrement rénové et réaménagé pour l’occasion (lire le JdA n° 55, 27 février). À travers 1 500 pièces, présentées suivant une démarche très pensée, un centre de documentation inclus dans le parcours et une programmation culturelle importante – le budget de fonctionnement, financé à parts égales par la Mairie de Paris et la Direction des Musées de France, s’établit à 24,2 millions de francs –, cet établissement traite de façon originale les questions de la mémoire et de l’identité juives.

Poèmes, textes philosophiques et écrits religieux couvrent les murs d’une salle qui ne contient que quelques pièces. Un buste sculpté questionne l’interdit pesant sur la représentation humaine, tandis qu’un ornement de torah en forme de pagode évoque la Diaspora. La première salle du Musée d’art et d’histoire du judaïsme est à la fois représentative du reste du parcours et totalement à part. On y retrouve déjà la scénographie raffinée des architectes Catherine Bizouard et François Pin et, surtout, elle constitue une véritable introduction à la visite, posant d’emblée quelques thèmes de réflexion : la place centrale de l’écrit dans la culture juive, les phénomènes de contacts et d’échanges, ainsi que la notion-même d’identité juive dans l’art moderne.

En revanche, les espaces suivants s’organisent de manière chronologique, dans une vision historique et dynamique du judaïsme. Chaque période permet d’aborder une notion essentielle autour des points forts des collections. Ainsi, “Les Juifs en France au Moyen Âge” décrit la structure communautaire et son inscription dans l’Europe chrétienne, alors que la partie consacrée à l’Italie, de la Renaissance au XVIIIe siècle, retrace les principales fêtes ponctuant la vie des Juifs.
Seules deux salles échappent au strict enchaînement chronologique : une séquence décline les différentes formes de lampes Hanouca selon les siècles et les lieux ; une autre souligne la place de la Ville sainte dans l’identité juive, à travers le décor d’une soukkah du siècle dernier, construction éphémère pour la fête des Tabernacles, et une installation photographique temporaire de Sophie Calle sur L’Érouv de Jérusalem.

En rupture avec cette démarche historicisante et distancée, la section du XXe siècle, dont l’architecture devient soudain moins lisse et moins fluide, quitte la sphère du discours didactique pour proposer une série d’interprétations revendiquées comme telles. L’évocation de la Shoah passe par une installation de Christian Boltanski, centrée sur le destin individuel des anciens habitants de l’hôtel Saint-Aignan, et notamment des nombreux artisans juifs qui y résidaient à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Ce rappel est prolongé par la présentation, pendant dix-huit mois, de MNR du Centre Pompidou.

Mais l’art contemporain y est également traité pour lui-même, avec des accrochages tournants sur l’École de Paris et des expositions temporaires, ouvrant ainsi la question – sensible mais ô combien intéressante – de l’identité juive dans ses développements laïcs, modernes et universalistes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : Le Musée du Judaïsme

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