La Fondation Pinault en réflexion

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 25 mai 2001 - 597 mots

Annoncée en septembre dernier, l’installation de la Fondation Pinault sur l’ancien site des usines Renault, sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, entre aujourd’hui dans une nouvelle phase avec la présentation prochaine des projets des sept architectes sélectionnés. Le statut de la Fondation reste cependant toujours au stade de la réflexion.

Les sept architectes – Tadao Ando, Manuelle Gautrand, Steven Holl, Rem Koolhaas, MVRDV, Dominique Perrault et Alvaro Siza – appelés pour construire la fondation de François Pinault sur l’île Seguin rendront le 30 juin prochain leurs propositions. (lire le JdA n° 119, 19 janvier 2001). La première phase de ce projet qui devrait donner lieu à la création de l’un des plus importants musées privés de France, ne doit rien au hasard. Mené avec François Barré, énarque, ancien président du Centre Georges-Pompidou et ancien responsable de la Direction de l’architecture et du patrimoine (Dapa) au ministère de la Culture, ce “concours” semble dicté par un modèle qui tient davantage des règles de droit public que des choix arbitraires d’un puissant mécène. Certes, l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, est un site suffisamment sensible pour l’histoire industrielle et sociale de notre pays pour qu’aucune décision ne soit prise à la légère. Il a d’ailleurs été demandé aux architectes un projet d’aménagement de l’ensemble de l’île (lire JdA n° 122, 2 mars 2001). Mais l’orchestration de cette consultation et le choix d’un panel prestigieux d’architectes affirment d’emblée les ambitions d’un projet appelé à connaître un rayonnement national, voire international. Gageons qu’à l’instar du Musée Guggenheim de Bilbao – lui aussi d’ailleurs construit au bord d’un cours d’eau –, la Fondation Pinault élèvera Boulogne à une notoriété mondiale inespérée. Cette démarche relève également de ce que l’on pourrait appeler une logique de service public en voulant donner l’accès d’une collection d’œuvres d’art au plus grand nombre. François Pinault semble particulièrement sensible à ce point, lui qui entend, selon ses proches, partager son expérience avec le public. Outre le fait que cette attitude n’est pas, à la différence des États-Unis, monnaie courante en France, l’État prenant lui-même parfois un malin plaisir à ruiner les ardeurs des mécènes les plus enthousiastes, elle permet d’emblée à cette future fondation de se placer idéalement pour obtenir le statut de fondation d’intérêt public, avec ses privilèges inhérents (lire p. 16). Néanmoins, le choix définitif de la forme que prendra la Fondation Pinault n’est pas, aujourd’hui, arrêté. Les juristes mènent actuellement une réflexion concernant son statut juridique, tout autant que celui des œuvres. Comme tout fondateur, François Pinault perdrait en effet le contrôle sur les pièces données à sa nouvelle structure, ce dont il ne semble pas pressé. L’une des solutions consisterait à ce qu’il mette en dépôt sa collection sur l’île Seguin, même si cette possibilité pourrait être moins avantageuse sur le plan financier et fiscal pour le milliardaire. Pour l’heure, et en l’absence de cadre juridique, François Pinault continue d’enrichir à titre privé sa collection qui ferait déjà pâlir plus d’un musée, avec ses Nabis, Degas, Mondrian, De Kooning, Rauschenberg, Koons, Serra... Son fonds d’art vidéo – l’un des axes forts de sa politique d’acquisition – pourrait bientôt devenir l’un des plus importants au monde. Surtout, l’engagement pour l’art le plus actuel de cet homme dont la réussite force l’admiration de nombreux entrepreneurs, permettra peut-être de changer certaines mentalités.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°128 du 25 mai 2001, avec le titre suivant : La Fondation Pinault en réflexion

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