La leçon d’Yvon Lambert

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 396 mots

Collectionner et accrocher des œuvres ne s’improvise pas. Cette évidence est pourtant démentie par nombre de lieux transformés en chambres fortes à tableaux où de tristes murs sont réduits à porter des noms sans laisser respirer ni sensibilité ni intelligence. Fruit d’un œil et d’une patiente expérience, la collection Lambert offre en revanche un rappel lumineux de cette maxime. À ne pas manquer.

AVIGNON - Dans la cour de l’hôtel de Caumont, le visiteur est accueilli par d’étranges sonneries de téléphone. Yvon Lambert a placé dans feu la loge du gardien la vidéo de Christian Marclay, montage désopilant faisant défiler en cascade acteurs et actrices en train de décrocher, de raccrocher ou de converser. Puis il est saisi par la majestueuse façade de cette demeure du XVIIIe, les mots de Lawrence Weiner qui courent sur le fronton, l’installation de Carl Andre dans la cour… Mais notre visiteur pénètre un espace où tout a été pensé avec subtilité et raffinement. Son œil doit être perpétuellement en éveil pour découvrir à côté d’œuvres très présentes d’autres beaucoup plus discrètes, comme ces oiseaux placés par la Coréenne Koo Jeong-a sur le bord du toit ! L’intérieur du bâtiment, qui a retrouvé son élégance première grâce à Rudy Ricciotti, offre un écrin de choix pour les artistes que défend le galeriste depuis les années soixante. Les tableaux blancs de Robert Ryman semblent avoir été peints pour la pièce qui les accueille, Richard Long dialogue aisément avec Niele Toroni : son cercle de morceaux de bois sur le sol trouve un écho dans les empreintes du second sur le mur, une imposante sculpture d’Anselm Kiefer contraste avec la fragilité d’un Richard Tuttle. À l’étage, Jean-Michel Basquiat a les honneurs d’une salle,  Nan Goldin projette sa vie, Cy Twombly occupe magistralement le mur du fond de la “grande galerie”. Les choix et l’accrochage décidés par Yvon Lambert et Éric de Mézil dépassent les seules citations pour faire vivre les œuvres et leurs créateurs. De telles exigences demandent de la ténacité et de la patience… L’exposition inaugurale a ouvert avec retard et ferme le 1er septembre, un mois avant la date prévue. Nouveau rendez-vous le 15 novembre. Mais ce sont plus de 400 œuvres que le galeriste prête à la Ville d’Avignon. L’enjeu est là !

- Collection Lambert. Hôtel de Caumont, 5 rue Violette 84000 Avignon. Tél. 04 90 16 56 20.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : La leçon d’Yvon Lambert

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque