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L’algorithme des revenus musique en ligne sonne faux

Par Servane Viguier · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2017 - 589 mots

Alors que le streaming a redonné des couleurs à l’industrie musicale, les professionnels militent pour une modification des règles de rétribution qu’ils jugent inéquitables.

Dans un livre blanc de vingt-deux pages, l’union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) a publié, fin mai, un plaidoyer en faveur d’un changement du mode de répartition des revenus issus du streaming (écoute en ligne). Harmonia Mundi, Because Music, Naïve, Tôt ou tard, le Chant du Monde et bien d’autres labels indépendants, regroupés au sein de l’UPFI, dénoncent l’opacité du système actuel des plates-formes d’abonnements de musique en ligne, comme Spotify (50 millions d’abonnés payants), Apple Music (20 millions), ou encore Youtube qui s’abrite derrière son statut d’hébergeur « technique » pour rétribuer le moins possible les ayants droit.

Encore déficitaires, les plates-formes reversent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires aux producteurs, éditeurs et artistes. L’UPFI regrette que la rémunération soit déterminée selon le nombre d’écoutes d’un titre rapporté à l’ensemble des écoutes, par pays et par mois, ce qui tend « à écraser la rémunération de la plupart des titres qui ne figurent pas dans le sommet de la pyramide (...) et pourrait asphyxier à terme la production locale du fait de cette concentration ». Une analyse qui fait suite à un courrier de Deezer, le leader français de l’écoute en ligne avec 10 millions d’utilisateurs dans le monde, qui lui aussi est partisan d’un changement radical du mode de partage des recettes.

Le pluralisme des acteurs de la musique serait en péril avec l’actuel algorithme, qui profite surtout à la musique urbaine, la plus écoutée par un public jeune. Le jazz ou le classique sont les gros perdants. Un nouveau calcul basé sur la consommation de chaque abonnement et non plus au prorata numeris de l’ensemble des écoutes, permettrait un rééquilibrage des revenus et de préserver la diversité des créations, tout en luttant contre les fraudeurs qui utilisent des robots pour faire tourner en boucle leurs tubes et gonfler artificiellement leurs scores. Dans un tweet, Geoff Barrow, membre fondateur du groupe Portishead, illustrait en moins de 140 caractères la situation. Pour 34 millions de titres écoutés en ligne, il perçoit seulement 1 700 livres sterling, soit 2 370 euros. Alors que les droits sur un CD oscillent entre 80 centimes et 1 euro, un stream rapporte 0,001 euro !

Novateur hier, le téléchargement de musique est aujourd’hui obsolète face au streaming qui s’impose comme le nouveau modèle de consommation de la musique enregistrée. Il permet aussi de réduire le piratage (en baisse de 8 % par rapport à 2015, selon le dernier rapport Mediamétrie, soit 1 million en moins). « Avec près de 4 millions d’utilisateurs en France de service de streaming musical dont 2 millions d’abonnés payants, 28 milliards de titres écoutés et un taux de progression de 55 %, nous pouvons nous réjouir de voir la France commencer à rattraper son retard par rapport aux principaux pays étrangers », constate l’UFPI.

Le streaming, devenu en 2016 la première source de recettes numériques, était au cœur de tous les espoirs lors de la 51e édition du Midem, le Marché international du disque et de l’édition musicale, à Cannes, qui réunit pendant quatre jours les labels du monde entier. 250 millions d’utilisateurs supplémentaires sont attendus dans les trois années à venir pour atteindre 935 millions dans le monde. Les professionnels se prennent à rêver d’un « nouvel âge d’or » de la musique avec 6,7 milliards d’euros de recettes attendues en 2020. Pour autant qu’un algorithme plus équitable soit adopté.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : L’algorithme des revenus musique en ligne sonne faux

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