Le marteau et les feuilles

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 5 mars 2004 - 1138 mots

Près de mille dessins de toutes époques seront mis en vente aux enchères durant trois jours en mars à Paris pour le plus grand bonheur des amateurs de cette spécialité.

Les ventes de dessins anciens se sont étoffées depuis plusieurs années à Paris. D’abord parce que le domaine a le vent en poupe, ensuite parce le Salon du dessin a créé l’événement. C’est donc traditionnellement en mars qu’un défilé de vacations prestigieuses accompagne le fameux salon. Les belles feuilles se font rares et les ventes publiques constituent un vivier très prisé pour tous les amateurs, y compris pour les exposants du Salon. Pour la Tête de femme tahitienne, un chef-d’œuvre de Gauguin (vers 1892) au pastel et à la pierre noire rehaussé de touches d’or, pièce maîtresse de son stand cette année, le marchand de Londres Jean-Luc Baroni n’a pas hésité à débourser 1,46 million d’euros le 26 mars 2003 chez Piasa (record du monde pour un dessin de l’artiste). Et le grand portrait au fusain de Victor Dupré par Jean-François Millet (1814-1875), impressionnant par sa qualité et ses dimensions, a été acquis chez Christie’s à Paris le 27 mars par la galerie Talabardon et Gautier pour 76 375 euros (7 fois son estimation). Ces œuvres trônent en bonne place sur le stand des deux marchands.

Redon, Piazzetta, Boilly et Saint-Aubin
Le cru 2004 des enchères s’annonce riche et diversifié. Le commissaire-priseur Thierry de Maigret lancera les festivités le 17 mars avec une vente dont l’originalité porte sur la succession d’une vingtaine d’aquarelles anglaises du XIXe siècle provenant d’une ancienne collection anglaise acquise en France dans les années 1940. Les estimations démarrent à 1 000 euros et culminent à 30 000 euros pour Reims, une aquarelle gouachée monogrammée de Myles Birket Foster (1825-1899), brillant aquarelliste connu pour ses paysages sereins de la campagne du Surrey, et qui tomba sous la grâce d’un des plus beaux édifices religieux français, Notre-Dame de Reims. Après cette poétique mise en bouche, les poids lourds des ventes publiques se succéderont, à commencer par Tajan dont l’ Ophélie signée Odilon Redon (1840-1916), estimée 200 000-250 000 euros, est la vedette de la soirée. « C’est un beau pastel sur fond bleu nuit stellaire avec une tête flottante, en parfait état (ni déplaqué, ni usé), qui a gardé toute sa matière », commente l’expert Patrick de Bayser.
Sont d’autre part annoncés au catalogue un Paysage de ville fortifiée en Italie par Nicolas Poussin (1594-1665), à la plume et à l’encre brune, estimé 50 000 euros, et La Vierge couronnée par deux anges tenant dans ses bras l’Enfant Jésus, de Federico Zuccaro (1540-1609), un dessin à l’encre brune, crayon noir et lavis brun rehaussé de gouache blanche sur papier gris, estimé 15 000 euros.
Christie’s s’enorgueillit d’une belle vente de 332 lots venant de toute l’Europe et d’outre-Atlantique. « Le marché des dessins à Paris est aussi important qu’à New York », affirme Nicolas Schwed, le directeur international du département des dessins anciens. Les cinquante premiers lots sont issus de la collection Massimo Brooke, un Anglais d’origine vénitienne. De ce premier ensemble de feuilles italiennes, il faut retenir un très beau dessin à la craie noire et blanche de Giovanni Battista Piazzetta (1682-1754), Une jeune fille avec un petit garçon et un chien, estimé 60 000 euros. S’agissant d’une succession, les estimations ont été fixées raisonnablement. De même, pour rester attractifs, les prix ont été placés volontairement bas pour la quarantaine de dessins italiens de la collection américaine Austin Gunnison (lot 71 à 112). Ainsi, « les trois dessins de Pier Francesco Mola (1612-1666), lots 84, 85 et 86, estimés autour de 4 000 euros, sont largement en dessous du prix du marché », note Nicolas Schwed.
Autres temps forts de la vacation  : un album de voyages à travers l’Europe composé de 79 vues traitées à l’aquarelle, estimé 70 000 à 100 000 euros ; une Pietà de Luca Penni (1500-1556), estimée 70 000 euros ; Pasiphaé désignant le taureau à Dédale, un rare dessin du XVIe siècle de l’école de Fontainebleau (modèle du décor d’une majolique conservée au Louvre), estimé 30 000 euros ; une série de six lots composés de 37 dessins de vues de Paris de Durand (1760-1834) accompagnés de leur gravure en couleur, estimés seulement 1 000 à 5 000 euros, et Un cabaret à Paris en 1815 par Boilly (1761-1845), l’étude préparatoire pour le tableau de même composition conservé au Louvre, estimé 70 000-120 000 euros. La SVV Piasa clôturera la semaine des ventes parisiennes avec deux grandioses scènes d’histoire à aquarelle gouachée de Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780), La Bataille d’Ecnom gagnée sur la mer par les Romains et Le Triomphe de Pompée dans Rome à l’imitation de Paul-Émile, estimées respectivement 60 000 et 80 000 euros. À noter également l’émouvant Invalide de la rue Mosnier, soit une étude pour Les Mendiants, 1878 d’Édouard Manet (1832-1883), estimée 80 000-100 000 euros, et une petite Étude pour la Réception du comte de Mornay par le sultan du Maroc, l’un des tableaux les plus connus de Delacroix (1798-1863), qui devrait dépasser les 5 000 euros annoncés. Enfin, faute d’organiser sa propre vente à Paris, la maison Sotheby’s présentera du 15 au 19 mars une sélection d’une quarantaine de dessins de la collection Unicorno qui seront dispersés en mai à Amsterdam. Cette importante collection privée met à l’honneur l’école flamande et hollandaise des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles à travers un ensemble de feuilles colorées illustrant la faune et la flore avec un grand raffinement par des artistes tels que Pieter Holsteyn le Jeune, Johannes Bronckhorst, Herman et Anthony Hengstenburgh, Aert Schouman et Alida Withoos.

- DESSINS ANCIENS ET DU XIXe SIÈCLE, le 17 mars à 14 h, SVV de Maigret, Drouot-Richelieu, 9 rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 44 83 95 20 ; expositions : le 16 mars 11h-18h et le 17 mars 11h-12h. - DESSINS ANCIENS, le 17 mars à 18 heures, SVV Tajan, Espace Tajan, 37 rue des Mathurins, 75008 Paris, tél. 01 53 30 30 30, www.tajan.com ; expositions : du 1er au 16 mars, du lundi au vendredi 9h-12h30 et 14h-18h, le 17 mars 9h-15h - DESSINS ANCIENS ET DU XIXe SIÈCLE, le 18 mars à 14 h 30, Christie’s, 9 avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 40 76 85 85, www.christies.com ; exposi-tions : du 12 au 17 mars 10h-18h (le 14 mars, 14h-18h). - IMPORTANTS DESSINS ANCIENS ET DES XIXe-XXe SIÈCLES, le 19 mars à 14 h 15, SVV Piasa, Drouot-Richelieu, salle 4, 9 rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 53 34 10 10, www.auctionconsult.com/piasa ; expositions : le 18 mars 11h-18h et le 19 mars 11h-12h. - COLLECTION UNICORNO, le 19 mai à Amsterdam, Sotheby’s, tél. 01 53 05 53 05 ; expositions à Paris, 76 rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 : du 15 au 19 mars, 10h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°188 du 5 mars 2004, avec le titre suivant : Le marteau et les feuilles

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