Le Lingotto requalifié

Agnelli dévoile ses collections dans l’ancienne usine Fiat

Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2002 - 512 mots

Symbole de l’industrie italienne, le Lingotto construit pour Fiat en 1916 est entré le 20 septembre dans sa deuxième vie, après une importante transformation. Propriétaire des lieux, Giovanni Agnelli y expose quelques chefs-d’œuvre de sa collection.

TURIN (de notre correspondant) - Doté d’une piste d’essai d’un kilomètre de long sur le toit, le Lingotto était depuis 1916 le berceau des usines Fiat. Il est aujourd’hui une méga-structure contemporaine, comprenant une université, un grand espace d’exposition, une superbe salle de concerts, un cinéma multiplexe, un centre commercial, un grand hôtel, un centre de congrès, un héliport, un gigantesque parking souterrain, etc. Un magicien à la longue barbe, Renzo Piano, a accompli cette incroyable métamorphose qui aurait bien étonné l’ingénieur Matté Trucco, le concepteur du Lingotto. Au début, ce projet avait suscité l’incrédulité, mais Fiat, en difficulté, a voulu démontrer sa capacité à réaliser l’impossible.

Au milieu de la piste d’essai, se dresse désormais un nouvel édifice, une “pagode suspendue” construite pour accueillir la vingtaine d’œuvres que Giovanni et Marella Agnelli y ont mises en dépôt. L’“Avvocatto” n’est pas collectionneur : le choix de ses œuvres, effectué avec son épouse, est occasionnel, éclectique, et ne correspond à d’autre système que celui d’une curiosité insatiable, d’une envie jamais assouvie de qualité, et d’une capacité rare à la déceler. Les Agnelli ont acheté ce qui leur plaisait : un tableau pop, un classique moderne, un lit du XVIIe siècle, une tapisserie… Les visites de Giovanni Agnelli dans les salons avant leur ouverture sont légendaires, tout comme ses expéditions improvisées chez les antiquaires, ses questions sans fin, sa mémoire surprenante. Ses premiers compagnons de chasse et d’initiation sont le critique Luigi Carluccio et l’ami connaisseur Mario Tazzoli. Leurs initiatives ont donné naissance aux expositions mémorables que Marella a organisées à Turin pour son association des Amici dell’arte et à Venise pour le Palazzo Grassi. Mais la Pinacothèque du Lingotto ne sert pas aujourd’hui de compensation à quelques Turinois mécontents de l’ouverture d’une vitrine à Venise, loin de l’usine et de ses odeurs.

À plus long terme, le prêt des œuvres pourrait se transformer en donation à un lieu géré par l’organisation la plus efficace et la plus sûre d’Italie, la leur, celle du Palazzo Grassi dirigée par Fiat. De nombreuses œuvres ont déjà quitté les résidences des Agnelli, comme une Vue de Dresde de Bellotto, une Vue de Venise de Canaletto, sept Matisse éclatants des années 1940 et de très beaux Picasso, Modigliani, Renoir, Manet, Severini et Balla. Sur les consoles, il ne reste plus que Canova. Qui sait si tôt ou tard les Carrà, Boccioni, Balthus, Bacon, de Chirico, Van Dongen, Giacometti, Giovanni Bellini, David, Delacroix et Gérôme, les Klimt, Freud, Gnoli, Merz et Pistoletto les suivront dans cette Pinacothèque Agnelli, que tout le monde a baptisée “l’Écrin” durant sa construction – cette “boîte métaphysique” naviguant dans le ciel parfois si clair de Turin, avec les montagnes en arrière-plan et les trains qui passent au-dessous.

- Pinacoteca Marella et Giovanni Agnelli, Lingotto, Via Nizza 230, Turin, tél. 39 011 00 62 008, tlj sauf lundi 9h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°155 du 27 septembre 2002, avec le titre suivant : Le Lingotto requalifié

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque