Mécénat

Le fonds de dotation dédié, un nouvel outil

Créé par une filiale du CIC pour le Domaine national de Chambord, pour la première fois un fonds de dotation abrite d’autres fonds de dotation. Un mécanisme qui pourrait faire des émules.

Testé pour le Louvre Abou Dhabi en 2007, lancé en 2008 par Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie, et finalement généralisé en 2010, le principe du fonds de dotation est plébiscité par les acteurs du mécénat en France, individus comme sociétés. On en comptait 852 dès 2011 et la barre des 2 000 a été franchie dès 2015. À titre de comparaison, on comptait 293 fondations d’entreprises en 2011, et 362 fin 2015. Le nombre de fonds de dotation a même dépassé celui pourtant croissant de fondations abritées (1 204). On connaît les raisons de cet engouement : une simplification administrative qui diffère grandement des fondations et une dotation initiale minimale (voir JDA n° 333, octobre 2010).

Comme d’autres institutions financières, la Banque Transatlantique (banque privée filiale du groupe CIC) a créé son fonds de dotation en 2012, pour soutenir sa politique de mécénat. Le Fonds de dotation Transatlantique (FDT, personne morale indépendante de la banque) est généraliste, ainsi que le mentionnent ses statuts : « favoriser, soutenir et développer des activités d’intérêt général ». En avril 2015, le Domaine national de Chambord, le FDT et Transatlantique Gestion signent une convention pour créer le « Fonds Chambord », visant à soutenir les actions pour la protection du « patrimoine historique architectural et monumental, culturel et éducatif et de la préservation de la biodiversité unique du domaine ». C’est une première en ce que la personne morale est le FDT. Le comité de gestion (ad hoc) du Fonds Chambord valide les dépenses courantes, mais le reste est du ressort du FDT, responsable par exemple de la production de tous les documents financiers du fonds. Au titre du mécénat (en nature et en compétence), la banque Transatlantique offre de son côté tous les services bancaires, exonère le fonds des frais de gestion et mobilise les compétences nécessaires. « Nous sommes une petite équipe et il est précieux de pouvoir déléguer à un partenaire », explique Jean d’Haussonville, le directeur général du Domaine national de Chambord. Par nature sans but lucratif, le FDT réinvestit par ailleurs dans ses fonds « dédiés » (il en abrite une quinzaine au total) tous les intérêts perçus.

Une innovation plus souple
Le schéma ressemble donc à celui de la fondation abritée… sans les inconvénients des fondations. Selon un avocat spécialiste du droit des fondations, « en étant responsable de la gestion du fonds, la banque s’expose à tous les contrôles de l’administration. Il y a une certaine ingénierie contractuelle dans cette démarche, c’est un investissement qui peut représenter une barrière importante ». C’est sans doute la raison pour laquelle ce mécanisme reste une originalité dans le paysage du mécénat français. Vincent Joulia, directeur de la banque privée et de la gestion de fortune de la banque Transatlantique (et président du FDT), explique ce montage par « la volonté d’innover : certes, ce choix impose de mobiliser des ressources supplémentaires. Mais il répond au développement de la philanthropie comme un de nos axes stratégiques. Notamment depuis 2008 et la crise financière, la nouvelle génération d’entrepreneurs philanthropes souhaite un regard plus direct sur ses actions d’intérêt général, avec des véhicules plus souples. Nous avons souhaité pouvoir leur fournir cet outil ». En plus d’être l’outil de mécénat de la banque, le FDT constitue ainsi une innovation fiscale et juridique séduisante pour une certaine clientèle, même si, évidemment, nul n’a besoin d’être client de la banque par ailleurs pour voir son fonds de dotation « abrité » par le FDT.

En signant une convention quinquennale avec le Domaine national de Chambord en décembre 2015, la Fondation du Patrimoine (lire JdA n° 465) a  adoubé cette innovation. Elle a offert son label de confiance et ses capacités de mobilisation autant pour l’opération de renaissance de la vigne chambourdine (les mécènes « achètent » des pieds de vigne contre leur production future et une déduction fiscale), que pour la souscription lancée suite aux inondations du printemps dernier, et dont le produit est géré par le Fonds Chambord.

Une procédure simplifiée engageante
Avec une quinzaine de « fonds dédiés » dans son giron, le FDT a rendu la création de fonds de dotation aussi simple que l’ouverture d’un compte. Cette légèreté pourrait légitimement susciter des vocations. Les services de l’État, qui ont validé le mécanisme à l’occasion du partenariat signé avec Chambord, n’avaient sans doute pas prévu cette éventualité en 2008. Le phénomène est intéressant : la construction d’outils adaptés d’intérêt général semble devenir un levier commercial pour une banque. Si le contrôle doit en être renforcé (pour que l’intérêt général reste au cœur du dispositif), ce mécanisme a le mérite de prouver que la « culture du mécénat » française, souvent perçue comme en retard sur les modèles anglo-saxons, évolue et crée les nouveaux outils de son propre développement.

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Le domaine national de Chambord, qui a signé un partenariat avec une filiale du CIC pour créer un fonds de dotation © Photo L. de Serres

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Le fonds de dotation dédié, un nouvel outil

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