Ventes aux enchères

La FIAC monte en puissance

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 23 septembre 2005 - 1542 mots

La foire se place du 6 au 10 octobre sous le signe de la continuité avec, en prime, l’arrivée de quelques poids lourds du marché. Et organise son retour au Grand Palais avec quelques soirées festives.

En politique, on dirait que la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) navigue entre le centrisme et le progressisme. En s’alignant dans une continuité homéopathique avec la dernière édition, la direction bicéphale de Jennifer Flay et Martin Bethenod pratique à sa façon la « Révolution de velours ». « La FIAC s’inscrit dans une logique d’année no 2, observe Martin Bethenod. L’impulsion a été donnée en 2004. L’idée est de monter en puissance et de conforter les axes de l’an dernier. L’ère où l’on donnait un coup de volant à droite puis à gauche est terminée. » Les meilleures idées – ou les pires – ne peuvent en effet s’éprouver qu’avec le temps.
Et le temps semble lentement faire son œuvre au vu d’une participation étrangère révisée à la hausse, avec 54 % contre 49,8 % l’an passé. Une présence fortifiée par l’arrivée en commando de puissants acteurs zurichois comme Hauser & Wirth, Nicola von Senger et Eva Presenhuber, les retours d’Esther Schipper (Berlin), Rodolphe Janssen (Bruxelles) ou Art & Public (Genève), ainsi qu’un front londonien plus axé sur le moderne. Cette relative internationalisation laisserait-elle entendre que le marché français est moins létal qu’il n’y paraît ? « Le marché de l’art fonctionne avec la nécessité périodique de trouver un nouveau spot où se focalise une attractivité, une énergie, analyse Martin Bethenod. Peut-être du fait même de sa relative discrétion ces dernières années, Paris n’est pas mal placée pour être ce nouveau spot. » Un point de vue que semble conforter l’ouverture de bureaux parisiens par les galeries Haunch of Venison (Londres, Zurich) et Sprüth Magers Lee (Cologne, Munich, Londres). « Je remarque que, depuis deux ans, la France devient dynamique. Je ne sais pas s’il y a plus de collectionneurs qu’avant, mais en tant que galerie allemande, nous n’étions peut-être pas attentifs aux collectionneurs français. Nous n’avons pas actuellement d’artistes français, et il était difficile que les collectionneurs hexagonaux soient à l’écoute de notre programme. Il faut aller à leurs devants », estime Séverine Waelchli, responsable du bureau parisien de la galerie Sprüth Magers Lee.
Pour ménager le public hexagonal de la FIAC, le francophile Robert Miller (New York) apporte un tableau récent de Soulages, tout en déviant de son ornière avec une sculpture de l’Australienne Patricia Piccinini.
La carotte du déménagement l’an prochain d’une partie du salon au Grand Palais n’est pas non plus étrangère à ces arrivées. Une perspective à prendre toutefois avec des pincettes, car les 6 000 m2 de la nouvelle configuration de ce lieu prestigieux ne pourront accueillir que 50 galeries. Le reste des exposants sera-t-il aligné sous des tentes en bordure du Grand Palais ? Par ailleurs, quid de l’utilisation du site pendant la seconde tranche de travaux, évoquée par le ministre de la Culture ? Pour l’heure, la FIAC y prévoit du 6 au 8 octobre une exposition parallèle d’œuvres d’art et d’architecture d’artistes aussi différents que Franz West ou Jean-Luc Vilmouth, ainsi qu’une programmation de films et performances d’artistes. Ce choix d’une présence symbolique orientée sur le très contemporain a de quoi surprendre dans la mesure où les enseignes classiques sont plus logiquement vouées à s’arrimer au Grand Palais. « Il y a la logique de la symbolique, et celle de la réalité. Notre souhait est de placer ces retrouvailles avec le Grand Palais sur le registre du festif, du vivant, et pas de la nostalgie », répond Martin Bethenod.

Énergique hall 5.1
L’art le plus actuel, via les jeunes enseignes, sera aussi visible dans le hall 5.1 de la foire, au sein des secteurs « Future Quake » et « Perspectives » (lire p. 19). Bien que certains collectionneurs n’en aient pas franchi les portes l’an dernier, cette section avait dégagé une énergie à faire pâlir d’envie les travées plus ronronnantes du hall 4. Pour cette édition, les exposants s’y adonnent volontiers à des one-man shows risqués comme Grégoire Maisonneuve (Paris) avec Jan Kopp et Jocelyn Wolff (Paris) avec Guillaume Leblon, ou encore Valérie Cueto (Paris), montrant des installations peu commercialisables telle la chambre déconstruite de Chris Sauter. L’architecture de cette section devra toutefois être révisée. La contiguïté des deux secteurs « Future Quake » et « Perspectives », dont la différence n’est pas frappante, est matière à confusion, comme l’est la sectorisation outrancière de l’ARCO [foire d’art moderne et contemporain] à Madrid. Le label jeune se révèle aussi à géométrie variable. Les contingences financières expliquent la présence de galeries pas vraiment bourgeonnantes parmi les recrues de « Perspectives ». « Dans le hall 4, il est difficile de rivaliser avec des galeries déjà renommées. Les collectionneurs viennent aussi l’œil plus pétillant », observe Patricia Houg (Lyon), laquelle a opté pour « Perspectives » après avoir pratiqué le secteur général. Pourtant, les possibilités de découvertes ne se résument pas à un hall labellisé jeune. Certains « jeunes » galeristes comme Kamel Mennour (Paris) préfèrent concourir dans le hall 4, pour ne pas « donner l’impression d’être un homme de 60 ans qui cherche à sortir avec une fille de 20 ans » !
Imposé aux exposants de « Future Quake », le prix plafond de 5 000 euros l’œuvre risque d’être contraignant car, soit les artistes doivent adapter leur travail, soit les galeries doivent restreindre leurs ambitions. Ou tout simplement contourner la règle… « Il est difficile de montrer un grand choix d’œuvres-clefs ou d’installations complexes, admet Andreas Lange, de la galerie schleicher lange (Paris). Par exemple, nous aurions bien aimé présenter une pièce de Zoë Mendelson constituée de neuf peintures cachées dans un meuble ancien, une œuvre très importante de l’artiste, mais bien évidemment, une telle œuvre ne peut pas être vendue à un prix aussi bas. » D’après Amélie Bellanger, codirectrice de la galerie Atelier Cardenas-Bellanger (Paris), cette limite peut aussi refroidir les achats institutionnels. « Le Fond national d’art contemporain (FNAC) achète plus souvent des pièces à 5 000-7 000 euros qu’à 400-500 euros sur la FIAC. Du coup, il est difficile de vendre aux collections publiques, qu’on a déjà du mal à faire venir en galerie », regrette-t-elle.
Dans le hall principal, quelques habitués proposent des one-man shows comme Claude Bernard (Paris) et son hommage au peintre Paul Rebeyrolle, Lelong (Paris) et le dialogue Pierre Alechinski-Karel Appel, Louis Carré & Cie (Paris) avec un accrochage de paysages d’Olivier Debré réalisés à l’étranger ou encore Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) avec Georg Baselitz. Certains optent pour des ensembles thématiques comme les hyperréalistes chez Patrice Trigano (Paris), en écho à l’exposition présentée simultanément dans sa galerie, les dessins d’architectes chez Zlotowski (Paris) ou la figuration narrative chez Thierry Salvador (Paris). D’autres essayent de chatouiller le train-train. Art & Public (Genève) donne ainsi carte blanche à Raphaël Julliard, fraîchement sorti des Beaux-Arts de Lausanne. Sur un stand transformé en entrepôt, l’artiste vendra 1 000 monochromes rouges fabriqués en Chine à 100 euros pièce. « Soit on fait une foire pour vendre bien, comme à Bâle, soit il faut faire l’événement », défend le directeur d’Art & Public, Pierre Huber. Ce dernier organisera toutefois un dîner privé pour négocier quelques pièces plus juteuses financièrement, et rentabiliser sa venue.
Le design, dont le succès commercial avait l’an dernier irrité de nombreuses galeries, reste circonscrit au fond du hall 4. Pour tempérer la grogne, un numerus clausus tacite évite que la section ne gagne en ampleur. On relève du coup peu de rotation cette année, si ce n’est le remplacement de David Gill (Londres) par Dansk Møbelkunst (Paris). De/di/by (Paris), dont le courageux travail plus proche du laboratoire que de la vente de meubles faisait l’effet d’un ovni l’an dernier, a plus logiquement rejoint les rangs des galeries d’art.
Détail pratique enfin, mais qui prend son sens lorsqu’on prétend capitaliser sur le luxe français, l’espace VIP ne se résume plus à un hall de gare miséreux et venteux, mais a été réinstallé par les bons soins de Cappellini sur la mezzanine du hall 4. De même, pour éviter un embouteillage de poussettes le week-end, les organisateurs ont conçu pour les chérubins l’espace Minilab, en partenariat avec l’atelier des enfants du Centre Pompidou. Ne dit-on pas que tout est dans le détail ?

