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Les Archives à Fontainebleau pourraient fermer

La fermeture définitive des archives de Fontainebleau se précise

La fermeture définitive du site bellifontain des Archives, inaccessible depuis presque deux ans, aurait la préférence du ministère de la Culture au profit d’une reconstruction à Pierrefite-sur-Seine

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 2 février 2016 - 1275 mots

FONTAINEBLEAU

Le site des Archives nationales à Fontainebleau est fermé depuis deux ans en raison du sol devenu instable. Selon la CGT-Culture, le ministère privilégierait un rapatriement à Pierrefitte-sur-Seine qui n’était pas prévu pour accueillir ces fonds. C’est dans tous les cas un scénario catastrophique pour les finances publiques. Une solution à trouver d’urgence, car plusieurs documents sont inaccessibles, paralysant la bonne marche de l’Administration.

FONTAINEBLEAU - On savait le site en sursis depuis des mois. Branle-bas de combat à Fontainebleau : le scénario de la fermeture pure et simple des Archives serait privilégié par le ministère de la Culture selon le syndicat CGT-Archives, qui a fait grève en novembre, et dont certains agents ont manifesté en décembre dans les locaux du ministère de la Culture à Paris.

Les bâtiments 1 et 2 du site des Archives nationales de Fontainebleau sont fermés depuis le 28 mars 2014. Un rapport d’expertise rendu le jour même à la direction évoquant des « risques sur la stabilité structurelle de l’ouvrage pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes » avait contraint Hervé Lemoine, directeur chargé des Archives de France à « un principe de précaution absolu » devant les larges fissures apparues dans les murs de ces deux bâtiments. En cause, une « erreur de conception » des bâtiments qui auraient été érigés dans les années 1970 sans micro-pieux sur un sol instable. L’argile verte qui le compose a en effet la propriété de gonfler et dégonfler en suivant le taux d’humidité.

Or le même principe de précaution a prévalu les mois suivants, interdisant aux agents comme aux bureaux d’experts l’entrée dans les bâtiments. Aucune étude technique n’ayant été menée à l’intérieur du bâtiment, le statu quo a régné pendant plus d’un an. En mai 2015, Fleur Pellerin déclarait au Sénat : « Les conditions de sécurité rendent très compliqués les travaux d’enquête et d’investigation qui nous permettront de nous prononcer sur le scénario à privilégier. ».

En juillet dernier, les premières équipes autorisées à entrer dans le bâtiment ont découvert une inondation dans le cinquième sous-sol du site, avec, par endroits, entre 2 et 7 cm d’eau. Les pompes d’évacuations avaient disjoncté : près de 10 km de linéaire ont alors été touchés par l’humidité. « Humidité ne veut pas dire moisi », rassurait alors la direction. Des études menées par l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture durant l’été ont servi au rapport de synthèse rendue à la ministre Fleur Pellerin, sur la base de trois scénarios : consolidation des bâtiments, démolition et reconstruction sur site, ou reconstruction sur le site de Pierrefitte. Une réunion avec les syndicats a mis le feu aux poudres à la mi-novembre : « le directeur des Patrimoines nous a annoncé qu’il privilégiait le scénario de fermeture du site, alors qu’il existait des possibilités de rénovation et de reconstruction des bâtiments, au lieu de tout déménager », explique Wladimir Susanj, secrétaire général de la CGT-Archives. Une décision « au doigt mouillé » selon les syndicats, qui ne veulent pas laisser le site, ouvert en 1979, partir à l’abandon. Le rapport d’expertise redoute pourtant que le sol d’argile verte ne soit impropre à une reconstruction.

Embouteillages  à Pierrefitte ?
Une bataille de chiffres (bien connue aux Archives) est en train de s’engager. Selon l’étude qu’ont consultée les syndicats, une reconstruction sur le site de Pierrefitte-sur-Seine représenterait un coût moindre que la reconstruction à Fontainebleau : 170 millions d’euros contre 220. Or selon eux, la fermeture du site signifierait la perte d’une capacité de stockage de 220 kilomètres linéaires et l’abandon d’une réserve foncière importante. Pour la direction des Archives, il ne s’agit que de 60 km linéaires impactés sur les bâtiments 1 et 2, plus 20 km abrités sur le reste du site, puisque de facto, 160 km (sur les 220 km que comptait initialement l’antenne bellifontaine) ont été transférés à Pierrefitte lors de son inauguration en 2013.

Or le nouveau site de Pierrefitte est censé avoir une capacité de stockage adaptée au rythme des versements jusqu’en 2043. Un déménagement sur site des archives de Fontainebleau rendrait caduque cette feuille de route, ne serait-ce qu’au niveau du foncier disponible aux alentours. Et pour les finances de l’État, le sinistre de Fontainebleau tombe au plus mal : inauguré il y a deux ans et demi, Pierrefitte avait coûté la bagatelle de 244 millions d’euros, et les différents scénarios encore à l’étude se chiffrent également en dizaines de millions d’euros, tant pour une reconstruction qu’une consolidation de l’existant. Cette dernière option sous-tendrait de toute manière un déménagement temporaire des Archives vers Pierrefitte le temps du chantier.

Des dossiers de naturalisation gelés
La fermeture de Fontainebleau entraîne depuis mars 2014 l’inaccessibilité de nombre d’archives : celles des architectes, des fonctionnaires, les archives audiovisuelles, les dossiers de la Cour des comptes ou encore les contentieux du Conseil d’État avec des conséquences gênantes. À titre d’exemple, l’immobilisation des dossiers de la Commission nationale de financement des comptes de campagne et des financements politiques, non numérisés, empêche certains magistrats d’agir. Plus problématique, ce sont surtout les dossiers de naturalisations de la seconde moitié du XXe siècle qui sont inaccessibles aux Français en quête de renouvellement de pièce d’identité.
Depuis mars 2014, le nombre des agents travaillant sur site a baissé de 20 %, suite à des départs volontaires, passant d’une cinquantaine à une quarantaine d’agents. Une partie des archives a déjà fait l’objet d’un rapatriement vers Pierrefitte, et la collecte informatique a repris après l’installation de préfabriqués (« des bâtiments modulaires » selon les termes de la ministre Fleur Pellerin). Mais l’inquiétude prévaut chez les agents, qui, pour la plupart résident dans cette partie Sud de la Seine-et-Marne, distante en voiture de plus d’une heure et demi de Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis.
Vu l’importance du chantier et l’engagement financier qu’il supposera pour les années à venir, la décision revient à la ministre de la Culture, sans doute après accord et engagement du chef de l’État. Pour l’instant, Fleur Pellerin ne s’est pas exprimée publiquement sur le sujet. De même, la direction des Archives, sollicitée, n’a pas répondu à nos questions.

Les Archives récompensées par le prix « Patrimoines pour tous »

Pour sa cinquième édition, le ministère de la Culture a remis les prix « Patrimoines pour tous », mercredi 27 janvier, en clôture de la 10e Commission culture et handicap. Ce prix récompense musées, châteaux, sites ou monuments pour leurs mises en conformité aux normes des handicaps, leur travail de médiation et de mixité sociale. Pour les collectivités territoriales, le premier prix a été décerné cette année au Musée départemental de la céramique de Lezoux (Puy-de-Dôme) qui reçoit 20 000 euros. Le Musée des beaux-arts de Quimper et le Musée Fabre de Montpellier se partagent le deuxième prix ex æquo, doté de 15 000 euros. Dans les catégories des établissements nationaux, les Archives nationales (Site de Paris et de Pierrefitte-sur-Seine), ont été primées pour leur participation à différents projets de recherche visant à améliorer l’accès pour tous aux ressources et à la connaissance. À l’issue de la Commission Fleur Pellerin a voulu réaffirmer l’objectif de la Loi sur l’accessibilité votée en 2005. « Cette ambition ne peut s’atteindre que dans la mesure où la vie culturelle même s’efforce de faire une place à chacun. Dans cette démarche d’inclusion, l’absence d’offre adaptée ne peut donc être la règle : elle ne peut être que l’exception. » En juillet 2015, un délai de trois à neuf ans a été donné aux établissements pour se mettre en conformité avec la loi de 2005, l’échéance au 1er janvier 2015 n’ayant pu être tenue « du fait du retard accumulé ».

Légende photo

Le site des Archives à Pierrefitte sur Seine, où une partie des archives de Fontainebleau ont été transférées. © Photo : Alain Berry.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°450 du 5 février 2016, avec le titre suivant : La fermeture définitive des archives de Fontainebleau se précise

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