Disparition

DISPARITION

La disparition du professeur Bruno Foucart (1938-2018)

Par Eric de Chassey · Le Journal des Arts

Le 19 janvier 2018 - 703 mots

L’historien de l’art, professeur à la Sorbonne et membre de plusieurs commissions patrimoniales est décédé le 5 janvier. Nombreux sont ses élèves à occuper aujourd’hui les plus hautes responsabilités.

Bruno Foucart
Bruno Foucart

Paris. Bruno Foucart, qui vient de disparaître à l’âge de 79 ans, eut au cours de sa brillante et longue carrière universitaire de très nombreux élèves, dont il dirigea les recherches. C’est sous sa direction que je soutins ma thèse de doctorat. Lui rendre visite, comme je le fis souvent au cours des années 1990, dans l’appartement dont il bénéficiait en tant que directeur scientifique de la bibliothèque Paul-Marmottan à Boulogne-Billancourt, c’était se trouver confronté à des murs recouverts de tableaux, de dessins et de gravures relevant souvent de ce que l’on appelait alors avec condescendance l’« art pompier » ou l’« art académique » et à des pièces remplies de meubles de diverses époques dont beaucoup auraient été qualifiés de « kitsch ».

Si ces termes ont aujourd’hui un usage bien moindre qu’à l’époque, on le doit notamment à l’activité inlassable de cet historien de l’art à la fois prolifique, engagé et mélancolique (au sens de Baudelaire écrivant que « la mélancolie est l’illustre compagnon de la beauté »), dont la collection reflétait largement les choix paradoxaux. Car celui qu’il fit très tôt de s’intéresser et de défendre cette partie de l’art du XIXe siècle que le modernisme avait ringardisée ne le conduisait pas à une nostalgie anti-contemporaine, bien au contraire. Était-ce parce que, pendant vingt ans, il fut professeur aux Beaux-Arts de Paris en même temps qu’en Sorbonne (après avoir commencé sa carrière universitaire à Dijon puis à Nanterre) ? Il était attentif en tout cas à l’actualité de l’art, et les articles qu’il rédigea au début des années 1980 en tant que critique d’art régulier au journal Le Quotidien de Paris en portent la marque. De même, s’il s’enthousiasma pour les frères Flandrin ou pour Félix Duban, il écrivit aussi sur Courbet et sur l’Exposition universelle de 1937.

Un historien de la continuité

Pendant les deux années qu’il passa comme conseiller au cabinet de Michel Guy, alors secrétaire d’État à la culture (1974-1976), années qu’il évoquait rétrospectivement comme bénies malgré l’ampleur de la tâche, il impulsa une politique audacieuse en matière d’architecture, d’urbanisme et de décors publics des XIXe et XXe siècles, qui permit de sauvegarder des bâtiments aujourd’hui reconnus comme majeurs mais que l’état de la législation et les préjugés ne permettaient pas jusque-là de protéger. Il considérait en effet, non sans se prêter avec grand plaisir aux polémiques qu’une telle position pouvait engendrer, que l’historien de l’art devait être plus sensible aux continuités qu’aux ruptures et prendre particulièrement en compte les évolutions et les contradictions du goût, en s’intéressant à des objets qu’il jugeait exemplaires non parce qu’ils auraient répondu à des critères intemporels mais parce qu’ils incarnaient mieux que d’autres, selon lui, l’état de ces critères pour une période donnée. Cela le conduisit à rédiger une thèse de doctorat d’État consacrée à ce qu’il appela de façon provocante « Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860) », devenue un livre en 1987 [publié aux éditions Arthéna]. Il y redécouvrait nombre de « petits maîtres » et de grands artistes, dont beaucoup ont depuis fait l’objet d’expositions et d’autres publications, notamment parce que ses élèves devinrent enseignants-chercheurs, conservateurs et critiques d’art, voire présidents de musée (Laurence des Cars) et d’université (Barthélémy Jobert), ou bien même ministres (Jean-Jacques Aillagon).

Ses objets d’étude, de passion, d’exposition, il allait les chercher dans toutes les disciplines, refusant les cloisonnements qui marquent trop souvent l’histoire de l’art et séparent les spécialistes de la peinture de ceux de l’architecture, ceux des arts décoratifs de ceux des arts graphiques. Porté par un regard d’une extrême acuité, il était sensible aux particularités formelles aussi bien qu’aux fonctions : il suffisait de l’entendre évoquer l’architecture judiciaire ou pénitentiaire, à laquelle il consacra cours et articles, pour en être frappé. Il ne rédigea pas de grandes sommes mais des centaines d’articles et de communications savantes. La forme brève, qui lui permettait de faire surgir des idées inattendues sans avoir à peser, lui convenait mieux sans doute que de longues démonstrations et justifications. C’était un effet de son élégance, dégingandée et impériale à la fois, qui le rendait si singulier.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : Bruno Foucart (1938-2018)

Tous les articles dans Campus

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque