Art moderne

La femme fut à Picasso ce que la peinture est au pinceau

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 décembre 2006 - 510 mots

« Picasso, muses et modèles », jusqu’au 28 février au musée Picasso à Málaga, montre un Picasso don Juan, amoureux de ses maîtresses et de leur représentation. Mais l’exposition rappelle surtout qu’à chaque période de sa peinture correspond une femme. Et à chaque femme, une représentation.

Málaga présente la facette sans doute la plus indéniable du travail de Picasso : son rapport avec les femmes. « Mon grand-père était un roi soleil, un astre dominateur dont les femmes étaient les planètes satellites, tournant complaisamment sur elles-mêmes, s’approchant de l’étoile, s’écartant parfois – quand il ne décidait pas de les envoyer s’éteindre au fond de la galaxie », écrit Olivier Widmaier-Picasso dans Picasso, portraits de famille.

L’absence de Françoise Gilot
L’exposition retrace les grands chapitres de la vie affective et artistique du maître andalou. « Le parcours amoureux de Pablo fut la condition sine qua non de son œuvre, poursuit Olivier Picasso. Même lorsque le seul sens politique dictait sa main, comme dans Guernica, c’est toujours la femme ou les influences féminines du moment, fussent-elles concurrentes, qui donnaient forme humaine aux personnages de l’œuvre. La femme fut à Picasso ce que la peinture est au pinceau. Indissociable, essentielle, fatale. » Puisant uniquement dans la collection Jacqueline Picasso, dernière compagne de l’artiste, le parcours porte surtout sur les dernières années du don Juan. Étrangement, l’une des femmes capitales de sa vie, Françoise Gilot, ne figure pas sur les cimaises.

L’exposition commence avec Fernande Olivier, femme simple et spontanée, compagne du dénuement au Bateau-Lavoir. Le couple se sépare en 1912. Cinq ans plus tard, Picasso rencontre la danseuse russe Olga Kokhlova. L’une des biographes de l’artiste, Arianna Stassinopoulos-Huffington, offre d’elle ce portrait tranchant : « Olga était avant tout moyenne… Olga était si conventionnelle à tous égards qu’elle était pratiquement exotique. » Picasso, qui avait « inventé » le cubisme avec ses Demoiselles d’Avignon, renoue avec un style plus classique. C’est que la vie avec Olga se caractérisait par un retour à l’ordre policé. Dans l’exposition, les portraits d’elle jonglent entre la vision d’une bourgeoise distante et corsetée et la mère protectrice.

Jacqueline Roque l’inspiratrice
Rencontrée en 1927, Marie-Thérèse Walter sera celle qui réveillera le Minotaure. Les portraits tout en courbes qu’en fait Picasso sont à la fois doux et tendres. À la blonde sérénité qui se dégage de Marie-Thérèse, s’oppose le caractère tourmenté de la brune Dora Maar. Intellectuelle et orageuse, cette photographe partagera la vie de Picasso en même temps que Marie-Thérèse. Dora Maar ramène l’artiste à l’engagement politique. Aussi différentes soient-elles, Dora et Marie-Thérèse se confondent parfois dans une même représentation.

Le parcours fait donc l’impasse sur Françoise Gilot pour évoquer longuement Jacqueline Roque. Dès le milieu des années 1950, le vieux lion la représente abondamment, assise dans l’atelier, l’air méditatif, presque détachée du tableau. « À la différence de toutes celles qu’il a peintes auparavant, cette fois, il ne croise pas les visages ou les couleurs de cheveux des femmes de son existence, observe Olivier Picasso. Comme si à l’automne de sa vie, il recommençait une carrière d’artiste. »

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°586 du 1 décembre 2006, avec le titre suivant : La femme fut à Picasso ce que la peinture est au pinceau

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