-FIAC, 6-10 octobre, halls 4 et 5.1, Parc des expositions, porte de Versailles,75015 Paris, tél. 01 41 90 47 80, www.fiacparis.com, du 6 au 9 octobre 12h-20h, le 10, 12h-18h. - DIVA, 6-9 octobre, Kube Hôtel, 1-5, passage Ruelle, 75008 Paris, www.divafair.com, le 6 oct. 19h-23h, le 7, 12h-20h, le 8, 14h-22h, le 9, 12h-20h. FIAC - Commissaire général : Martin Bethenod - Directeur artistique : Jennifer Flay - Nombre d’exposants : 232 - Nombre de visiteurs en 2004 : 81 721 - Tarifs : galerie art moderne et contemporain : 245 euros HT le m2 - « Future Quake » : module de 20 m2 à 3 595 euros HT - « Perspectives » : module de 30 m2 à 5 785 euros HT DIVA : - Commissaire du salon : Elga Wimmer - Nombre d’exposants : 30 - Tarifs : 2 400 à 2 600 euros

De la difficulté d’être une foire « off » à Paris !

Si l’ultra-sélectivité de certains temples du marché comme Art Basel ou Art Basel Miami Beach a généré un foisonnement de foires off, la donne se révèle plus problématique à Paris. Car la FIAC a depuis deux ans élargi ses rangs à de très jeunes galeries françaises et d’autres plus matures mais frustrées d’avoir été auparavant exclues de la manifestation. Face à la forte représentation hexagonale du salon, la pêche locale pour les foires alternatives s’annonce ardue. La pêche tout court aussi puisque la foire off DIVA (Digital art & video) a mis du temps à réunir la trentaine de participants, puisant même dans le vivier de la FIAC. Les galeries Les filles du calvaire et Albert Benhamou jouent le pari du doublon. Initiée cette année à New York, DIVA s’est spécialisée, comme LOOP à Barcelone, dans la vidéo et l’image digitale. À une différence près. « LOOP veut sensibiliser la ville, contaminer le tissu urbain à Barcelone comme le Mois de la photo à Paris. DIVA reste une foire cantonnée à l’hôtel qui l’accueille, et fonctionne sur l’essaimage », indique Romain Torri, porte-parole de la manifestation à Paris. Si les foires off prenaient naguère leurs quartiers dans des bâtiments industriels ou des hôtels de gamme moyenne, elles rallient de plus en plus les établissements de luxe. DIVA Paris s’installe ainsi dans le luxueux hôtel Kube, flambant neuf. Avant d’être annulée à la mi-août, Scope Paris briguait de son côté le très sélect Hôtel K. « Les négociations avec l’hôtel ont traîné en longueur. Il nous demandait le double du prix que nous avions jamais payé ailleurs », s’indigne le président de Scope, Alexis Hubshman, tout en précisant que la manifestation sera reportée à l’année prochaine. Vu le caractère lunatique et grossier du directeur, nulle surprise que les négociations aient tourné court ! Même si Scope Paris avançait un nombre de 40 à 60 candidatures, il n’est pas sûr que le niveau des postulants ait été à la hauteur des espérances. Il faut bien l’avouer, depuis deux ans, la cote de popularité de Scope vacille à mesure que s’aiguise la concurrence d’autres événements comme NADA. La loi des foires off est aussi celle de la jungle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : La FIAC monte en puissance

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