Saint-Pétersbourg

La police retrouve les manuscrits volés

Quatre personnes ont été arrêtées

Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 561 mots

Les quatre-vingt-dix manuscrits anciens qui avaient été dérobés à la Bibliothèque municipale de Saint-Pétersbourg dans la nuit du 10 décembre ont été retrouvés (voir JdA n° 10, janvier). Un conseiller juridique du gouvernement russe, Dimitri Iakobovsky, a été arrêté, ainsi que trois autres personnes.

SAINT-PÉTERSBOURG - Après l’arrestation de trois personnes le 16 décembre, l’affaire du vol des manuscrits anciens de la Biblio­thèque municipale a pris de l’ampleur, le 20 décembre, avec l’annonce d’une quatrième arrestation, celle de Dimitri Iakobovsky, président du barreau inter-républiques. Celui-ci est accusé du vol des manuscrits et a été arrêté en vertu d’un décret présidentiel lié aux "mesures d’urgence pour protéger les citoyens du banditisme et autres formes de crime organisé", qui autorise une détention de trente jours au maximum.

Dimitri Iakobovsky doit sa fortune à deux mariages heureux. Sa première femme était la fille d’un officier supérieur du ministère russe de la Défense. Il se hissa jusqu’au grade de colonel, mais divorça avant d’être nommé général. Il épousa ensuite une Canadienne, âgée de vingt-sept ans, et devint conseiller juridique du gouvernement russe. Il fut toutefois impliqué dans un scandale retentissant avec une société occidentale et dut s’enfuir, à la suite de deux dénonciations au Parlement. Ces avatars ne l’ont pas empêché de retrouver une position de très haut rang dans la société russe.

Les observateurs envisagent deux scénarios. Soit l’accusé est impliqué au plus haut niveau dans la contrebande d’œuvres d’art en Russie, soit l’affaire a été montée de toutes pièces pour le compromettre alors qu’il s’apprêtait à révéler des informations du ministère de la Défense sur les forces russes du front occidental. Un sujet particulièrement dangereux en Russie : en octobre dernier, une explosion a tué dans son bureau un jeune journaliste, Dimitri Kholodov, qui enquêtait sur l’affaire. D’après l’avocat de Dimitri Iakobovsky, Henrin Padva, le parquet manque de preuves. "Sinon il y a longtemps qu’on aurait accusé mon client de ce crime", concluait-il.

Les quatre-vingt-dix traités philosophiques – chinois, moghols, tibétains, ou encore du Proche-Orient et d’Europe occidentale des VIe-VIIIe siècles – étaient estimés entre 500 millions et 1 milliard de francs. Confiés à la bibliothèque au XIXe siècle par le chef de la mission russe à Pékin, Iakinf Buchurin, les manuscrits étaient conservés dans une pièce fermée à clé, munie de barreaux en fer aux fenêtres et d’un système d’alarme, à laquelle seul le personnel de la bibliothèque avait accès. D’après son directeur, Vladimir Zaitsev, les voleurs ont bénéficié de complicités dans la place, d’autant que le poids total des ouvrages volés dépassait cent kilos.

À peine le directeur avait-il offert une récompense de 10 millions de roubles (environ 14 000 francs) pour tout renseignement pouvant conduire à une piste que, le 16 décembre, la police de Saint-Pétersbourg retrouvait les manuscrits, qui avaient déjà quitté la ville, et trois personnes étaient arrêtées. Comme la législation russe ne permet pas au directeur de verser la récompense directement aux membres des forces de sécurité, celui-ci a demandé à la Commission de sécurité fédérale d’habiliter un tiers à recevoir l’argent.

Ne disposant pas de la totalité de cette somme, Vladimir Zaitsev a également dû se mettre en quête d’un mécène. Les manuscrits sont aujourd’hui à l’abri dans les coffres de la Commission, et ressortiront comme pièces à conviction lors du procès. S’ils sont reconnus coupables, les voleurs risquent de cinq à quinze ans de prison.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : La police retrouve les manuscrits volés

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