Disparition

HOMMAGE

La disparition de Jacques Monory

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2018 - 507 mots

Il était l’un des principaux représentants de la Figuration narrative. Jacques Monory s’est éteint à 94 ans, laissant une œuvre très repérable.

Jacques Monory dans son atelier en 2009
Jacques Monory dans son atelier en 2009
© Photo Baptiste Lignel / L'OEIL

Paris.« J’ai très peur de la mort. J’en ai peur depuis bien longtemps », avouait Jacques Monory en 2004 au journal Le Monde. La Mort ? Celle-ci n’a cessé, depuis les années 1960, de hanter ses tableaux emplis de meurtres, d’explosions, de revolvers et d’impacts de balles. Le tout noyé sous un fond bleu nocturne monochrome, sa patte, sa marque de fabrique. « Je mets du bleu parce que les couleurs dites naturalistes me dégoûtent et que tout n’est qu’illusion », répétait-il. Éternel chapeau sur la tête, lunettes noires et veste en cuir, l’artiste a toujours pris soin de cultiver son allure de gangster dandy. Celui qui a passé son temps à figurer des scènes de violence – en se représentant volontiers dans ses toiles déclinées sous forme de séries – était pourtant un homme doux et discret. Un homme pourtant passionné par le tir au revolver qu’il pratiquait et par les romans noirs et les films américains de série B des années 1940.

Cadrage cinématographique

« C’est le plus cinéaste des peintres contemporains», écrivait Alain Jouffroy. Peintre, photographe et cinéphile, grand amateur de cinéma d’auteur de Chris Marker à Orson Welles, Monory était aussi cinéaste. Il a réalisé plusieurs films dont Brighton Belle en 1974 où l’on retrouve ses marottes : automobiles et armes à feu. Pour construire ses toiles, il emprunte au cinéma la structure du plan-séquence, le gros plan, le cadrage décalé et organise ses fictions comme s’il s’agissait d’un arrêt sur image. Ce sont deux séries de peintures qui l’ont révélé au public : « Les meurtres » (1968) et « Velvet jungle » (1969-1971) qui témoignaient de sa passion pour le septième art. « C’est ma nature profonde de raconter des histoires en peinture. La première que j’ai faite est celle sur les meurtres. Elle faisait suite à une histoire très personnelle qui m’a conduit à peindre ma propre mort, mon propre assassinat », expliquait-il, en 2015, à la revue L’œil.

Diplômé de l’École des arts appliqués en 1944, Monory participe en 1964 à l’Exposition « Mythologies quotidiennes », organisée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris par le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot, qui marque la naissance de la Figuration narrative. On retrouve à ses côtés Arroyo, Klasen, Monory, Rancillac et Télémaque. Rebelote en 1965 : il expose à la galerie Creuze dans « La figuration narrative dans l’art contemporain ».

« Ce qui s’est développé en France s’est écarté du pop art américain. Nous avons très vite pris le parti d’une narration critique de la société alors que les Américains ont presque toujours été, à mon sens, élogieux à l’égard de leur système. C’est une différence fondamentale », soulignait Jacques Monory.

Ces vingt-cinq dernières années, son œuvre a été montrée à l’occasion de plusieurs expositions personnelles importantes : au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1996, à la Fondation Maeght en 2009, au Mac/Val en 2005, et en 2014-2015 au Fonds Hélène &Édouard Leclerc pour la Culture à Landerneau.

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°510 du 2 novembre 2018, avec le titre suivant : La Disparition de Jacques Monory

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