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Le 104 change de capitaine

La Mairie de Paris, instigatrice de ce projet téméraire, revoit ses ambitions à la baisse

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2009 - 763 mots

Après le refus de la Ville de Paris d’augmenter la subvention accordée au CentQuatre, Robert Cantarella et Frédéric Fisbach, les deux directeurs de l’établissement installé dans les anciennes Pompes funèbres, ont décidé de ne pas briguer de nouveau mandat. Un appel à candidatures sera prochainement lancé pour reprendre le flambeau dès le mois de mars 2010.

PARIS - La rupture est consommée, officiellement sans éclats de voix. Le 12 novembre, lors d’un conseil d’administration décisif, les deux directeurs du CentQuatre, les metteurs en scène Robert Cantarella et Frédéric Fisbach, ont préféré renoncer à briguer le renouvellement de leur mandat, lequel arrivera à expiration en mars 2010. Un appel à candidatures sera lancé prochainement pour leur désigner un successeur. La décision du duo des fondateurs du CentQuatre a été motivée par la volonté de la Ville de Paris de diminuer la subvention accordée à l’établissement. « De ne pas l’augmenter », rectifie Christophe Girard, adjoint à la culture de Bertrand Delanoë.

Ouvert depuis à peine un an, le CentQuatre, installé dans les anciennes Pompes funèbres au numéro 104 de la rue d’Aubervilliers (Paris 19e) – un bâtiment réhabilité pour plus de 100 millions d’euros –, ambitionnait de devenir un lieu atypique dédié à la création en train de se faire. Dix-neuf artistes en résidence peuvent y être accueillis de manière simultanée, à charge pour eux d’ouvrir régulièrement leurs ateliers au public.

Insertion dans le quartier
L’équipement, articulé autour d’une vaste nef publique, a également vocation à tisser des liens avec le quartier et à accueillir des manifestations, un espace étant par ailleurs dévolu à l’installation de commerces. Ces derniers ont toutefois tardé à s’installer et le restaurant n’ouvrira pas avant le printemps 2010. Le fonctionnement du CentQuatre est financé à hauteur de 8 millions d’euros par la Ville de Paris – soit à peu près l’équivalent du budget de la Villa Médicis, à Rome –, subvention qui devait être complétée par 3 millions d’euros de ressources propres. Dès l’ouverture du lieu, Robert Cantarella ne mésestimait pas la difficulté du challenge (lire le JdA n° 289, 17 octobre 2008, p. 7). Mais il refuse aujourd’hui de considérer que le lieu ne marche pas. « Il était clair dès le départ que 2009 serait une année test, avec des pleins et des vides. Mais avec 500 000 visiteurs, notre objectif de fréquentation a été atteint et 40 % des inscrits à une activité sont des habitants des 18e et 19e arrondissements. » La Ville ne le nie pas totalement, mais souligne l’importance du déficit. « Ils ont réussi la mise à l’eau du bateau, reconnaît Christophe Girard. Mais dès lors qu’ils demandent une augmentation de leur budget, nous ne pouvons pas nous entendre. » Selon Robert Cantarella, le déficit de 780 000 euros serait dû à une série d’annulations conjoncturelles des locations d’espace. « Nous sommes des gestionnaires !, soutient ce dernier. Nous avons malgré la crise obtenu 1,5 million d’euros de ressources propres et créé un fonds de dotation qui apportera 700 000 euros en 2009 et le double en 2010 (lire le JdA n° 310, 2 octobre 2009, p. 3). Et sur notre budget, nous avons fait des économies, en réduisant l’artistique. Mais il arrive un moment où ce n’est plus possible ! » Rapidement, les subventions accordées aux artistes ont en effet été gelées.

Au final, les directeurs du lieu se demandent pourquoi la Mairie n’a pas fait preuve de plus de patience : « C’était un vrai courage de la part du maire que d’engager un tel projet dans ce quartier. Peut-être aurait-il fallu avoir une ambition moindre dès le départ ? », s’interroge le directeur. Qui concède toutefois une erreur : « Nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour l’insertion dans le quartier et, à cause de cela, nous avons renoncé à organiser tout de suite des grandes manifestations ». En d’autres termes, la visibilité aurait été négligée… « Robert Catarella et Frédéric Fisbach ne sont pas gênés par le vide, mais nous le sommes, confirme Christophe Girard. Cette impatience est légitime car beaucoup d’argent public a été engagé et les élus ont des comptes à rendre. » Ce dernier réfute toutefois l’idée que le CentQuatre soit une victime collatérale de la crise budgétaire que traverse la Ville de Paris. Un groupe de réflexion, organisé autour des responsables des équipements culturels parisiens et de quelques personnalités extérieures, a d’ores et déjà été constitué pour « revoir les choses à la marge ». Et Christophe Girard l’affirme : les propositions ont rapidement afflué des quatre coins de l’Europe. L’oraison funèbre semble déjà écrite.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°314 du 27 novembre 2009, avec le titre suivant : Le 104 change de capitaine

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