Art contemporain

L’art argentin face à la crise

Par V. Verlichak · Le Journal des Arts

Le 8 février 2002 - 659 mots

Du fait de la crise économique qu’affronte l’Argentine, le milieu artistique du pays est de facto partiellement paralysé. La programmation des expositions des principaux musées reste suspendue. Toutefois, des prix continuent à être décernés et la participation nationale à certains événements internationaux telle la foire Madrilène, Arco, a été confirmée.

Buenos Aires (de notre correspondante) - Jusqu’à quel point la crise argentine affectera-t-elle le monde de l’art ? Dans ce pays qui a vu défiler plusieurs présidents en l’espace de quelques semaines, les activités du secteur public ont été suspendues, de nouvelles autorités culturelles ont été nommées et le secteur privé se trouve immobilisé. Cependant, la plupart des galeries privées, qui représentent principalement des artistes argentins, s’emploient à confirmer leurs projets pour l’année 2002 dont la rentrée se situe traditionnellement en mars. Naturellement, l’importante dévaluation du peso constitue désormais un obstacle aux voyages et aux invitations d’artistes et de commissaires internationaux. De plus, les émeutes de Buenos Aires diffusées dans le monde entier vont certainement éloigner les investisseurs étrangers et augmenter le coût des assurances qui, pour la plupart, ne couvrent pas les “troubles civils”.
Toutefois, les institutions et les artistes argentins ont depuis longtemps appris à vivre avec de petits budgets. Au cours de ces dernières années, l’État a eu des difficultés à maintenir ses musées ouverts, et la plupart des expositions ont été financées par des institutions étrangères, des ambassades et de grandes entreprises. Ainsi, le Musée d’art latino-américain de Buenos Aires (Malba) a-t-il vu le jour grâce à la collection privée de l’économiste argentin Eduardo Costantini (lire le JdA n° 136, 9 novembre 2001). Les compagnies de services privatisées ont été les plus grands sponsors d’événements culturels, mais la dévaluation et les pertes de revenus concomitants, ainsi que la baisse de la consommation vont affecter le mécénat de ces entreprises dans le domaine de l’art.
Présent sur le sol argentin peu avant le début des émeutes, Sol LeWitt a inauguré avec succès ses fresques murales à la Fundación Proa, tandis que Dennis Oppenheim a rendu publique une sculpture en mémoire des desparecidos (disparus). Malgré les troubles, l’exposition de la Premio Banco Nación a ouvert ses portes et a récompensé les lauréats d’un prix qui s’élève à 35 000 euros, financé par la banque nationale. La banque publique, la Premio Banco Ciudad de Buenos Aires, a fait de même. Les deux événements ont été accueillis avec enthousiasme par le monde de l’art local après la suppression des concours privés Costantini et Fortabat, l’an dernier. À la Premio Banco Nación, une récompense spéciale a été accordée à Sombras del norte y del sur de Graciela Sacco, figurant un jeune homme lançant des cailloux au milieu d’une manifestation de rue.
À cause des incertitudes qui pèsent encore sur le pays, de nombreux événements restent en suspens. Ainsi, la foire Arte BA prévue en mai, les expositions “Shirin Neshat” au Musée des beaux-arts et “Frida Kahlo/Diego Rivera” au Malba n’ont pas été confirmées. En revanche, sont maintenues les expositions internationales telles “Lasar Segall” au Malba, sponsorisée par des institutions brésiliennes, et l’exposition “Mario Merz” à la Fundación Proa (financée par le Techint Group). En dépit de la réserve de nombreux acteurs du secteur culturel, quatre des cinq galeries d’Argentine – Ruth Benzacar, Del Infinito, Luisa Pedrouzo, et Arte x Arte – ont confirmé leur participation à la foire d’art Arco à Madrid (lire p. 20). Quant à Dino Bruzzone, il représentera le pays à la Biennale de São Paulo au mois de mars.
Au cours des dix dernières années, lorsque le peso était indexé sur le dollar, le monde de l’art argentin a vu la qualité des expositions et des catalogues s’améliorer de façon considérable. Musées et galeries ont été créés et le Guggenheim a assuré un programme d’enseignement de conservation muséographique, avec l’aide d’artistes renommés. Du fait de cette introspection forcée, les conservateurs, artistes et marchands vont être contraints de mettre en avant l’art argentin et les artistes locaux.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°142 du 8 février 2002, avec le titre suivant : L’art argentin face à la crise

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