Le classement 2004 des musées de beaux-arts en France

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 1 décembre 2004 - 1151 mots

Suite à une enquête menée par questionnaire auprès des musées de beaux-arts, L’Œil en révèle le classement établi selon quatre thèmes : le nombre d’entrées, l’accueil du public, l’attrait et le patrimoine.

La France est l’un des premiers pays au monde par le nombre de ses musées de beaux-arts, plus de 650 répartis sur tout le territoire. Mais tous, loin s’en faut, n’ont pas les ressources, les collections et la notoriété du Louvre. Dans le même temps, les élus locaux ont bien compris l’importance que constitue un musée pour attirer les touristes, animer la vie culturelle de la région et valoriser le patrimoine. Aussi, à côté de leur traditionnelle mission de conservation des œuvres, les musées deviennent de plus en plus des entreprises de culture voire de loisir. La rédaction du Journal des Arts (une publication d’Artclair Éditions) a mené une enquête par questionnaire, en prenant 2003 comme année de référence, pour classer ces musées selon divers thèmes (Journal des Arts n° 201). Même si certaines institutions n’ont pas répondu (musées des Beaux-Arts de Marseille et de Strasbourg), et que d’autres ont répondu partiellement, ce qui les pénalise dans certains classements, 230 musées – dont 220 ouverts  – sur les 619 interrogés ont joué le jeu. L’enquête confirme la place éminente des « grands musées » notamment parisiens, mais révèle des situations inattendues.

Les cinq premiers musées enregistrent plus de la moitié des entrées
Il y a donc beaucoup de musées en France et par conséquent beaucoup de visiteurs, pourrait-on croire. Les 220 musées qualifiés pour l’enquête totalisent 21 millions d’entrées. Mais, première surprise, les cinq premiers – le Louvre, le château de Versailles, Orsay, le Centre Pompidou, le musée de l’Armée – font plus de la moitié des entrées (12,8 millions). L’affluence est faible pour la grande majorité. Cela n’étonnera pas ceux qui visitent les collections permanentes en semaine ou qui ont un jour arpenté les salles d’un « petit » musée de province, même en été. C’est ainsi que plus de 40 % des musées ont moins de quarante visiteurs par jour, voire beaucoup moins. Le musée Charles-Louis Philippe à Cérilly a enregistré trente-neuf visiteurs… sur toute l’année !
Mais il existe différents types de visiteurs. Certains lieux jouissent d’une telle notoriété dans le monde (Le Louvre et Orsay en sont les archétypes) qu’ils bénéficient d’un public de touristes quasiment captif. D’autres (le château de Versailles par exemple) ajoutent l’intérêt propre du site à la notoriété. La
gratuité joue évidemment sur le nombre d’entrées. Gratuité totale pour les collections permanentes de la Ville de Paris, ou gratuité partielle certains jours pour d’autres, ces dispositions font qu’en moyenne près d’un tiers des entrées sont gratuites.
L’enquête ne permet pas de distinguer de résultats significatifs en fonction du statut du musée pour la simple raison que la très grande majorité des musées sont publics. Ils appartiennent à une collectivité territoriale, la commune, quelquefois le département. Les grands musées sont le plus souvent sous
la tutelle de l’État. Aussi la onzième place par le nombre d’entrées (250 000) du musée Jacquemart-André, un musée privé, est-elle notable.

Les grands travaux des musées
Les visiteurs adoptent un comportement consumériste croissant et manifestent des attentes élevées vis-à-vis de l’accueil et du confort. On ne vient plus simplement admirer un tableau ou une sculpture. La visite se vit comme une « sortie » complète. Le public attend qu’on mette à sa disposition des supports pour comprendre les œuvres exposées, qu’on lui aménage des espaces de repos dans les salles, et qu’à la sortie il puisse se restaurer ou faire du shopping. L’enquête s’appuie sur la présence ou non de toute une série d’équipements (librairie, cafétéria…) et de services (fiches gratuites de visite, audioguides…) pour établir un classement sur l’accueil.
Si, sans surprise, deux musées parisiens, dont le Louvre, se placent en tête, on note cependant la présence de trois musées régionaux dans les cinq premiers. Les conservateurs et autorités de tutelle ont bien compris l’importance de l’accueil. Le palais des Beaux-Arts de Lille et Guimet ont bénéficié de récents travaux d’amélioration. Orsay (classé sixième) a modifié l’implantation de sa librairie en avril 2004. Un signe : quinze musées n’entrent pas dans la classement 2004… pour cause de travaux en 2003 ou 2004. Le musée de l’Image à Épinal a rouvert en 2003. Le musée du Petit Palais est toujours fermé. On attend sa réouverture en 2006, comme celle du musée Fabre à Montpellier.

Carnavalet est le musée le plus attrayant en 2003
L’enquête tente aussi de mesurer l’attrait d’un musée en combinant des critères tels que le prix,
le nombre d’œuvres et de périodes exposées ou le nombre d’entrées. La qualité des œuvres, critère ô combien subjectif, a été rationalisée en considérant le nombre d’œuvres prêtées à d’autres musées.
L’étonnement vient de la première place du musée Carnavalet. Le musée sur l’histoire de Paris, remporte la palme grâce à un rapport « qualité/prix » très attrayant. Alors que l’entrée à ses collections permanentes est gratuite depuis 2002, les tarifs pour les quatre expositions temporaires organisées en 2003 restent raisonnables. Mine de rien, à travers un fil conducteur simple et distrayant – l’histoire de Paris – le visiteur traverse les grandes périodes de l’histoire de l’art occidental tout en se confrontant à de grands artistes. Il y a ici une dimension instructive qui devrait alerter de trop nombreux commissaires d’exposition qui plaident encore pour des œuvres exposées avec des cartels minimalistes. Et puis comme Orsay et Pompidou, deuxième et troisième du classement, Carnavalet est situé dans le centre de Paris, un argument de poids pour les touristes.

Conservation et enrichissement du patrimoine : l’apanage des grands musées
La mission « historique » des musées reste cependant la conservation et l’enrichissement du patrimoine. La combinaison de critères comprenant le nombre de conservateurs, le budget d’acquisition des œuvres et le nombre d’expositions temporaires produit un classement qui fait la part belle aux grands musées. Richement doté en ressources financières et en conservateurs, le Centre Pompidou distance nettement son voisin de la rive gauche, le musée d’Orsay. Le musée du Louvre (sixième) se serait sans doute approché du podium s’il avait communiqué son budget d’acquisition.
De manière générale, cette enquête a permis de mettre en évidence la difficulté qu’ont les musées de faire connaître ou de communiquer leurs données financières. Il est vrai que les musées ne sont pas des entreprises et que leurs effectifs réduits ne leur permettent pas toujours de restituer ces données. Les dix premiers musées disposent de plus de cent salariés ou vacataires, on compte ainsi 1 500 personnes pour Le Louvre mais déjà nettement moins – 185 – pour le musée des Beaux-Arts de Lyon pourtant classé quatrième. Mais au-delà des dix premiers, les ressources fondent. À partir du 180e musée, on compte deux voire une personne !
Le classement 2005 ajoutera une dimension supplémentaire à cette photographie des musées, il mettra en évidence les évolutions et les tendances.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Le classement 2004 des musées de beaux-arts en France

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