architecte

La quiétude selon Dai Nagasaka

L'ŒIL

Le 1 novembre 2000 - 593 mots

À l’occasion de l’exposition organisée par l’Institut néerlandais d’Architecture (NAI) de Rotterdam sur les ambiances de la ville japonaise contemporaine, Dai Nagasaka, jeune architecte de Kyoto, présente un projet d’aménagement urbain à Nagasaki (1999). Né en 1960, il a exercé pendant cinq ans (1985-1990) dans l’agence de Hiroshi Hara (célèbre constructeur de la préfecture d’Osaka et de la gare de Kyoto) chez lequel il a acquis une aptitude exceptionnelle à traiter les espaces communautaires, si importants dans le système social japonais et si subtils dans les contrées méridionales du Kansaï. Père d’une petite Nagi, l’essence de son architecture est à l’image de ce que ce prénom signifie : l’état particulier de silence et de calme avant la tempête. Une quiétude instable et une annonciation qu’il définit, dans les termes énergétiques (yi) des pratiquants du bouddhisme et, en bon insulaire nippon, comme un fragile équilibre (nagi) entre les brises marines et les vents de terre...
Fort de cette quiétude de l’espace culturel japonais et de son expérience des espaces publics urbains chez Hara, Dai Nagasaka va fonder avec sa femme Kiyoko l’agence Méga, dont le premier projet sera la Maison du Japon à Paris (1989). Ses réalisations sont douces, accueillantes, simples, de cette tension silencieuse caractérisant le nagi. Les matériaux y sont calmes, parfois d’une aspérité leur donnant une masse, parfois lisses et riches d’une patine à la sensualité si magnifiquement enseignée par Junichirô Tanizaki. Comme chez Riken Yamamoto (L’Œil n°509), la socialisation de l’espace, la hiérarchisation du territoire et surtout le vieillissement structurel de la population du Japon favorisent les rassemblements homogènes. De gré ou de force, à l’image du magnifique film d’Imamura, La Ballade de Narayama (1983), les vieux sont invités à finir leurs jours discrètement et les handicapés à s’entraider. Dehors ou dedans, le dénominateur commun est une réflexion de l’être-avec.
En 1992, Dai Nagasaka réalise à Jyoyo (préfecture de Kyoto) le complexe Minamiyamashiro-Gakuen pour personnes handicapées. Si le vocabulaire formel et stylistique est encore très proche d’Hiroshi Hara, ce programme, de la taille d’un petit village (près de 400 personnes), permet à Nagasaka de personnaliser en vraies grandeurs le thème de l’interstice et du partage. Les propriétaires et les usagers seront si contents du résultat et des relations qui s’établissent entre les résidents qu’ils feront à nouveau appel à l’architecte en 1994, 1997 et 1999 pour agrandir ce projet. Dans le même temps, Dai Nagasaka va développer quelques projets urbains et construire quelques maisons individuelles à Kyoto qu’avec la fin de la bulle spéculative, tout le monde exige simples et peu onéreuses. Dans le quartier de Momoyama (1995), il réalise un petit logement individuel très discret. Mais ce n’est qu’avec la réalisation d’une petite maison économique (21 millions de yens, 1 million de francs, ce qui est très peu au Japon !) à Shimogamo (1999) que la notoriété arrive. Légèrement surélevée par rapport à la route, en plein cœur de la ville, elle ménage une intimité paradoxale, ouverte à la vue de tous. D’un revêtement industriel et commun aux murs et à la toiture, cette petite maison à deux pentes n’est guère plus grande qu’une cabane ou un abri de jardin. Et pourtant l’intérieur est vaste, impression qu’accentuent la chaleur du bois et la double hauteur du séjour. À proximité de la célèbre villa impériale de Katsura (1999-2000), Nagasaka a récemment achevé avec le même budget une petite maison s’insérant aussi bien dans le tissu villageois de Kyoto alors qu’il termine à l’autre bout de la ville, aux abords du temple Daitokuji, sa nouvelle maisonnée.

ROTTERDAM, NAI, jusqu’au 14 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°521 du 1 novembre 2000, avec le titre suivant : La quiétude selon Dai Nagasaka

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