Diplomatie culturelle

DIPLOMATIE CULTURELLE

France / Rwanda : la culture au service de la réconciliation 

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 27 juillet 2021 - 708 mots

KIGALI / RWANDA

La réouverture de l’Institut français de Kigali en mai 2021 accompagne la nouvelle stratégie française au Rwanda.

Emmanuel Macron visite l'exposition "Prémices" à l'Institut Français de Kigali, à la fin du mois de mai 2021. © Institut Français
Emmanuel Macron visite l'exposition « Prémices » qui réunissait de jeunes artistes rwandais à l'Institut français de Kigali, à la fin du mois de mai 2021.
© Institut français.

Kigali (Rwanda). Annoncée par Emmanuel Macron lors de sa visite officielle en mai, la réouverture de l’Institut français porte une charge symbolique forte : le président français a rappelé dans son discours que la décision avait été « prise avec le président Kagamé il y a trois ans ». Le projet se négociait donc au plus haut niveau politique, parallèlement à la préparation d’un changement de position sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis en 1994.

L’Institut français rouvre donc au moment où Emmanuel Macron reconnaît la responsabilité de la France dans ce génocide, ce qu’attendait le Rwanda depuis plus de vingt ans. Le sort du précédent Institut français de Kigali montre à quel point le chemin a été ardu pour les diplomates français : ouvert en 2010, il avait fermé au printemps 2014 dans un climat de tensions avec la municipalité de la capitale. En juin 2014, l’institut était finalement détruit à la suite d’un contentieux de nature immobilière avec la municipalité… Le nouvel Institut français bénéficie cette fois du soutien de la Ville, comme le précise Juliette Bigot, conseillère de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France au Rwanda et directrice de l’Institut français : « La Mairie de Kigali a suivi de près le projet faisant suite à l’engagement des deux présidents en mai 2018. » La programmation d’ouverture vise à attirer un public très large, et est « pensée en priorité pour répondre aux attentes de la jeunesse », indique-t-elle. Emmanuel Macron a en effet insisté dans son discours sur « une nouvelle alliance avec la jeunesse rwandaise »,  dans le cadre d’une relation « d’équilibre ».

La francophonie d’abord

Cet Institut signe un nouveau départ pour la place du français au Rwanda. En 2008, le président Kagamé avait en effet supprimé le statut de langue d’enseignement pour le français, tout en faisant la promotion de l’anglais et en proposant la candidature du Rwanda au Commonwealth. Juliette Bigot précise que « le français restait l’une des quatre langues officielles » du Rwanda, mais que l’anglais a gagné du terrain. Elle souligne également que la nomination en 2018 de la Rwandaise Louise Mushikiwabo comme secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a facilité le rapprochement entre la France et le Rwanda. Le cœur des actions de l’Institut de Kigali sera donc la « francophonie et pas seulement [le] français et […] la France », comme le souhaite Emmanuel MacronLes cours de français représentent cependant l’une de ses principales sources de revenus, comme c’est souvent le cas dans le réseau culturel français. Juliette Bigot ajoute que le centre de langues complétera « les actions en faveur du français engagées par l’ambassade depuis 2019, et le nouvel appui de 5 millions d’euros de l’AFD (Agence française du développement) en soutien au plan d’enseignement du français dans le système éducatif rwandais ».

Expositions et rencontres

Il y a en effet un marché assez large pour le français et la francophonie au Rwanda, où près de la moitié de la population comprend le français selon l’OIF, notamment à Kigali et dans les provinces de l’Ouest et du Sud. Scolaires, étudiants et professionnels constituent l’essentiel du public visé par les cours de langue, avec « une marge de progression très importante », estime Juliette Bigot, le tout dans un objectif de « soutenabilité financière ». Les expositions d’art contemporain et rencontres littéraires complètent le programme de l’Institut, dans une ville où les sorties culturelles ne sont pas « une pratique répandue faute de dispositifs et de moyens ». Plus largement, ce centre culturel contribuera au soft power français en Afrique de l’Est, comme le laissait entendre Emmanuel Macron : « Il faut continuer ce que N’Goné Fall [commissaire générale de la saison “Africa 2020”] a su proposer à la France. » Soit une relation fondée sur« la coopération » avec des acteurs locaux. Juliette Bigot évoque ainsi des « coproductions francophones et le soutien aux artistes locaux » comme l’une des missions de l’Institut. Avec la détente amorcée dans les relations politiques entre les deux pays, l’aspect économique prend lui aussi de l’ampleur, comme le montre le forum organisé en juin 2021 à Paris dans le cadre d’Africa 2020 : y étaient présents l’AFD, l’Institut français, la Sacem et le ministère de la Culture aux côtés de dizaines d’entrepreneurs rwandais du secteur culturel et créatif. C’est donc une nouvelle ère qui s’ouvre pour les relations bilatérales entre la France et le Rwanda.

L'Institut français de Kigali au Rwanda. © Institut français.
L'Institut français de Kigali au Rwanda.
© Institut français.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : La France cherche à reprendre pied au Rwanda

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